Cette salope frigide de Zelda !

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@MotorX24 est un Youtuber qui aime (re)jouer à des vieux jeux sur de vieilles consoles, bref, sa came, c’est le « retro-gaming ». Et comme c’est la mienne aussi, je le suivais sur Twitter. Et le 25 novembre, j’ai vu passer le tweet précédent.
La série Zelda fait partie de ces jeux « Jouer le garçon – Sauver la fille », qui, par paresse scénaristique, utilise le ressort de la « demoiselle en détresse » pour donner un but au héros, toujours masculin. Cela n’enlève rien à la qualité du jeu, mais justement, il est dommage de devoir passer par ces stéréotypes qui me lassent.

Quant à la « SALOPE FRIGIDE », que dire. On fait du « slut-shaming » en accusant limite Zelda de faire son « attention-whore » (celle-là, elle est même prête à se faire enlever pour attirer l’attention sur elle !) et ensuite on se plaint parce qu’à la fin, quand on la sauve, elle ne se montre pas aussi reconnaissante que le voudrait le joueur. Le personnage féminin est présenté comme la récompense au joueur, mais la récompense n’est pas à la hauteur, la princesse se contentant de féliciter « le plus grand héros de Hyrule ». Elle pourrait au moins faire un bisou au héros avec un petit cœur !

Bref, heureusement que dans les jeux les plus récents de Nintendo (Super Mario 3D World sur Wii U par exemple), on voit la princesse Peach érigée au rang d’héroïne à part entière.

Femme level 1 (+2 en char)

Je voudrais adresser cette contribution à tous ceux qui se sentent dédouanés des interrogations sur le sexisme en milieu Geek en mode « pff c’est bon : je fais du JDR avec des filles ch’uis pas comme les gros beauf qui regardent Téléfoot ! »

Je ne compte plus le temps depuis lequel je fais du jeu de rôle « papier », que ça soit en tant que joueur ou bien en tant que MJ voire même (modestement) en tant que créateur d’univers, et depuis tout ce temps, je constate un vrai problème avec la place des filles aussi bien « in game » qu’autour de la table.

In game, un perso féminin sera soit un élément qui pousse à l’action au même titre qu’un vulgaire artefact (syndrome « princesse à sauver ») ou alors sera un antagoniste fourbe usant de ses charmes pour faire sombrer les héros. J’ai aussi constaté que jouer un personnage féminin par rapport à un personnage masculin (pour un homme en tout cas) se résume à « je vais voir le garde en roulant du cul pour qu’il me laisse passer » (trad : être une femme ajoute des compétences de manipulation mentale basé sur les boobs). Je ne dis pas que ça ne peut pas faire partie des options de jeu… mais là c’est quand même très « ras du slip » ! Le joueur homme a d’ailleurs souvent beaucoup de distance avec son avatar féminin et prend plaisir a l’imaginer dans des situations ou il n’est pas acteur, mais mateur. Chez d’autres, le fait de passer au féminin est l’occasion d’exacerber les clichés sur les femmes « Ah ah ah ! Je suis une garce manipulatrice ! Je fais faire ce que je veux aux hommes naifs et trop bons ! ». Bref vous l’aurez compris, c’est du cliché sous stéroides.

Toujours pour le in game, je remarque que rares sont les PNJ féminins. Soit ce sont des archétypes féminins (méchante sorcière, reine, princesse) soit des archetypes classiques qu’on a sexualisés (la méchante cheffe d’organisation sexy mais froide et cinglante a la place du méchant mafieux). Jamais de soldat femme, de milicienne, de vendeuse d’armes… ou alors si ça se produit, il y’a toujours introduction de l’idée que c’est un personnage particulier et plus avancé que le simple PNJ de base. On pourrait presque détecter à l’avance l’importance d’un personnage selon son sexe.

Ci-dessous un extrait d’une scène malheureusement vécue alors que je faisais le MJ :

« Bonjour à vous aventuriers ! Bienvenue dans ma forge ! » (description du lieu et du personnage de la vendeuse d’armes)
« Mais… vous êtes une femme ? Et malgré votre métier rugueux vous avez la silhouette d’une elfette prof de fitness ! (jamais évoquée par mes soins) « Damn ! Les mecs ! Venez vite faire booster votre matos ! »
« Mais mais… qu’est ce que vous faites ? »
« Me la faite pas jolie coquinette : une femme forgeron sexy est forcément nulle ou alors hyper balaise : vu que vos affaires semblent prospère, j’en déduit que vous êtes bonne… (voix sexy) vachement bonne (frétillement de sourcils)…une petite réduc si je vous fait voir ma grosse épée ? »

J’en viens donc souvent à ne PAS amener d’élément féminin sans avoir pris d’infinies précautions, car par conditionnement les joueurs prennent ça comme un message. Pour eux, c’est illogique d’utiliser une femme « par défaut ».

Autour de la table, la présence d’une femme entraîne moult comportements sexistes de base qui vont de « je t’explique le jeu » à « t’inquiète, je vais défendre ton perso avec mon super sort ». Les préjugés vont donc bon train, et ça peut aller jusqu’au surprenant (mais néanmoins crétin) « Attends je vais te faire le compte des dés : les filles c’est pas fait pour les additions ».

Donc oui cela existe autour de tables de jeu pourtant apparemment composées de personnes gentilles, polies, « ouvertes » (ce qui ne veut pas vraiment dire grand chose). Même moi ça m’arrive de sombrer dans ces travers, parce que d’une part je ne suis pas un parangon de vertu, et d’autre part parce que ces comportements sont liée à une culture du jeu, des univers (une femme dans un univers de fantasy, c’est avant tout un cosplay sexy penseront la plupart des mecs) et a l’émulation du groupe. N’étant pas supérieur à la plupart de mes contemporains, je ne peux parfois que constater à posteriori mon comportement.

Donc ami-e-s rôlistes, posez vous la question lors de votre prochaine soirée JDR : est il vraiment logique qu’un personnage féminin ait un malus de force et un bonus d’agilité ? Est-ce qu’un personnage féminin c’est forcément un artwork sexy en diable ? Est-ce que la motivation de vos persos peut être autre chose que « sauver la fille du Bourgmestre » ? Est ce que vous avez forcement besoin d’expliquer à la jeune fille à votre droite ce qu’est une claymore alors qu’elle ne vous à rien demandé ?

Quand bien même vous seriez un progressiste accompli, n’hésitez pas à garder cette salutaire démarche de vous remettre en question et à observer vos contemporains… vous pourriez être surpris de ce que vous verrez.