OGaming TV & l’humour misogyne

Assez régulièrement, la page Facebook d’OGaming TV (une chaîne d’e-sport) publie des statuts pour annoncer les événements à venir et les agrémente d’images humoristiques autour des univers de Starcraft 2, League of Legends ou des memes associés. C’est généralement rigolo, assez original et plutôt inoffensif. Cependant, dans la matinée du 25 juin, le compte a publié une image se vautrant dans le cliché « femme = cuisine » (en faisant référence au joueur Coréen Madlife) :
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Notez la légende qui en remet bien une couche, histoire qu’on comprenne bien que haha la femme va être vénère si on salit la cuisine LOL.

Bien sûr, de nombreuses réactions négatives sont apparues dans les commentaires (comme le montre ce screen, et il y en a d’autres). Seule réponse de la page FB, poster cette vidéo :

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« Pas de quoi s’énerver – Chuuuut pas de larmes, que des rêves – Détends-toi du slip… »

Sans aucun commentaire, montrant un infini mépris contre les fans qui sont fatigués de voir toujours les même clichés lourds et excluants (oui, parce que systématiquement renvoyer les femmes en cuisine fait bien comprendre aux joueuses qu’elles ne sont pas à leur place, en plus d’être vu et revu….) :

De même sur Twitter, les gens réagissent et on obtient enfin une réponse du staff de OGaming TV… Et c’est une réponse de haut niveau qui montre comme la question est prise au sérieux.


Ainsi donc, la première réaction que le staff daigne donner est de surenchérir sur la vanne de « femme = cuisine » en rajoutant « MAKE ME A SAMMICH WOMAN LOL ».


Donc à la rédac OGaming TV, on trouve que renvoyer les femmes en cuisine est une blague « géniale ». Est-il besoin de rappeler que ce genre de clichés ne fait que renforcer les stéréotypes et inégalités existantes, tout en rebalançant à la tronche des joueuses un cliché qu’elles subissent déjà à longueur de temps quand elles ont l’audace de ne pas cacher leur genre ?

Bien sûr, notre ami Zaboutine ne peut pas être misogyne : il adore les femmes !


On n’avait pas vu défense plus moisi depuis Nelson Monfort qui n’est pas misogyne vu qu’il a une femme et des filles.

Il ne manque pas aussi de faire preuve d’humour encore très original, mais bien sûr, ça n’est pas sexiste. Bah non c’est de l’humour !

Et puis ce ne sont pas sont pas les blagues sexistes les responsables :


Non, les blagues de ce genre ont une propriété géniale : elles existent dans un univers parallèle et n’ont donc aucun impact sur la société dans laquelle on vit ! Donc on ressort le coup habituel des « vrais responsables ». Merci donc à Zaboutine, après avoir balancé de nombreuses blagues sexistes, de dire que le vrai combat est ailleurs.

Alors vous allez peut-être vous demander si cette personne est vraiment représentative de OGaming TV, quel est son crédit… Il n’a évidemment pas manqué de faire remarquer cela « Je ne suis pas OGTV ».


Certes, alors c’est très mignon tout ça, mais on va s’attarder un instant sur la bio de ce génie :
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Quatre référence à son activité sur le site, dans une seule bio. Et « Rédacteur en chef », s’il vous plaît, mais ses tweets à propos d’un problème relatif à OGaming TV n’engagent que lui ? On peut très sérieusement en douter.
Petit apparté aussi sur l’excuse « Ouais mais je trolle tout seul ». Il est trop facile de balancer absolument n’importe quelle horreur et de dire « j troll hihi xd ». S’affubler du qualificatif de troll n’annule pas magiquement la portée de ce que l’on dit ; un troll, cela va être quelqu’un qui va chercher la polémique. On peut revendiquer en être un, mais faut assumer les conséquences de ses propos, et pas espérer qu’en disant « Wouhola hop hop ! Pouce ! Troll ! », ça devient soudainement OK. Quand on défend une image sexiste en balançant des clichés sur les « sandwichs », en crachant sur les michantes féminisssss et qu’on ignore totalement la critique, faut pas s’étonner de s’en prendre dans les chicots.

Et bien sûr, Zaboutine ne manque pas non plus de se réfugier derrière le « second degré ».


De même que « Troll », second degré n’est pas une carte magique. Dire une saleté en prétendant qu’on ne le pense pas mais en énonçant EXACTEMENT la même chose que si c’était sérieux, ça n’est pas du second degré ; le second degré implique de mettre une distance évidente vis-à-vis du propos en étant critique de celui-ci. Quand Zaboutine traite les féministes de Femen ou qu’il dit « lol j’aurais du mettre un sandwich XD », ça n’est pas du second degré, son propos ne critique pas ces clichés, il les valide totalement et en joue.
Sur ce lien, un passage de Crossed où Karim Debbache explique très bien comment le second degré est une excuse à la médiocrité.

Dans la soirée, on aurait pu croire à un début de prise de conscience côté OGaming TV puisque des « excuses » ont été postées :


Mais le compte n’a posté AUCUNE excuse de façon publique, elles ont juste été discrètement adressée en messages destinés à certaines des personnes les ayant critiqué. En outre, ce sont des excuses très discutables puisque le CM d’OGaming TV, plutôt que de reconnaître une erreur et une attitude sexiste de leur part (ce qui pourrait être l’occasion de signifier que des efforts seront faits, etc…) a juste fourni une excuse hors-sujet (« c’est un homme sur la photo » en parlant du joueur Madlife ou du personnage Tresh, on imagine), nié le caractère sexiste de la vanne, a mis en avant une intention et surtout mentionné « ceux que ça a pu blesser ».
Le problème n’est pas du côté de l’image sexiste, il est du côté des gens qui ont été blessés. Notez bien la différence subtile.

A noter que le tweet ci-dessoous a été envoyé même pas une heure après les fameuses excuses.


Hypocrisie et double discours ? Nooooooooon.

Cela se confirme également au vu des tweets visibles sur le compte personnel du CM d’OGaming TV. En effet, alors que celui-ci postait des simili-excuses sur le compte officiel, son compte personnel lui permettait d’envoyer des piques méprisantes sans la moindre vergogne :

Bien sûr, le CM qui a posté sur le compte officiel que « Ouh la la on veut surtout pas être sexiste » ne manque pas en privé de faire de la provoc’ face aux critiques, et de railler les gens qui tentent d’expliquer le souci et les raisons de leur ire.

Fun fact (si on peut dire…), la veille de ces événement, cet auto-proclamé « Noobest CM ever » (en effet…) se fendait la poire avec ses amis à propos de la poitrine d’une cosplayeuse, avec nombre commentaires de bon goût dans les réponses :


HARR HARR HARR ! Qu’est-ce qu’on se marre entre mecs, hein ? Mais on est pas sexissss, oh non non non.

En résumé

Faisons un petit résumé (vaguement chronologique) des événements. Mercredi matin le compte Facebook d’OGaming TV poste une image sexiste. Des gens s’indignent (bizarre…) et la seule réaction du CM est de poster une vidéo moqueuse qui montre un dédain notoire pour ces remarques. Des réactions sur Twitter. Le rédacteur en chef du site réagit en commençant par une autre blague éminemment sexiste et éculée ; il nie également la validité des critiques et « trolle » (hem) en prétextant n’avoir aucun rapport avec OGaming TV dans l’histoire (on remet l’image de son profil qui fait quatre référence à OGaming TV ? Non, ça va hein ?). Pendant ce temps, le CM responsable de l’image poste des tweets provocateurs et raillant les critiques, très peu de temps avant de poster des excuses insuffisantes et hypocrites (puisqu’envoyées discrètement en message aux critiques et pas en public), et continue son double discours montrant à quel point le sexisme est en réalité traité à la légère.

A noter que c’est vraiment dommage car si la chaîne elle-même est probablement critiquable en terme d’inclusivité, des efforts sont clairement faits à ce niveau-là : l’équipe de casters invite régulièrement des femmes liées à l’univers du e-sport (et qui sont traitée comme des joueuses à part entière et ne subissent pas de vannes reulous sur le sujet), comme on peut le voir pendant la deuxième édition des Nation Wars ; ou des articles sur le site comme celui-ci sur la joueuse Scarlett où sa transidentité n’est évoquée que rapidement pour saluer les réactions très positives de la communauté.
C’est donc d’autant plus regrettable de voir leur community management se vautrer dans l’humour misogyne.

Édité par Mar_Lard

Que reprochent les militant/e/s à JV.com ?

[Trigger  Warning / Contenu Sensible : cet article contient de nombreux exemples de harcèlement, racisme, misogynie, transphobie, homophobie, lesbophobie, des moqueries des  victimes de harcèlement et de viol, des incitations au viol et des  incitations au harcèlement.]

Quelques définitions importantes :
LGBT(+) : Lesbiennes, Gay, Bi, Trans, etc; les personnes non hétéro/cis.
Cis : Inverse de trans, personne dont le genre correspond à celui qu’on lui a assigné à la naissance en fonction de ses organes génitaux (ex : une femme née avec un vagin est une femme cis).
Genre : Les sciences sociales définissent le genre comme un principe de division de l’humanité en deux groupes distincts, « hommes » et « femmes », et comme un rapport parmi d’autres de pouvoir et de domination. Dans les milieux militants, LGBT+ notamment, le genre désigne une identité qui peut être ou non en adéquation avec le sexe assigné à la naissance. Plus d’informations.
Réactionnaire : « Qui se montre partisan d’un conservatisme étroit ou d’un retour vers un état social ou politique antérieur. » – Dictionnaire Larousse

Précision : lorsque je parle du forum, je parle en particulier des Blabla et plus précisément des 15-18 et 18-25.



 

Depuis plus de deux semaines, le twitter militant gronde contre le site jeuxvideo.com et en particulier contre son forum où tous les propos, même les plus nauséabonds, sont permis. À la base, c’est un forum sur les jeux vidéo, mais certaines parties du forum vont bien au-delà de ce sujet. Aujourd’hui, trop de personnes ont été harcelées et/ou blessées par le comportement de cette communauté et le laxisme des responsables du site. C’est pourquoi, à travers cet article que nous espérons le plus complet possible, nous faisons appel à eux.

Pour comprendre notre indignation, il faut commencer par bien intégrer une chose importante : les personnes qui sont derrière les propos que nous dénonçons ne nous intéressent pas, pas plus que le type de personnes qui gère le site. Leur caractère, leurs hobbies, leur âge, s’ils sont sympas ou non, tout ça n’est pas le sujet. Le problème, c’est ce que les forumeurs se permettent d’écrire : des propos stigmatisant les minorités et le fait que les responsables du site ne fassent rien pour endiguer le problème. Ainsi, un petit groupe de personnes promeut de la haine sous couvert de liberté d’expression et énormément de jeunes aimant les jeux vidéo se retrouvent embarqués dans des idéologies réactionnaires, encourageant ainsi le prosélytisme des idées les plus obsolètes en matière de progrès social.

Site français de jeux vidéo le plus visité, lourde responsabilité
Un site ayant beaucoup de vues a une responsabilité civique. Par exemple, PotterMore l’a bien compris et nombreux sont les moyens de protection mis en place visant à prévenir tous débordements. Rappelons que jeuxvideo.com est le premier site français de jeux vidéo en termes de visites. Or, lorsque nous dénonçons le laxisme flagrant de son forum, ses défenses sont les suivantes : pas assez de moyens face à tant d’utilisateurs et une volonté de ne pas brider la liberté d’expression. Pourtant, avec plus de 50 employés, environ 6 millions de chiffre d’affaire en 2012 (dont 2 millions net pour l’éditeur (Odyssée Interactive))
et un rachat à 90 millions par Webedia en juin dernier, on pourrait supposer que ce site ne manque pas d’argent pour faire un minimum attention à ce qu’il se passe dans sa communauté.

Pour l’instant, comment fonctionne le forum ? Tout d’abord, il est soumis à des règles spécifiques : la loi française, les Conditions Générales d’Utilisation du site et la charte d’utilisation des forums. Nous verrons plus bas que ni la loi, ni les CGU, ni la charte n’ont été respectées. L’inscription est ouverte -officiellement (j’y reviendrai)- à tout le monde et si un contenu est considéré comme étant choquant, il y a possibilité de le signaler. Jusque-là, rien d’anormal. Là où on peut commencer à juger que ça devient problématique, c’est que du contenu public ne peut pas être signalé par une personne n’étant pas inscrite sur le forum. Sachant qu’en revanche on peut lire ledit contenu sans être inscrit, je trouve que c’est un premier problème dont il faudrait s’occuper : certaines personnes peuvent vouloir (légitimement) signaler du contenu public choquant sans pour autant vouloir s’inscrire (et donc encourager jeuxvideo.com). Autre détail intéressant : les modérateurs sont, pour une partie d’entre eux, élus par des membres du forum. L’initiative aurait pu être positive, à condition d’être encadrée. Ce qui n’est manifestement pas le cas : les responsables de jeuxvideo.com laissent les modérateurs désignés gérer le forum au petit bonheur la chance sans même chercher à s’assurer que ces derniers appliquent la charte et la CGU qu’ils sont censés faire respecter. À noter, qui plus est, que ces modérateurs sont bénévoles. Ce qui signifie qu’ils ne peuvent pas consacrer autant de temps qu’il le faudrait à un forum qui brasse énormément de messages et qu’ils n’ont aucune obligation. Or, au vu du chiffre d’affaire de ce site, on pourrait penser que payer les personnes qui doivent faire respecter les règles sur leur forum n’est pas tellement au-dessus de leurs moyens. Pour finir, il est également important de prendre en compte que lorsqu’un/e utilisateur/trice est banni/e, ce n’est que son compte qui est suspendu, pas son adresse IP. Ainsi, en admettant qu’un utilisateur soit exclu du site pour un comportement grave quelconque, il lui suffit de recréer un compte pour revenir. Pas étonnant que les modérateurs, même s’ils sont de bonne volonté, se voient submergés par le nombre de messages problématiques avec un tel système.

Bref, pour l’instant, les modérateurs ne font respecter ni la CGU, ni la loi, ni la charte du forum mais bel et bien leur propre conception de la liberté d’expression et une règlementation de leur propre cru, avec la bénédiction du site qui a montré plus d’une fois qu’il sait très bien de quelle manière est géré son forum, ce qui ne l’empêche pas de s’en cogner royalement. Est-il réellement nécessaire de rappeler que la liberté des uns s’arrête là où celle des autres commence, et que donc, la liberté d’expression confère des droits, mais également (et légitimement) des devoirs ? Comme l’évoque l’article 10 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme ?

« 1. Toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière. […]
2. L’exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l’intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d’autrui, pour empêcher la divulgation d’informations confidentielles ou pour garantir l’autorité et l’impartialité du pouvoir judiciaire.»

En outre, la défense de la liberté d’expression leur sert uniquement de prétexte pour laisser proliférer leurs idées discriminantes. En revanche, nombreux sont les messages et les comptes de personnes critiquant le forum à avoir été supprimés et/ou bannis sans raison (il n’est spécifié nulle part que critiquer l’intolérance d’un forum ou proposer des informations sur ce que sont les transidentités est passible de ban). Cette modération à deux vitesses démontre bien l’abus de pouvoir de nombreux modérateurs de jeuxvideo.com et leur défense opportuniste de la liberté d’expression. Pourtant, même après signalement, ces personnes sont toujours dans l’équipe de modération.

 Alors certes, d’après les CGU de jeuxvideo.com et l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique : « La société l’Odyssée Interactive n’est en aucun cas éditeur de contenus sur les «  Forums  » du site www.jeuxvideo.com qui sont créés par les utilisateurs et relèvent de leur pleine et entière responsabilité. À ce titre la société l’Odyssée Interactive n’exerce pas de modération a priori.«  Admettons. Il n’en reste pas moins qu’ils sont tenus, malgré tout, et ce légalement, de modérer a posteriori à partir du moment où certains topics ou messages sont signalés, comme c’est indiqué dans l’article de loi même qu’ils citent :

« Les personnes physiques ou morales qui assurent, même à titre gratuit, pour mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d’écrits, d’images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services ne peuvent pas voir leur responsabilité civile engagée du fait des activités ou des informations stockées à la demande d’un destinataire de ces services si elles n’avaient pas effectivement connaissance de leur caractère illicite ou de faits et circonstances faisant apparaître ce caractère ou si, dès le moment où elles en ont eu cette connaissance, elles ont agi promptement pour retirer ces données ou en rendre l’accès impossible.« 

Qui plus est, leur propre charte affirme que « Sur les forums de jeuxvideo.com ne sont pas autorisés : Les messages racistes, xénophobes, révisionnistes, faisant l’apologie de crime de guerre, discriminant ou incitant à la haine qu’elle soit à l’encontre d’une personne, d’un groupe de personnes en raison de leurs origines, leur ethnie, leurs croyances ou leur mode de vie. Les messages à caractère insultants, violents, menaçants, au contenu choquant ou portant atteinte à la dignité humaine. Les messages diffamatoires. » Pourtant, nous verrons plus bas un florilège de messages allant à l’encontre même de ces interdictions et qui, à l’heure où j’écris ces lignes ne sont toujours pas modérés alors qu’ils ont été signalés, certains depuis presque un an. Doit-on en conclure que la charte du forum n’existe que pour faire joli ?

Les reproches
Il est de notoriété publique que jeuxvideo.com abrite une communauté se croyant tout permis et se permettant les formes d’ostracisation les plus abjectes. Même les responsables de jeuxvideo.com le savent. Lorsque le sujet est abordé par des membres de la communauté geek, des utilisateurs d’internet réguliers ou des fans de jeux vidéo tout le monde tombe plus ou moins d’accord, même les moins sensibilisés aux causes militantes : le forum de jeuxvideo.com est un endroit où les réactionnaires font la loi et le plus sage resterait encore de le fuir. Les militant/e/s ont, à plusieurs reprises, et depuis plusieurs années maintenant, tenté d’alerter par divers moyens jeuxvideo.com au sujet des propos à caractère haineux qui poussaient comme des champignons sur leur forum. Pourtant, la situation ne s’améliore toujours pas. En fait, elle a même tendance à empirer.

En août 2012 puis mars 2013, Mar_Lard a écrit ses célèbres articles dénonçant le sexisme dans la communauté geek. Nombreux alors sont les topics et messages à caractères haineux et discriminant qui sont postés à son intention. Appels au viol, au harcèlement, insultes misogynes… Mar a encaissé une longue shitstorm qui, en (trop) grande partie, a pris racine sur le forum de jeuxvideo.com sans que rien ne soit fait pour endiguer le problème. Les harceleurs ont pu tranquillement s’organiser, tolérés par le  site.

Aux alentours de l’été 2013, la joueuse DamDam essuiera de nombreuses attaques transphobes après être passée dans une émission de NesBlog publiée sur jeuxvideo.com. DamDam explique dans un de ses articles qu’elle sait d’avance qu’elle subira ce qu’elle appelle avec patience des « critiques », montrant par là qu’elle connaissait l’ambiance présente sur le forum. Et sa prédiction s’est avérée juste. Encore aujourd’hui, des topics transphobes à son sujet peuplent le forum et rien n’est fait, encore une fois.

Autre femme trans ayant fait les frais de son apparition dans des vidéos postées sur jeuxvideo.com : Synahel (anciennement connue sous le pseudonyme de Rayas). Après être apparue plusieurs fois dans la chronique hebdomadaire Speed Game après transition, elle a reçu un panel non négligeable d’insultes, des appels à la tuer ou la poussant au suicide, ainsi que des appellations volontairement mal genrées (parler d’elle au masculin alors qu’elle est une femme). D’après elle, les injures provenant de jeuxvideo.com sont fréquentes, qu’elles viennent du forum, de Twitch ou des émissions et des chats du site (qu’elle modère).

De son côté, Paleaoies (Palawa) est sur le forum depuis 2010, avant même sa transition et déjà à l’époque elle constate beaucoup de problèmes d’intolérance (misogynie, homophobie) même si elle n’en est pas (encore) la cible. En 2011, elle poste un topic parlant d’une potentielle relation avec une personne d’un site de rencontres et y essuie ses premières injures à caractère homophobe et transphobe. Puis, en octobre 2013, elle mentionne pour la première fois sa transidentité dans un débat au sujet de l’article de Mar_Lard afin d’illustrer les notions de genre. En résulte du harcèlement à son encontre sur le topic en question, puis d’autres topics ont été créés où des gens postaient sa photo et l’insultaient elle et les trans en général (allant parfois jusqu’à souhaiter sa mort). Finalement, des membres du forum ont trouvé son compte Twitter, l’ont partagé et ont invité au harcèlement. Certains sont allés jusqu’à créer un compte Twitter spécialement pour la harceler. À ce moment la présidente de l’association AcronymeS a contacté les responsables de jeuxvideo.com avec des textes de loi appuyant ses propos, dénonçant les problèmes de transphobie du forum. Réaction : bannissement des pseudonymes uniquement et fermeture des topics, mais les forumeurs problématiques revenaient à chaque fois avec un pseudonyme différent. Finalement l’affaire s’est calmée non pas parce que jeuxvideo.com a pris les mesures qui s’imposaient (bannissement définitif des adresses IP) mais parce que les harceleurs se sont lassés. Régulièrement jusqu’à aujourd’hui elle est harcelée sur Twitter, sur le forum et sur son compte Ask par des membres du forum.

En janvier dernier, Mathieu Sommet dénonçait dans son SLG n°78 une vidéo qui avait été postée sur le forum de jeuxvideo.com et qui faisait l’apologie du viol en prétextant qu’il existait un moyen de violer des femmes « gentiment ». Ces vidéos ont disparu du forum depuis, mais pas à l’initiative des modérateurs ou des administrateurs, non. C’est l’auteur lui-même qui les a supprimées (de son propre aveu) après, je suppose, avoir essuyé les moqueries des fans de Mathieu Sommet. Bref, en résumé ce forumeur fait l’apologie du viol et des violences faites aux femmes dans ses vidéos, les poste sur le forum de jeuxvideo.com, se fait rabrouer publiquement par un youtubeur, les supprime lui-même, puis continue tranquillement d’officier sur JVC sans être banni ni même inquiété d’une quelconque manière par les responsables de jeuxvideo.com alors même que les féministes alertent les modérateurs à grand renfort de signalements et de tweets. Il a continué à étaler sa misogynie par la suite.

Au même moment, Mar_Lard dénonce un article écrit sur jeuxvideo.com dans lequel le rédacteur s’adresse uniquement à un public masculin pour la St Valentin. Elle lui explique en quoi c’est problématique et le rédacteur finit par changer les propos pour les rendre plus universels. Qu’un des rédacteurs « plie » devant une féministe met les forumeurs en colère et aussitôt, un topic d’insultes fait surface.

D’une manière générale, des tas de topics contenant des incitations au harcèlement, des propos racistes, misogynes, homophobes, transphobes voire du harcèlement sexuel sur mineure inondent le forum. Inutile de chercher loin, il suffit à n’importe quel internaute de naviguer au hasard quelques petites minutes sur les « bla-bla » pour trouver de quoi perdre toute foi en l’humanité. Certains des forums que j’ai screenés (moi ou d’autres militants) sont toujours en ligne en ce moment même, les créateurs de ces topics sont toujours sur le forum et quasiment rien n’a été fait alors que des topics comme celui au sujet d’une jeune mineure et de ce que les forumeurs lui feraient ont été signalés plusieurs fois.

Finalement, ce qui a relancé les militant/e/s dernièrement, c’est la volonté d’un illustrateur de « parodier » le Projet Crocodiles. Ce dernier a fait un appel aux 18-25 du forum pour récolter des témoignages. Pour saisir la colère des féministes, il faut comprendre ce qu’est exactement le Projet Crocodiles : c’est un site créé par Thomas Mathieu qui vise à récupérer des témoignages de femmes victimes de violences misogynes comme des viols ou du harcèlement. Ce dernier les illustre en représentant les hommes sous forme de crocodiles. Le but n’étant pas de dire que les hommes sont tous les mêmes, mais bien de faire comprendre ce que vivent les femmes avec la peur du harcèlement et du viol au jour le jour. Les femmes vivent en constante insécurité à cause de la misogynie ambiante en France et son obligées de se protéger comme elles le peuvent face à tous les hommes puisqu’elles sont incapables de savoir lesquels auront de mauvaises intentions à leur égard. Les agresseurs n’ayant pas de « profils types » (contrairement aux prétentions des racistes et classistes de tout poil), n’importe quel homme peut être un agresseur. Est-il réellement nécessaire de rappeler que la première cause de mortalité chez les femmes sont les violences domestiques ? Qu’une femme est victime de viol toutes les 7 minutes en France (et que 96% des violeurs sont des hommes) ? Que le harcèlement de rue et/ou sexuel est quelque chose que presque toutes les femmes connaissent (et que bien rares (pour ne pas dire inexistants) sont les témoignages mettant en avant des harceleuses) ? Le Projet Crocodile cherche à alerter sur un phénomène social qui met en danger toutes les femmes et qu’il est possible d’endiguer à condition que chacun fasse attention à son comportement.

Or, en créant le Projet « Vipères », l’illustrateur et les participants font passer plusieurs messages. D’abord avec des témoignages d’hommes qui racontent de quelle odieuse façon une femme a osé refuser de coucher avec eux (entre autres), ce projet met au même niveau de souffrance une femme violée et/ou victime de harcèlement et un homme qui… s’est pris un râteau. Quel est le problème ? Le problème c’est que dans le cas du Projet Crocodiles, des femmes défendent leur droit à circuler librement dans l’espace public sans être inquiétées et à pouvoir dire non à un homme qui veut coucher avec elle sans risquer d’être forcées (et donc violées puisque forcer une personne à avoir une relation sexuelle non consentie est bel et bien un viol). À l’inverse, le Projet Vipères vise à culpabiliser les femmes qui refusent de coucher avec des hommes et à présenter les hommes comme des victimes parce qu’ils ne peuvent pas se taper toutes les femmes qu’ils veulent quand ils veulent. Dans un cas, donc, nous avons un projet qui vise à rendre plus de liberté aux femmes quand l’autre vise simplement à renforcer les hommes dans la croyance selon laquelle les femmes leur doivent du sexe, n’ont pas le droit de les quitter (sous peine d’être des salopes) ou d’être attirées par d’autres personnes qu’eux, encourageant ainsi, purement et simplement, la culture du viol et la misogynie.

En outre, le Projet Vipères est présenté par un illustrateur fréquentant des masculinistes comme Soral. Est-ce anodin ? Rappelons que, contrairement aux idées reçues, les masculinistes ne luttent pas pour les droits des hommes, mais pour permettre aux hommes de conserver un ascendant sur les femmes et les enfants (par exemple, ils luttent pour que le divorce ne soit possible qu’à condition que les deux parties soient d’accord, mettant ainsi en danger les victimes (hommes et femmes) de violences conjugales). Et c’est sans compter sur le fait que la proposition de ce projet ait encouragé la création de plusieurs topics dans lesquels les forumeurs de jeuxvideo.com commentent le Projet Crocodiles et son contenu, notamment en affirmant qu’une femme sodomisée de force, ce n’est pas un viol ou encore que voir une femme en train d’être violée les excite. Là encore, ces topics et messages sont toujours sur le forum sans que rien ne soit fait.

Suite donc, à ces topics et ces propositions de parodie, les militant/e/s se sont élevé/e/s contre ce projet dangereux en dénonçant le problème aussi bien sur le forum que sur Twitter ou sur leur blog. Si les administrateurs ont, encore une fois laissé pisser, les forumeurs, eux, ont trouvé là une excellente occasion de tenter de nous faire taire une bonne fois pour toutes. Ainsi ont-ils créé l’opération « Silence Féministes » sur le forum même en invitant tous les forumeurs à harceler les féministes sur Twitter ou par mail en créant des faux comptes et des bots. Menaces de viol, insultes, divulgations d’informations privées… Toutes les personnes qui ont osé dénoncer les problèmes inhérents aux forums de jeuxvideo.com se sont pris ses petits soldats dans la figure et ce, avec des moyens parfaitement illégaux (comme la divulgation d’informations privées).
→ Ainsi RashXBucker a vu le topic au sujet de la parodie et est allée expliquer vertement en quoi ce dernier était très problématique. 24h plus tard, elle était bannie et a commencé à être harcelée, pour finalement recevoir une centaine de messages par jour environ comprenant des attaques ad hominem, des injures à caractère sexuel ou visant le physique sur son blog, son Twitter et son Ask.
Holywa, de son côté, a écrit un article dénonçant la complaisance des responsables de jeuxvideo.com à l’égard de sa communauté. Quelques jours après l’avoir posté, elle passe soudainement d’environ 100 vues par jour à plus de 7000, à cause d’un partage fait sur le forum. Des topics sont créés pour la descendre et des messages insultants sont postés à son encontre sur Twitter, en messages privés et sur les topics de jeuxvideo.com, sur Facebook et sur son blog. Finalement, après avoir essuyé de nombreux messages à caractère haineux et après de nombreuses incitations au harcèlement, un type de jeuxvideo.com partage ses données personnelles (adresse et numéro de téléphone) sur Twitter. L’information est aussitôt reprise sur le forum avec des images de Google Street View en prime. Le nombre d’appels la contraindra à débrancher son téléphone. Le harcèlement allant trop loin, elle décide de porter plainte. La procédure est en cours.
→ Il y a deux semaines, reçoit un mail de (créatrice d’un Tumblr dénonçant le harcèlement de rue avec des témoignages de femmes et leur photo à côté) exprimant son désarroi parce qu’un topic de jeuxvideo.com a été créé pour détourner son Tumblr en se moquant des victimes qui témoignent. La « blague » a été signalée à Juliette par un des créateurs du topic (qui voulait que les détournements soient vu par les victimes). Sur-le-champ, Juliette fait faire un signalement mais ce n’est qu’une semaine plus tard qu’il est supprimé, laissant aux créateurs le temps de se créer un Tumblr et un compte Twitter avec les images détournées et d’organiser ce qu’ils appellent « l’opération Silence Féministes ». Juliette décide donc d’en parler à A_C_Husson, mais elles hésitent à dénoncer le problème publiquement car elles savent que c’est ce que veulent les forumeurs. Or, elles ne veulent pas blesser les victimes. Finalement, c’est en voyant que le sentiment d’impunité les pousse à publier les parodies sur Twitter et Tumblr que Juliette et A_C_Husson décident de dénoncer publiquement le problème. Aussitôt, elles reçoivent respectivement des insultes sur le topic et sur Twitter : incitation au viol, injures, attaques ad hominem. En deux heures, plus de 30 messages pousseront A_C_Husson à passer en privé. Pas découragés, les forumeurs décideront d’envoyer leurs bots sur sa page Facebook, lui envoyant plus de 50 messages dans lesquelles se trouvent des images de femmes avec du sperme sur la figure mais se font bloquer par Facebook. D’autres pages Facebook comme « Stop harcèlement de rue » ou « MadmoiZelle » seront aussi victimes de leurs bots.
Juliette, de son côté, subira à peu près le même sort : appel à la harceler sur Twitter, insultes diverses sur le forum, menaces de « couper sa connexion sur Twitter » et affirmations que ses coordonnées ont circulé en mp sur le forum.
Paleaoies (Palawa) quant à elle, continuera ses dénonciations des pratiques de jeuxvideo.com, notamment après son démêlé avec Noraj, modérateur qui décidera de fermer un topic au sujet des transidentités pour des raisons fallacieuses (« hors sujet ») et après la découverte du topic « Parodions le Projet Crocodiles ». Elle décidera en particulier de se plaindre directement aux administrateurs en créant un topic dans la partie réclamations visant à demander une modération plus juste. Dans son topic elle demande notamment « que cet endroit soit un espace safe pour les femmes, ainsi que pour les trans’. Avec ce topic (la parodie du Projet Crocodiles), c’est l’effet inverse qui se produit, et cela va même jusqu’à transmettre ce sentiment d’insécurité ailleurs sur internet. » Suite à ce topic, le harcèlement reprendra un peu partout (forum, Ask, Twitter etc). Pire, sur le topic de réclamations, normalement, il n’est pas autorisé de répondre, mais Meego se l’est permis alors qu’il n’est pas visé par la plainte, se permettant ainsi d’enfreindre la charte de modération sans craindre un bannissement, protégé par son statut de modérateur. Quelques minutes plus tard, une partie des forumeurs commenceront à s’organiser pour harceler Palawa en créant des topics avec photos d’elle, des insultes et des appels au lynchage.

Dernièrement, les forumeurs de jeuxvideo.com ont créé un salon Tinychat sur lequel il font croire à des trans qu’il est possible de parler en toute quiétude de leur transidentité pour ensuite, une fois qu’ils s’inscrivent sur le chat, les harceler, les injurier et les humilier oralement, via micro.

Les réactions de jeuxvideo.com
Très vite, nous avons donc compris comment le forum de jeuxvideo.com fonctionnait : tous les forumeurs peuvent être élus et devenir modérateurs. Ils sont donc représentants du mode de pensée présent sur le forum et sont choisis pour cette raison. Résultat, les seules personnes pouvant réellement endiguer le problème n’ont aucun intérêt à le faire. À côté de ça, les responsables du forum, ceux qui sont censés gérer l’équipe de modération, ne semblent pas pressés de virer les modérateurs qui ne font manifestement pas correctement leur travail voire qui tiennent eux-mêmes des propos qui seraient dignes d’un bannissement définitif.

Pire : les modérateurs du forum montrent clairement leur volonté de protéger envers et contre tout la possibilité des forumeurs de continuer de dire ce qu’ils veulent quand ils veulent comme ils le veulent, même si leurs propos visent à stigmatiser des minorités déjà fragilisées, en particulier les trans qui semblent vraiment les déranger pour une raison obscure (peut-être de la haine et du mépris pur et simple ?)
Ainsi, Avril, faisant partie de la modération, a soutenu que le déferlement de haine, de harcèlement et de mépris dont étaient victimes les trans sur jeuxvideo.com étaient anecdotiques, a justifié les messages transphobes tels que « les trans me dégoûtent » par un « ce n’est qu’un avis, on peut aussi dire les noirs me dégoûtent » et a exprimé que, à son avis, les homosexuels n’auraient pas à être choqués par les gens qui expriment leur dégoût vis-à-vis de leurs préférences sexuelles (dégoût exprimé par des « sale pédé » et autres joyeusetés).
De même, Meego, dans un topic « règles de vie en communauté » affirme qu’il est « hors de question de pratiquer une censure dégueulasse qui ne ferait qu’envenimer les choses » et qu’il est possible d’exprimer le fait qu’on n’apprécie pas l’homosexualité, la religion musulmane (comme par hasard) ou les transidentités mais qu’il faut le dire de manière polie et argumentée. On attend toujours de savoir si, selon Meego, dire « les trans et/ou les noirs me dégoûtent » est poli et argumenté ou non. La liberté d’expression selon Meego nous a semblé bien opportuniste. (À noter également que Palawa a signalé le comportement de Meego à Christophe Henner, mais n’a reçu aucune réponse).
Dam0ol, de son côté, après avoir lu un article du Nouvel Obs dénonçant les pratiques de jeuxvideo.com, a décidé de se fendre d’un long topic dans lequel il justifie les pratiques du forum de la manière suivante : 1- Tout le monde fait comme ça, donc pourquoi s’en prendre à nous ? (Ah bon bah si tout le monde fait de l’ostracisme, ça va alors, on va juste suivre la tendance), 2- Vous êtes malhonnêtes vous faites des amalgames (alors que de nombreuses preuves ont été fournies avec screenshot à l’appui), 3- On s’en fout des trans, mais on a quand-même bien le droit de dire qu’on les aime pas sans se faire traiter de nazi ! (Doit-on rappeler que stigmatiser quelqu’un ou changer de comportement vis-à-vis d’une personne simplement à cause de son genre, son orientation sexuelle, son identité sexuelle, ses croyances, ou son appartenance ethnique, ça s’appelle de la discrimination et que c’est interdit par la loi ?) (etc) De nombreux modérateurs tels que Budra, Aristotedi ou Cartographe manifesteront leur soutien à ce topic.
Noraj, quant à lui, abuse de son pouvoir de modérateur à plusieurs reprises, notamment, comme ça a été expliqué plus haut, en fermant un topic sur la transidentité sans raison valable, mais en laissant d’autres topics ouverts comme celui-ci dans lequel des tas de forumeurs se vantent d’avoir harcelé des féministes (la preuve qu’il a vu le topic réside dans un message qu’il a laissé sur le topic même mais qu’il a supprimé par la suite, sans se soucier, en revanche, de supprimer ledit topic). Il kickban également des féministes qui osent dénoncer les problèmes de topics comme « parodions le Projet Crocodiles », s’en vante sur le topic sus-cité et exprime même son soutien à la personne qui souhaite faire la parodie.

Forts de ce constat, nous avons compris que les seules personnes qui pourraient réellement changer les choses étaient les administrateurs et les responsables du site. Que nous avons alerté à maintes reprises via leur Twitter officiel et par mail. Résultat ? Quelques tweets le 30 juin parlant d’une sélection de 6 personnes pour venir discuter au siège de l’association à Aurillac (pour l’instant, pas de nouvelles à ce sujet depuis) et un débat sans fin avec Christophe Henner (directeur Marketing). Il nous avoue que JVC n’est pas capable de répondre aux situations d’urgence (comme incitation au harcèlement) à cause de « contraintes techniques » (qui changent au cours des discours et ne sont pas toujours exactes), puis prétend que de toute façon, que les propos discriminants soient chez eux ou ailleurs ne changera rien au problème (ce qui est faux : le fait que jeuxvideo.com soit un site très visité rend les messages problématiques plus visibles et donc plus violents) pour enfin refuser l’idée même de fermer ne serait-ce que temporairement le forum afin de trouver une solution durable et efficace sous prétexte que c’est une technique « terre brûlée« . Pire, il défend des modérateurs comme Avril et tente de justifier les propos racistes et transphobes qu’il a pu tenir.

D’ailleurs, d’après son témoignage dans l’article de MadmoiZelle, une refonte de l’équipe de modération et la mise en place d’un autre système visant à choisir les modérateurs avec plus de soin n’est pas tellement d’actualité. Le seul effort qui sera fait de leur côté sera un debriefing des modérateurs afin de leur apprendre leurs responsabilités (doit-on comprendre que ça n’a pas été fait à la base ?). On ignore si des mesures seront prises dans le cas où les modérateurs, même après avoir été avertis, continueraient d’appliquer leurs propres règles plutôt que d’appliquer celles de la loi et du règlement du forum.

Il est manifeste que jeuxvideo.com se cache derrière l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique. En effet, grâce à cette loi, ils peuvent prétendre ne pas être au courant de ce qui se passe sur le forum tant qu’un signalement spécifique n’a pas été fait alors que c’est une révision globale de la politique de gestion de leur forum qui est en cause. Ainsi, ils peuvent habilement attendre des personnes harcelées, humiliées et insultées qu’elles fassent soit le travail de ménage (gratuitement) à leur place (à savoir signaler tous les messages problématiques, tous les jours sans être bien sûr/e/s que leurs signalements seront pris en compte (puisque de nombreux signalements ont été faits et que rien n’a bougé)), soit qu’elles portent plainte contre les utilisateurs un par un en leur nom. Les deux cas n’étant, bien entendu, pas envisageables sans y passer tout son temps et toute son énergie, jeuxvideo.com peut sereinement et en toute quiétude laisser sa communauté enfreindre loi et règlement sans être tenu pour responsable. Mieux, peu importe qui sont les personnes qui fréquentent leur forum, après tout,  un clic d’internaute est un clic d’internaute et permet de faire du chiffre (et donc de flatter les actionnaires). Il faudra pourtant bien qu’un jour, jeuxvideo.com comprenne que ce n’est pas aux personnes victimes de son laxisme de veiller à ce que sa communauté respecte la charte du forum et la loi. Jeuxvideo.com sait que son forum pose problème d’une manière globale et l’a prouvé à maintes reprises. La question est : est-ce que ce fameux article 6 les protège encore de ce savoir, même s’il n’est pas au sujet de messages spécifiques, mais d’une ambiance globale ?

Concrètement ces problèmes, ça donne quoi ?
Si des militant/e/s s’élèvent contre jeuxvideo.com et la communauté qu’il abrite, ce n’est pas pour le plaisir de se faire harceler, humilier et insulter, mais bel et bien parce qu’un tel laxisme présente plusieurs problèmes à différents niveaux.

Tout d’abord, jeuxvideo.com est un site qui se veut ouvert à tout le monde. Pourtant, en laissant les membres du forum proférer des discours discriminants jours après jours, ils font fuir la plupart des personnes visées. Résultat, les jeunes hommes blancs cishétéros restent confortablement entre eux. Personne n’aimant être  méprisé et insulté pour son genre, sa sexualité ou sa couleur de peau, il est normal que leurs cibles favorites désertent les lieux. Pourtant, les jeux vidéo ne sont pas la propriété exclusive de ces hommes blancs cishétéros. Il a été prouvé à de nombreuses reprises que 49% des joueurs sont des joueuses et il ne me semble pas que la couleur de peau ou l’orientation sexuelle empêchent de tenir un joystick. Bref, jeuxvideo.com a laissé ses forums sombrer dans un communautarisme malsain et allant à l’encontre de toute notion éthique de base : un tel site est censé viser des amateurs/amatrices de jeux vidéo sans nullement se soucier de leur appartenance ethnique, leur genre, leurs préférences sexuelles etc. Pourtant en laissant ces forumeurs étaler leur haine et leur mépris des gens différents, les responsables de jeuxvideo.com leur ont laissé croire que cet endroit leur était destiné exclusivement et qu’ils n’avaient pas à faire d’efforts pour permettre à chacun/e de participer à la vie du site sans y être humilié et/ou harcelé. Certains en sont même venus à créer des topics ne laissant aucun doute sur leur mentalité, comme « imaginez une modo fille :rire: » ou, ce topic dans lequel une femme se plaint de l’ambiance misogyne du forum et se voit répondre des « bah t’as qu’à dégager » ou des « go cuisine ».

En plus de leur rejet de toutes les personnes qui ne collent pas à leur  définition de la norme, des idéaux réactionnaires et intolérants se propagent à travers ce site populaire qui, à la base, se veut être un simple web-journal vidéo-ludique. En effet, les jeux vidéo attirent chaque année de plus en plus de personnes et plus spécifiquement de jeunes gens. Toutes ces personnes vont évidemment chercher à partager leur passion sur le net en cherchant des sites et des forums afin d’en discuter avec des personnes appréciant autant qu’elles/eux de découvrir encore et toujours de nouvelles manières de se divertir. Or, comme il a été spécifié plus haut, jeuxvideo.com est le site de jeux vidéo le plus visité de France. Sa communauté et les propos de sa communauté sont donc une des choses qu’on est susceptible de lire en premier quand on cherche des endroits où parler de jeux vidéo. Bref, en laissant les membres du forums de jeuxvideo.com étaler haine et mépris discriminants publiquement alors qu’ils ont énormément de visites en rapport avec un média qui attire en particulier les plus jeunes (et donc les moins armés contre ce genre d’idées nauséabondes), jeuxvideo.com se rend coupable de la propagations d’idées réactionnaires, discriminantes et stigmatisant des minorités déjà fragilisées par la haine ambiante qu’elles subissent.

Ce que nous attendons de jeuxvideo.com
Il est temps pour jeuxvideo.com de prendre ses responsabilités et de lutter contre le sentiment d’impunité que peuvent avoir les utilisateurs et modérateurs du forum au lieu de se ranger de leur côté et de renforcer l’impression qu’ils ont d’être au-dessus des lois, des règles, du respect et des notions les plus élémentaires du vivre ensemble. Jeuxvideo.com est un site tous publics accueillant énormément de nouveaux inscrits chaque jour et de ce fait, il se doit de faire en sorte que les nouveaux arrivants ne se voient pas embarqués dans des modes de pensée ostracisants. Nous demandons à jeuxvideo.com de ne pas nier que pour appartenir à la communauté qu’ils ont laissé se construire sur le forum, nombreux sont les nouveaux arrivants qui modifieront leur comportement afin de mieux se faire accepter, grossissant toujours plus une communauté dans laquelle la haine et le mépris de l’Autre est entretenue depuis trop longtemps maintenant. Que les forumeurs intolérants aillent étaler leur mépris ailleurs n’est pas le problème de jeuxvideo.com. En ne les couvrant pas, jeuxvideo.com choisira de ne pas leur offrir la publicité dont le site peut jouir, et donc de ne pas laisser se diffuser un ostracisme puant au sein du forum et de la communauté geek en général.

Concrètement, nous demandons aux responsables de jeuxvideo.com de :
→ Respecter (et faire respecter) leur propre charte, les CGU ainsi que la loi.
De dissoudre intégralement leur équipe de modération et de recruter une équipe de 20 modérateurs/modératrices professionnel/le/s minimum (qui ne sera pas composée exclusivement d’hommes cis blancs et hétéros). Les modérateurs/modératrices devront être compétent/e/s, ayant une connaissance parfaite de la charte, CGU et de la loi en matière d’expression sur le net et seront  rémunéré/e/s afin qu’ils/elles puissent travailler à temps plein au nettoyage du forum et, par la suite, à son entretien systématique.
De revoir les méthodes de fonctionnement du site, notamment au niveau du ban et de la possibilité de signaler du contenu. Les utilisateurs extérieurs au site doivent pouvoir signaler un contenu à partir du moment où ce dernier est rendu public même aux personnes n’étant pas inscrites. De même, à partir du moment où une personne est bannie, c’est son IP qui doit l’être et non pas simplement son compte, afin qu’il soit assuré qu’elle ne puisse pas revenir avec un pseudonyme différent quelques minutes après avoir été expulsée.
→ Que soient bannis définitivement les utilisateurs se permettant de tenir des propos ostracisants ou incitant à la haine et/ou au harcèlement à plusieurs reprises et même après rappel à l’ordre.
Que les responsables de jeuxvideo.com cessent de demander aux personnes qui dénoncent les problèmes sur leur forum de faire ce pourquoi ils se rémunèrent eux-mêmes, à savoir gérer la communauté et prévenir les débordements. C’est à jeuxvideo.com de surveiller son site et son forum, pas à nous.

Si jeuxvideo.com n’est pas capable de gérer le forum pendant les changements d’actionnaire, comme certains responsables l’ont prétendu sur Twitter, nous demandons à ce que le forum soit fermé temporairement le temps que les « contraintes techniques » n’empêchent plus les responsables de gérer la communauté abritée par jeuxvideo.com.
Si jeuxvideo.com n’est pas capable de gérer la communauté qu’il abrite sur le long terme, alors nous demandons la fermeture du forum, simple et définitive.

En conclusion
Nous ne nous en prenons pas à jeuxvideo.com par simple oisiveté, mais bel et bien parce que la communauté abritée par le forum blesse de plus en plus de gens, même étrangers au site, à cause des comportements haineux qui n’y sont pas modérés. À défaut de faire d’internet un espace safe et où chacun/e peut se sentir bien sans être insulté/e à cause de son genre/orientation sexuelle/couleur de peau etc, nous souhaitons que, au moins, les sites les plus visités soient vigilants et encouragent leur communauté à s’amuser, à découvrir et à partager dans le respect de l’Autre. Aussi, nous espérons que cet appel soit entendu et qu’ainsi l’entièreté du site soit respectueuse, sans haine, ni mépris.

Pour plus d’informations
Compte Twitter regroupant des screenshots de propos intolérants sur JVC : [x]
L’écrit de la chouette : Jeu Vidéo.com : [x]
MadmoiZelle dénonce : [x]
Le Nouvel Obs dénonce : [x]
Sans Compromis dénonce : [x]

Pour aller plus loin
Sexisme chez les geeks : [x]
Les vidéos de Feminist Frequency : [x]
Misogynie chez Joystick : [x]
Ce que c’est qu’être une femme qui exprime son opinion sur le net (en anglais): [x]
L’humour est une arme : [x]
L’humour pour les nuls : [x]
Sexisme dans les jeux vidéo, Pearltrees : [x]

Merci à Synahel, RashXBucker, Holywa, , , , Juliette Lancel, , et pour leur aide, leurs conseils, la relecture et leur témoignage. Et merci à toutes les personnes qui m’ont exprimé leur soutien durant la rédaction de cet article.

Myroie

Sexisme sur les photos d’une joueuse pro

En ce moment, je joue beaucoup au nouveau jeu de cartes Blizzard, Hearthstone: Heroes of Warcraft. Et quand j’en ai marre de jouer, je regarde le plus souvent les streams (des joueurs professionnels ou non qui se filment en train de jouer) de Hearthstone sur Twitch. J’ai découvert des tas de streamers doués et tous différents, qui s’intéressent à leur public, en variant tous les jours pour découvrir de nouvelles têtes. Il y a peu je suis tombée sur le stream de itsHafu, une gameuse professionnelle qui a remporté de nombreuses compétitions de jeux vidéo. Les femmes étant peu visibles dans le monde du jeu vidéo, c’est sur son stream à elle que je vais le plus souvent: elle joue bien, elle est drôle, elle connaît les problèmes que subissent les femmes dans son milieu…

Pour me tenir au courant de ses actualités, je me suis abonnée à sa page facebook officielle, puisqu’elle poste les nouveaux Decks qu’elle crée ou qu’elle prévient quand elle commence à streamer. Mais voilà, Hafu est une femme, et elle est jolie: on imagine bien sûr les commentaires sur sa photo de profil qui la complimentent sur son physique (on n’a pas ça sur les pages facebook des streamers hommes…) ou lui demande des câlins (alors qu’elle spécifie très clairement sur les règles du chat Twitch qu’elle trouve ce genre de demandes personnelles carrément flippantes). Mais voilà le genre de commentaires sur lesquels on tombe, à propos d’une photo de Hafu interviewée par un homme en conférence:

Les commentaires…

Les commentaires…

#2″Tu as sucé la bite à qui pour être interviewée? lol »

Bien sûr, une femme en conférence entourée d’hommes est forcément arrivée là en faisant des fellations, pas grâce à son talent de joueuse pro. Et même si ce commentaire est censé être une blague, on notera que les gens ne peuvent s’empêcher de faire des commentaires sexistes et dégradants quand il s’agit d’une femme. Malheureusement, celui qui publie cette remarque sexiste se fait rembarrer à coup de « T’inquiète pas, il y a aussi des bites à sucer pour toi » #3 (répondre à du sexisme parce un combo sexisme/homophobie, parce que faire une fellation quand on est un homme c’est honteux)

De même que le commentaire « Enfin une jolie fille qui joue à un jeu sympa! » #1 est sexiste: là encore on ne parle que du physique de la joueuse, et pas de ses compétences. C’est aussi sous-entendre que les filles ne jouent qu’à des jeux pourris, et que celles qui jouent à des jeux sympas sont bien évidemment laides: le plus important chez Hafu n’est pas qu’elle soit une joueuse de talent, c’est qu’elle soit jolie !

Assassin’s Creed : l’attaque des clones

Révélé durant l’E3 de cette année, le trailer d’Assassin’s Creed : Unity vaut son pesant de cacahuètes, avec des drapeaux français de partout, une ville de Paris superbement reconstituée et des nobles décapités par une foule en furie. Le jeu va – si vous ne l’aviez pas déjà compris – se dérouler durant la Révolution française et proposer des phases de gameplay aussi bien en environnement extérieur qu’intérieur. Un mode coopération est proposé en parallèle de la campagne solo (dont le héros s’appelle Arno. Je. Bon. C’est pas le sujet). Forcément, c’est l’E3 donc on nous en met plein la gueule, à voir ce que ça va donner au final. Mais les premières images donnaient de quoi être enthousiastes.

Ledit enthousiasme s’est quelque peu refroidi lorsqu’il a été révélé que ni dans la campagne solo, ni dans la campagne coop, il ne serait possible de jouer une femme assassin. Seul le visage, l’équipement et la couleur des vêtements du personnage pourront varier. La jaquette du jeu en serait drôle si le résultat n’était pas si déprimant :

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Coucou les clones !

J’ai l’impression de vous avoir déjà vus.

Venant du studio qui sortait Child of Light peu de temps auparavant, il y avait de quoi être déçu par cette douche froide. Ubisoft a précisé que ce choix était dû au fait qu’animer des personnages féminins doublerait temps et coût de travail (animations, voix, etc.) et que cette option a donc été abandonnée. La viabilité de cette excuse a été vivement critiquée. De la part d’un studio de l’ampleur d’Ubisoft, il est difficile d’imaginer qu’ils n’avaient pas les moyens d’animer des femmes pour leur jeu : implanter des personnages féminins n’était pas leur priorité, tout simplement, et ils se sont concentrés sur autre chose. Ce serait pas mal de juste assumer ça, au moins. Surtout que question technique, de l’avis du directeur animations d’Assassin’s Creed III, créer un personnage féminin réaliste ne demandait pas tant de travail :

« À mon avis informé, j’estime que ça prendrait un ou deux jours de travail. Pas un remplacement de 8000 animations. »

OU BIEN, ils pensaient à un énorme travail à faire pour obtenir des animations radicalement différentes entre un perso féminin et masculin. Ce qui indiquerait justement que nous bougeons de façon complètement différente en tant que femmes ou en tant qu’hommes. Le souvenir douloureux de la démarche et des poses sexualisées de FemHawke dans Dragon Age 2 me vient en mémoire…

Ubisoft, ça ne tient pas la route. On parle d’assassins pendant la Révolution française. Leurs démarches et leurs postures ne vont pas être radicalement différentes selon leur sexe ou leur genre.

Aveline en a été la preuve et partage plus d’animations avec Connor Kenway que son aïeul masculin Edward Kenway :

Des sources plus récentes indiquent cependant qu’en réalité, nous jouerions littéralement des clones : les personnages de coop seraient tout simplement Arno. Répété quatre fois. Donc, que ça justifierait l’uniformité présentée sous nos yeux.

Donc si j’ai bien compris, ils auraient foutu quatre fois le même personnage sur la jaquette. C’est… intéressant, comme choix artistique.

Après, peu importe. En supposant même que l’une ou l’autre explication tienne la route, le résultat reste tout aussi blasant : le fait que par défaut, on commence par implémenter le modèle du mec blanc trentenaire, et que tout le reste soit en option. Parce que oui, soigner les décors, Paris, les palais, tout ça, ok, très bien, c’est super. Le niveau des détails et du réalisme des reconstitutions semble, pour l’heure, proprement bluffant. Mais représenter la majorité de la population humaine serait secondaire d’un point de vue réalisme artistique ?

En soi ce n’est pas un problème de jouer un mec blanc dans un jeu, mais pourquoi est-ce systématiquement le choix par défaut ? Pourquoi un tel biais en faveur de cette démographie ? Ceci est bien sûr une question rhétorique. Quand on voit la sur-représentation de ce type de personnages dans les jeux vidéo – et même les médias en général – il serait de mauvaise foi de prétendre que les médias reflètent une vision réaliste de nos sociétés en termes de représentation, que ce soit des genres, des races, etc.

Par défaut, le personnage masculin est « neutre », c’est la base, le personnage féminin est une anomalie – pas forcément dans le sens péjoratif du terme, mais une anomalie – à rajouter par la suite. C’est pas moi qui l’ai dit, c’est Simone de Beauvoir. Et ce constat s’applique aussi bien aux femmes qu’aux personnes non-blanches ou encore aux personnes LBGTQIA+. L’échec d’Ubisoft à ce niveau pour Assassin’s Creed : Unity n’est malheureusement qu’un des très nombreux reflets de cette réalité culturelle. L’industrie vidéoludique a encore de trop gros progrès à faire pour ne plus s’acharner à ne représenter qu’une portion des personnages pouvant être représentés, et à favoriser une niche de leur marché.

La grogne est montée. Ubisoft subit depuis l’annonce les critiques de joueurs-ses mécontent-e-s et même de certains développeurs-ses. Sur Twitter, un hashtag sur la question a pris une grande ampleur : #womenaretoohardtoanimate, une référence directe à l’excuse invoquée par le studio pour justifier leur choix. Une pétition a même été lancée sur le sujet.

Certains ont défendu Ubisoft en ajoutant qu’il n’était pas réaliste qu’une femme soit assassin durant la Révolution française. On leur rappellera tout d’abord l’existence de Charlotte Corday (l’article de The Mary-Sue sur AC Unity en parle par exemple). Par ailleurs, Dork Tower a bien su rappeler que le réalisme d’Assassin’s Creed était tout relatif. Bizarre, dans ce cas, que l’idée de jouer une femme assassin paraisse si radicale…
Pour couronner le tout, rebelote pour Far Cry 4 : les options de choix de genre ont été initialement prévues en coop, puis abandonnées. Parce que trop compliqué de faire des animations dédiées pour les femmes.

Il est regrettable de constater à quel point l’industrie doit encore être bousculée pour véritablement évoluer en termes de représentation, en faveur d’une vision plus réaliste de la société – et même, tout bêtement, qui respecte un peu plus le marché /réel/ du jeu vidéo. Surtout quand on se vante de faire un jeu proche de la réalité.

Sérieusement, les mecs. Il est temps de vous réveiller pour de vrai. Vous avez commencé à en parler, on a vu des développeurs dénoncer directement le problème. Alors agissez en conséquence. Et par pitié, cessez de nous sortir des excuses bidon lorsque vous vous plantez une fois de plus. Heureusement qu’on a eu Nintendo cette année.

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Pour en savoir plus :

http://www.rockpapershotgun.com/2014/06/12/assassins-creed-unity-characters/

http://www.pcgamer.com/2014/06/11/ac-op-ed/

http://www.vg247.com/2014/06/11/ubisoft-attempts-to-explain-why-assassins-creed-unitys-co-op-has-no-playable-women/

http://www.ibtimes.co.uk/e3-assassins-creed-unity-causes-controversy-no-playable-female-characters-1452206

Édité par Keela et Mar_Lard

Fake geek girl et gestion de bad buzz

Ce matin, un sujet trop banal est revenu sur la toile française : le spectre de la fake geek girl.

Mais oui, vous savez, cette catin qui ose se prétendre gameuse alors qu’elle ne joue que sur mobile/ne joue que sur PC/n’a joué qu’à un Zelda/n’est pas capable de citer 100 Pokémon de 1ère génération (barrez la mention inutile).

Un mal terrible, comme vous pouvez l’imaginer, qui salit notre communauté.

Bref. Sur le site bénévole Happy 2 cats, un rédacteur s’est fendu de deux textes brillants proposant de partir à la « chasse aux fake nerd girls » (… extermination de vermine ?) et de devenir un « True Gamer ».

Morceaux choisis :

« Non, combien de fois une fille vous disait qu’elle était une geekette, mais au final vous vous rendiez compte que pour elle, être une geekette = passer sa vie sur facebook et jouer aux Sims. Forcément, ça déçoit… Votre rêve de créer quelque chose ensemble s’effondre (ndlr : un jeu, un site, un script…). »

Oh bah tu peux toujours construire une maison en banlieue à Zarbville hein.

« Quoi qu’il en soit, je pense qu’on est tous d’accord pour dire qu’il ne suffit pas de se dire geek pour le devenir. Même moi je ne me considère pas pleinement méritant de ce titre. »

ROH LALA OOOOH LE NOBLE TITRE DE GEEK *__*

« Alors prenons une fille moyenne, stéréotypée qui vit sa vie, fait des études parce qu’elle est un peu obligée et rêve qu’un mec attentionné s’occupe d’elle »

Ma vie est tellement triste sans homme dans mon pieu, heureusement qu’il me reste les bishônens sushi :’(

« Fais un test coco, la prochaine fois que tu en vois une demande lui de citer des Pokémons des premières générations, on verra combien elle t’en dira 😉 »

Cite-moi le nom de tous les acolytes du Maître dans Fallout 1, dis-moi de quel plan démoniaque précis vient l’Emprisonné dans BG2 Throne of Bhaal, et récite-moi une entrée complète du Codex de Mass Effect 1. Attends mec, c’est la base.
Moi aussi je peux faire ça. Tu crois qu’on a que ça à foutre de répondre à tes questions quand on geeke ?

« La concentration n’est pas innée : elle s’apprend. C’est comme ça qu’un tendre cazu, à force de passer sur des jeux qui nécessitent de plus en plus d’effort intellectuel et de temps d’attention deviendra un vrai gamer digne de ce nom. Hé oui, c’est bien cela qui nous distingue de la plèbe : Nous jouons à des jeux qui demandent de l’investissement et de l’attention. »

ON EST DES VRAIS. ON A DES GONADES. PAS COMME LA PLEBE. La plèbe mec, sérieusement.

« J’ai passé un peu de temps pour enquêter sur ce phénomène, et j’ai compris pourquoi cazus et gamers sont si différents. Il s’agirait du but premier : L’un veut juste s’amuser, prendre du plaisir un instant, tuer le temps d’une manière plaisante, quitte à payer assez cher pour des choses qui n’en valent pas toujours la peine…et l’autre cherche à vivre à travers son expérience, construire un rapport unique pendant toutes ces heures, être fidèle au point de consacrer la moindre de ses heures libres et de son argent pour toujours s’améliorer, construire des choses, faire tout pour réussir encore mieux… »

… en bref, s’amuser.

Alors on va être clair, hein ? Ce n’est pas parce qu’on se définit geek qu’on est soudainement au-dessus des autres (« de la plèbe ». LA PLÈBE, sans déconner mec, je m’en remets pas) ; on est certainement pas les gardiens exclusifs de cette culture. J’en ai par-dessus la tête – et je ne suis pas la seule – de ce snobisme, de ce sectarisme qui vise à exclure tous ceux qui n’auraient pas notre vision exacte de ce qu’est un geek, ou plutôt de pourquoi on se définit comme geek.

Parce que oui, il y autant de définitions du geek que de geeks.

Surtout que bon hein, snobisme, certes, mais surtout dirigé contre les femmes. C’est bien connu, nos centres d’intérêts – hors fringue et drague – ne visent en réalité qu’à partir à la chasse au mâle (j’invente rien hein, c’est Altikan, le rédacteur, qui a dit ça).

Il faut chasser cette vermine, je vous dis. Balancez des quizz, remettez en cause leur passion, foutez-les mal à l’aise en pleine convention ; gardons la communauté PURE.

C’est clair, c’est vachement inclusif et ça donne trop envie de s’intéresser à la culture geek, des comportements pareils. Surtout que c’est pas comme si la plupart d’entre nous n’avait pas subi ce genre de comportements de merde au bahut.

Vous réalisez quand même qu’il faut vraiment qu’on l’aime, cette culture, nous autres nanas. Vu qu’y aura toujours un bas du front pour venir nous emmerder avec ses quizz ou ses commentaires désobligeants sur notre « prétendue » passion, est-ce que t’as joué à ci, à ça, est-ce que t’as battu tel boss, c’est qui Machin, et gnagnagna.

Nous ne sommes pas les gardiens d’un média sacré, nous ne sommes pas dans un club VIP, nous sommes juste des gens qui aimons un truc en commun. Jouer. Regarder des séries. Que sais-je.

Et puis même ! L’idée c’est pas partager sa passion ? Concrètement, s’il y a des « fake geek girls », qu’est-ce que ça peut vous foutre ? Sérieusement ? C’est si insurmontable que ça de les ignorer si elles vous démangent tant ? Ou alors, je sais pas moi, si vous pensez qu’un jeu pourrait l’intéresser, montrez-lui ! Si elle aime pas tant pis, si elle kiffe, tout le monde est gagnant et vous vous serez fait une pote !

Il n’y a rien – RIEN – à gagner à continuer à jouer les sectaires exclusifs. Déjà parce que personne ne sera d’accord sur les critères « d’adhésion » à la communauté et qu’on continuera à se bouffer le nez comme des cons si on continue. Et puis merde, vous nous emmerdez. Je préfère cent fois passer mon aprèm avec une « fake geek girl » qu’avec un geek misogyne et sectaire. Je me poserais même pas la question.

Dieu merci, je n’étais pas la seule à être dégoûtée par un mode de pensée aussi étroit. L’article a été largement commenté à la négative, et le site a du réagir. La réaction s’est avérée intéressante. Et rafraîchissante.

Parlons un instant de community management.

Dans le métier, je suis sidérée de voir le nombre de CMs qui considèrent que pour gérer un bad buzz, il faut effacer toute trace de commentaire négatif dans l’espoir que les gens oublient l’incident et vaquent à leurs occupations dans la joie et la bonne humeur.

Seulement, un tel comportement n’a tendance qu’à amplifier le phénomène, puisque les gens n’aiment pas trop être pris pour des cons ; et au final, vous vous retrouvez à pleurer des larmes de sang en voyant le nombre de mentions injurieuses et cyniques sur vos comptes sociaux.

En plus, Internet n’oublie jamais. Vous pouvez être certain que si le bad buzz a été puissant, il sera retenu et impactera durablement la notoriété de votre marque.

Sur le coup, dans l’affaire d’Altikan et de sa misogynie à deux balles, j’ai été agréablement surprise : non seulement le site a affiché les commentaires négatifs sur les deux articles incriminés, mais il s’est désolidarisé de leur auteur pour adresser ses excuses aux personnes qui ont été offensées… et supprimer l’article sur les fake geek girls. Ma première réaction a été de dire « ah, enfin un bad buzz pas trop géré avec les pieds ». Sauf que non : gérer un bad buzz, c’est aussi faire preuve de transparence et d’honnêteté avec sa communauté. Pas supprimer le problème en se servant du rédacteur comme bouc émissaire en mode « C’est pas moi madame, c’est lui ».

De plus, supprimer un article comme celui-là, qui répète un discours trop souvent répandu dans notre chère communauté, aurait provoqué des réactions du type « Censure », « Politiquement correct », « Cay la faute aux féministes », etc. Surtout que le sujet, ici, est de faire ouvrir les yeux aux geeks qui penseraient encore vraiment que le cancer de la communauté, serait les affreuses fake geek girls et les noobs. Alors qu’en fait, c’est plutôt les insupportables snobs qui foutent la merde.

C’est par la suite que Happy 2 Cats a réagi, cette fois-ci, exactement comme il le fallait : ils ont remis l’article en ligne, en précisant qu’il ne représentait que l’avis d’un rédacteur, qu’ils ne partagent pas, et ont publié des excuses publiques sur Facebook

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…et sur leur site.

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En bref, ils se sont foirés en termes de gestion de publications, puisqu’ils n’avaient pas relu l’article au préalable ; et ils le reconnaissent d’eux-mêmes. Mais niveau damage control, malgré une réaction initiale un peu foirée, le résultat est probant. Ils ont écouté les critiques, répondu au problème. Pédagogie on vous dit.

On attend toujours, en revanche, les réactions de l’auteur.

[MàJ du 9 juin 2014] L’auteur de l’article a publié des excuses.

9gag, entre exclusion et sexisme

9gag est un célèbre site d’images drôles, de memes divers et variés, comics humoristiques, bourrés de références à la culture geek-gaming, etc…
Cependant, y sont relayés parfois certaines images (je désignerai indifféremment BD, meme,… par le mot générique « image ») contenant des idées fausses et sexistes, notamment dès qu’il s’agit d’images ayant pour cible les n00bs ou les non-gamers. J’ai eu l’idée de suivre durant plusieurs jours, environ une semaine, toutes les publications sur 9gag. J’ai pu relever un nombre assez improbable d’images problématiques. Je commencerai donc par parler de quelques images sexistes, puis je finirai l’article par une critique un peu plus générale de l’organisation de 9gag.

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Celle-ci est évidemment très problématique. D’après cette image, les hommes se plaignent de ne pas avoir assez de jeux et les femmes pas assez de vêtements. Non seulement tous les hommes ne jouent pas aux jeux vidéo (alors que le titre est « One of the most accurate pictures I’ve ever seen. », soit « l’une des images les plus pertinentes que j’ai jamais vu« ) mais il sous-entend que les femmes ne jouent pas, et ne font que se soucier de leur apparence. Inutile de rappeler qu’en France, 52% des joueurs sont des femmes et 45% aux Etats-Unis. Ce genre de meme est donc tout simplement dégueulasse et à mille lieux de la réalité. D’ailleurs, se plaindre de ne pas avoir assez de jeux et, en même temps, de fringues n’est pas incompatible, comme le rappelle le premier commentaire (d’une femme) « Why not both ? »(« pourquoi pas les deux ? »). Quelqu’un lui répond « I want to do you both ways»(« je veux te prendre des deux façons »). Sympathique.

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Dans celui-ci, le titre est « Every gamer with girlfriend can relate. » (« tous les gamers avec une copine se reconnaîtront ») Cette image montre un gamer (homme) accompli qui perd en jouant à jeu de combat contre un non-joueur, représenté par une femme. Inutile de détailler davantage : le joueur homme joue avec sa copine qui, elle, ne sait pas jouer et gagne juste en martelant les boutons. A nouveau, des femmes rappellent qu’elles existent aussi. Et s’attirent immédiatement d’aimables remarques :
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Celle-ci m’a personnellement beaucoup amusé, et elle n’est bien sûr pas sexiste en elle-même. Sauf le titre « Pokemons according to my girlfriend» Ça aurait pu être « according to my friends », « to my parents » où n’importe qui d’autre qui ne connaît pas les Pokémon. Mais non, c’est encore sur la fameuse girlfriend que ça tombe. A nouveau, les commentaires féminins sont incendiés de réponses dégoûtantes.
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Dans ce type d’image, on retrouve à nouveau l’homme qui s’y connait en jeux-vidéo/informatique versus sa copine inculte et incompétente. On aurait pu imaginer l’inverse, pour changer. Mais non.

Il est étonnant de constater que même avec ce genre d’image, justement, beaucoup de femmes traînent sur 9gag, commentent, votent, interagissent… Comme quoi, tous ces efforts d’exclusions pour rester entre hommes ne suffisent pas à affaiblir leur passion.

Mais les violences verbales envers les femmes et les images sexistes ne sont pas les seuls problèmes de la communauté de 9gag. Les injonctions comportementales faites aux femmes sont également légions.NS7zV5U

J’ai pu découvrir des images résolument antiféministes.
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On peut également découvrir sur 9gag quelques images vaguement inquiétantes voire violentes gratuitement envers les femmes :

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J’ai gardé la pire image que j’ai pu voir pour la fin, selon moi, qui a également obtenue un certain succès.
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Cette image qui consiste à « analyser » toutes les femmes dans l’espace public et les réduire à une paire de seins et ou fesses est tout simplement répugnante. Elle rappelle que les femmes dans la rue ne sont pas libres : elles n’existent et ne sont autorisées à l’emprunter que pour le regard et la validation des hommes.
Toutes les images citées ne sont pas des images isolées dont personnes n’a tenu compte. Au contraire, elles sont visionnées et notées positivement par le public.

Comme promis, je fini l’article par un petit commentaire un peu plus général sur 9gag. Deux rubriques en particulier retiennent mon attention.

La rubrique « girl », avec en bonus l’usage du mot « fille » plutôt que « femme ». Je m’abstiendrai de débattre du principe d’un catalogue de femmes sexy sur lequel on peut commenter chaque image, car ce genre de chose n’est évidemment pas spécifique à 9gag… Je pense cependant qu’il pourrait au moins exister une rubrique du style « man », pour qu’au moins les femmes et les hommes non hétéros aient une page pour eux…

La rubrique cosplay, quant à elle, ne diffuse principalement que deux types de cosplay : quelques hommes bien badass en armures, et souvent recouverts entièrement, et surtout des cosplay de personnages féminins de la culture geek par des femmes tout aussi sexy que celles de la rubrique « girl ». Je me dois ici de prendre une précaution : le problème n’est pas les cosplayeuses de la rubrique, mais bien le « phénomène » qui fait que le seul type de modèle qu’on y voit sont les blanches, minces, en costume sexy, etc, et la constante validation des hommes, exprimée plus ou moins vulgairement.

En conclusion, je tiens à rappeler qu’un très grand nombre d’image sur 9gag ne sont absolument pas problématique et exclusives. Mais il y a quand même beaucoup de boulot à réaliser, comme par exemple la création de catégories autres que destinées uniquement aux mâles hétéros, ou une modération des commentaires répugnants que subissent les femmes qui tentent de participer. Bien entendu, la communauté doit elle-même changer aussi : arrêter de voter positivement les images sexistes, ne plus les poster, arrêter de harceler les femmes qui commentent, essayer de créer plus de diversité dans les modèles de la rubrique cosplay, etc… Du travail en perspective, mais qui sait, peut-être y arrivera-t-on un jour ?

Nathaniel

Édité par Mar_Lard

Madame et Canard PC Hardware

Si vous êtes passionnés d’informatique et de jeux vidéo, que vous êtes PCiste convaincu, comme moi, vous lisez peut-être des magazines, sites, forums, dédiés au hardware, histoire de bien choisir votre future config’, de connaitre l’actualité, etc… Pour ma part, c’est Canard PC Hardware. J’apprécie leur ton décontracté dans les tests, et leur sérieux dans les dossiers. Ainsi, on a souvent droit à des petites blagues dans les articles. Souvent, c’est drôle, mais parfois, ça l’est moins, quand le principe de la blague est sexiste. Peu de temps après avoir lu cet article, je suis moi-même tombé sur ça, rubrique guide d’achat, dans Canard PC Hardware n°20 (Avril-Mai) :

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Il y a deux problèmes avec cette « blague » :
– Canard PC Hardware suppose que tous ses lecteurs sont masculins & hétéros (mais tous en couple par contre, on garde seulement les clichés qui arrangent !). Même si c’était le cas (ça ne l’est pas), ce n’est pas en excluant les femmes ainsi que ça va changer.
– Selon Canard PC, « Madame » n’aime pas l’informatique. Non seulement, elle ne lit pas le magazine, mais surtout, elle n’aime pas ça. Elle supporte seulement son mari dans sa passion, fixant parfois des limites si le boitier ne va pas avec le papier peint. Qu’elle soit rassurée, celui-ci devrait aller.

La blague de la « Madame qui supporte les lubies de son mari » est une blague récurrente dans le milieu journalistique. Je ne lis régulièrement que Canard PC comme magazine, mais bien entendu ce ne sont pas les seuls à faire ce genre de blague très inspirée.

La capacité d’un objet d’être accepté par « Madame » porte même un nom, le Wife Acceptance Factor, ou WAF, et certains revendeurs  se font une joie de mettre en avant le WAF de leurs produits. On trouve également sur internet ce genre d’inepties.
Pour finir, voici le même boitier, chroniqué dans le numéro précédent…

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…pas besoin de blague sexiste ! [Note de la modération : Mais une blaguounette sur le Nord quand même – c’est que c’est dur de faire rire sans clichés éculés !]

Nathaniel.

Édité par Mar_Lard

Infectonator : Sexisme

Infectonator : Survivor est un jeu style tower défense / survival horror qui est sorti il y a quelque temps sur steam
Le but est de gérer un groupe de survivant durant une apocalypse de zombie. On doit parcourir une ville à la recherche de ressources (essences, vivres, argents) pour faire survivre le groupe le plus longtemps possible. On recrute d’autres survivants et on les fait monter de niveaux.

Dans le groupe de départ nous avons un scientifique, un ouvrier, un policier et….un fille juste une fille…. pas un métier ou quoi que ce soit juste une fille..

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« Un scientifique, un ouvrier, un flic et un fille. Quatre survivants différents doivent travailler ensemble et trouver un moyen de survivre. »

Non, pas juste une fille, si on prend en compte la (petite) description du personnage, elle est blonde.

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Et le policier, il a quoi comme description?

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« Un officier de police du commisariat local. Bien entrainé aux armes à feu et au corps-à-corps »

On en conclura ce qu’on en voudra.

Une dernière chose, les précédents jeux Infectonator avaient l’habitude d’afficher les scores du joueurs avec une journaliste à la poitrine bien mise en valeur.

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Et pour la transaction de 10€ dans le jeu, vous obtiendriez des costumes supplémentaires à mettre sur la journaliste (c’est pas une blague).

Édité par Mar_Lard

Les technologies, un milieu d’hommes (marge d’erreur : 2%)

Le programme du BreizhCamp 2014 vient de sortir : 2 jours et demi de conférences et ateliers à Rennes pour découvrir et parler de technologies (Java, Ruby, HTML5…). Le hic ? Une seule femme est intervenante, contre une cinquantaine d’hommes.

Le BreizhCamp fonctionne par un système de soumissions volontaires : les organisateurs reçoivent des propositions de talks et sélectionnent ceux qui leur semblent les plus pertinents. Ici, l’inégalité est flagrante, bien plus importante que la proportion réelle de femmes dans le domaine. Que le biais vienne de la sélection (comité composé essentiellement d’hommes), des propositions reçues, de la communication en amont ou du déficit de femmes dans le milieu, le fait est qu’il y a une sous-représentation des femmes dans la technologie.

Le déficit paritaire flagrant était déjà présent lors des deux précédentes éditions, que ce soit au niveau des intervenant·e·s que des participant·e·s. Personne ne semble prendre conscience du problème ou même percevoir qu’il s’agit d’un problème.

Malgré quelques « maladresses » (photos ou ton déplacé), la communication du BreizhCamp est plutôt neutre – en tout cas difficilement qualifiable de sexiste ou machiste. Cependant, le constat est là : les femmes désertent ce type d’événements. La neutralité est-elle suffisante pour permettre aux femmes de s’approprier ou se réapproprier ce domaine ?

Dernière chose : un des talks animés par la seule intervenante se nomme « Une fille dans mon équipe ? » et veut mettre l’accent sur la visibilité des femmes dans le milieu de la technologie. Ironique, non ?

[ERRATUM] Il y a en fait trois femmes sur la cinquantaine d’intervenants : Cécilia Bossard, Claude Falguière et Ly-Jia Goldstein.

Les babes font fuir le public

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Article de Spencer Chen sur TechCrunch.

Les « booth babes » sont de belles jeunes femmes court vêtues employées par certaines entreprises pour « décorer » leur stand lors de conventions, dans l’espoir d’attirer le chaland (forcément masculin, hétérosexuel & dépourvu de tout esprit critique à la vue d’un décolleté). Une pratique peu glorieuse des milieux tech & jeu vidéo, mais que certains défendent sous prétexte de « marketing ciblé » ; puisqu’on considère que seuls des hommes hétéros vont aux conventions, autant tout saupoudrer de jolies filles pour leur plaire (et tant pis si c’est sexiste et ostracisant pour les autres publics).

Sauf que…les booth babes semblent totalement inefficaces pour attirer le public. En réalité, elles seraient même contre-productives.

Pour vérifier ce qu’il soupçonnait déjà au vu des mauvaises performances globales des stands à booth babes, Spencer Chen a mené des expériences comparatives: deux stands au sein d’une même convention, l’un animé par des babes, l’autre par des personnes recrutées pour leur connaissance du milieu. Les résultats sont accablants : les stands à booth babes attirent trois fois moins de public et récoltent moitié moins d’opportunités de réseau (cartes de visites, formulaires d’information, etc).

Pourquoi ?

Parce que, de leur propre aveu, les babes ont plutôt tendance à intimider les visiteurs.

Parce qu’elles sont recrutées d’abord sur leur sex-appeal, plutôt que sur leur connaissance du produit ou leur capacité à convaincre le public.

Parce qu’employer des babes ne renvoie pas une image de professionnalisme, mais plutôt de cache-misère; que peut on attendre d’une compagnie qui emploie des hôtesses dénudées en guise d’arguments de vente ? Les professionnel-le-s qui cherchent à nouer des contacts dans ces salons ne s’y trompent pas.

Parce que les professionnels de bas étage effectivement attirés par les babes s’intéressent plutôt à leur plastique qu’au produit, et ne représentent pas des opportunités intéressantes…

Alors, chères compagnies qui s’obstinent à décorer leurs stands de babes alors même que ces pratiques sexistes sont dénoncées partout, on peut arrêter de se cacher derrière le marketing ciblé maintenant ?