Fake geek girl et gestion de bad buzz

Ce matin, un sujet trop banal est revenu sur la toile française : le spectre de la fake geek girl.

Mais oui, vous savez, cette catin qui ose se prétendre gameuse alors qu’elle ne joue que sur mobile/ne joue que sur PC/n’a joué qu’à un Zelda/n’est pas capable de citer 100 Pokémon de 1ère génération (barrez la mention inutile).

Un mal terrible, comme vous pouvez l’imaginer, qui salit notre communauté.

Bref. Sur le site bénévole Happy 2 cats, un rédacteur s’est fendu de deux textes brillants proposant de partir à la « chasse aux fake nerd girls » (… extermination de vermine ?) et de devenir un « True Gamer ».

Morceaux choisis :

« Non, combien de fois une fille vous disait qu’elle était une geekette, mais au final vous vous rendiez compte que pour elle, être une geekette = passer sa vie sur facebook et jouer aux Sims. Forcément, ça déçoit… Votre rêve de créer quelque chose ensemble s’effondre (ndlr : un jeu, un site, un script…). »

Oh bah tu peux toujours construire une maison en banlieue à Zarbville hein.

« Quoi qu’il en soit, je pense qu’on est tous d’accord pour dire qu’il ne suffit pas de se dire geek pour le devenir. Même moi je ne me considère pas pleinement méritant de ce titre. »

ROH LALA OOOOH LE NOBLE TITRE DE GEEK *__*

« Alors prenons une fille moyenne, stéréotypée qui vit sa vie, fait des études parce qu’elle est un peu obligée et rêve qu’un mec attentionné s’occupe d’elle »

Ma vie est tellement triste sans homme dans mon pieu, heureusement qu’il me reste les bishônens sushi :’(

« Fais un test coco, la prochaine fois que tu en vois une demande lui de citer des Pokémons des premières générations, on verra combien elle t’en dira 😉 »

Cite-moi le nom de tous les acolytes du Maître dans Fallout 1, dis-moi de quel plan démoniaque précis vient l’Emprisonné dans BG2 Throne of Bhaal, et récite-moi une entrée complète du Codex de Mass Effect 1. Attends mec, c’est la base.
Moi aussi je peux faire ça. Tu crois qu’on a que ça à foutre de répondre à tes questions quand on geeke ?

« La concentration n’est pas innée : elle s’apprend. C’est comme ça qu’un tendre cazu, à force de passer sur des jeux qui nécessitent de plus en plus d’effort intellectuel et de temps d’attention deviendra un vrai gamer digne de ce nom. Hé oui, c’est bien cela qui nous distingue de la plèbe : Nous jouons à des jeux qui demandent de l’investissement et de l’attention. »

ON EST DES VRAIS. ON A DES GONADES. PAS COMME LA PLEBE. La plèbe mec, sérieusement.

« J’ai passé un peu de temps pour enquêter sur ce phénomène, et j’ai compris pourquoi cazus et gamers sont si différents. Il s’agirait du but premier : L’un veut juste s’amuser, prendre du plaisir un instant, tuer le temps d’une manière plaisante, quitte à payer assez cher pour des choses qui n’en valent pas toujours la peine…et l’autre cherche à vivre à travers son expérience, construire un rapport unique pendant toutes ces heures, être fidèle au point de consacrer la moindre de ses heures libres et de son argent pour toujours s’améliorer, construire des choses, faire tout pour réussir encore mieux… »

… en bref, s’amuser.

Alors on va être clair, hein ? Ce n’est pas parce qu’on se définit geek qu’on est soudainement au-dessus des autres (« de la plèbe ». LA PLÈBE, sans déconner mec, je m’en remets pas) ; on est certainement pas les gardiens exclusifs de cette culture. J’en ai par-dessus la tête – et je ne suis pas la seule – de ce snobisme, de ce sectarisme qui vise à exclure tous ceux qui n’auraient pas notre vision exacte de ce qu’est un geek, ou plutôt de pourquoi on se définit comme geek.

Parce que oui, il y autant de définitions du geek que de geeks.

Surtout que bon hein, snobisme, certes, mais surtout dirigé contre les femmes. C’est bien connu, nos centres d’intérêts – hors fringue et drague – ne visent en réalité qu’à partir à la chasse au mâle (j’invente rien hein, c’est Altikan, le rédacteur, qui a dit ça).

Il faut chasser cette vermine, je vous dis. Balancez des quizz, remettez en cause leur passion, foutez-les mal à l’aise en pleine convention ; gardons la communauté PURE.

C’est clair, c’est vachement inclusif et ça donne trop envie de s’intéresser à la culture geek, des comportements pareils. Surtout que c’est pas comme si la plupart d’entre nous n’avait pas subi ce genre de comportements de merde au bahut.

Vous réalisez quand même qu’il faut vraiment qu’on l’aime, cette culture, nous autres nanas. Vu qu’y aura toujours un bas du front pour venir nous emmerder avec ses quizz ou ses commentaires désobligeants sur notre « prétendue » passion, est-ce que t’as joué à ci, à ça, est-ce que t’as battu tel boss, c’est qui Machin, et gnagnagna.

Nous ne sommes pas les gardiens d’un média sacré, nous ne sommes pas dans un club VIP, nous sommes juste des gens qui aimons un truc en commun. Jouer. Regarder des séries. Que sais-je.

Et puis même ! L’idée c’est pas partager sa passion ? Concrètement, s’il y a des « fake geek girls », qu’est-ce que ça peut vous foutre ? Sérieusement ? C’est si insurmontable que ça de les ignorer si elles vous démangent tant ? Ou alors, je sais pas moi, si vous pensez qu’un jeu pourrait l’intéresser, montrez-lui ! Si elle aime pas tant pis, si elle kiffe, tout le monde est gagnant et vous vous serez fait une pote !

Il n’y a rien – RIEN – à gagner à continuer à jouer les sectaires exclusifs. Déjà parce que personne ne sera d’accord sur les critères « d’adhésion » à la communauté et qu’on continuera à se bouffer le nez comme des cons si on continue. Et puis merde, vous nous emmerdez. Je préfère cent fois passer mon aprèm avec une « fake geek girl » qu’avec un geek misogyne et sectaire. Je me poserais même pas la question.

Dieu merci, je n’étais pas la seule à être dégoûtée par un mode de pensée aussi étroit. L’article a été largement commenté à la négative, et le site a du réagir. La réaction s’est avérée intéressante. Et rafraîchissante.

Parlons un instant de community management.

Dans le métier, je suis sidérée de voir le nombre de CMs qui considèrent que pour gérer un bad buzz, il faut effacer toute trace de commentaire négatif dans l’espoir que les gens oublient l’incident et vaquent à leurs occupations dans la joie et la bonne humeur.

Seulement, un tel comportement n’a tendance qu’à amplifier le phénomène, puisque les gens n’aiment pas trop être pris pour des cons ; et au final, vous vous retrouvez à pleurer des larmes de sang en voyant le nombre de mentions injurieuses et cyniques sur vos comptes sociaux.

En plus, Internet n’oublie jamais. Vous pouvez être certain que si le bad buzz a été puissant, il sera retenu et impactera durablement la notoriété de votre marque.

Sur le coup, dans l’affaire d’Altikan et de sa misogynie à deux balles, j’ai été agréablement surprise : non seulement le site a affiché les commentaires négatifs sur les deux articles incriminés, mais il s’est désolidarisé de leur auteur pour adresser ses excuses aux personnes qui ont été offensées… et supprimer l’article sur les fake geek girls. Ma première réaction a été de dire « ah, enfin un bad buzz pas trop géré avec les pieds ». Sauf que non : gérer un bad buzz, c’est aussi faire preuve de transparence et d’honnêteté avec sa communauté. Pas supprimer le problème en se servant du rédacteur comme bouc émissaire en mode « C’est pas moi madame, c’est lui ».

De plus, supprimer un article comme celui-là, qui répète un discours trop souvent répandu dans notre chère communauté, aurait provoqué des réactions du type « Censure », « Politiquement correct », « Cay la faute aux féministes », etc. Surtout que le sujet, ici, est de faire ouvrir les yeux aux geeks qui penseraient encore vraiment que le cancer de la communauté, serait les affreuses fake geek girls et les noobs. Alors qu’en fait, c’est plutôt les insupportables snobs qui foutent la merde.

C’est par la suite que Happy 2 Cats a réagi, cette fois-ci, exactement comme il le fallait : ils ont remis l’article en ligne, en précisant qu’il ne représentait que l’avis d’un rédacteur, qu’ils ne partagent pas, et ont publié des excuses publiques sur Facebook

vbsb6XR

…et sur leur site.

GDX8FqI

En bref, ils se sont foirés en termes de gestion de publications, puisqu’ils n’avaient pas relu l’article au préalable ; et ils le reconnaissent d’eux-mêmes. Mais niveau damage control, malgré une réaction initiale un peu foirée, le résultat est probant. Ils ont écouté les critiques, répondu au problème. Pédagogie on vous dit.

On attend toujours, en revanche, les réactions de l’auteur.

[MàJ du 9 juin 2014] L’auteur de l’article a publié des excuses.

9gag, entre exclusion et sexisme

9gag est un célèbre site d’images drôles, de memes divers et variés, comics humoristiques, bourrés de références à la culture geek-gaming, etc…
Cependant, y sont relayés parfois certaines images (je désignerai indifféremment BD, meme,… par le mot générique « image ») contenant des idées fausses et sexistes, notamment dès qu’il s’agit d’images ayant pour cible les n00bs ou les non-gamers. J’ai eu l’idée de suivre durant plusieurs jours, environ une semaine, toutes les publications sur 9gag. J’ai pu relever un nombre assez improbable d’images problématiques. Je commencerai donc par parler de quelques images sexistes, puis je finirai l’article par une critique un peu plus générale de l’organisation de 9gag.

1BganCy
Celle-ci est évidemment très problématique. D’après cette image, les hommes se plaignent de ne pas avoir assez de jeux et les femmes pas assez de vêtements. Non seulement tous les hommes ne jouent pas aux jeux vidéo (alors que le titre est « One of the most accurate pictures I’ve ever seen. », soit « l’une des images les plus pertinentes que j’ai jamais vu« ) mais il sous-entend que les femmes ne jouent pas, et ne font que se soucier de leur apparence. Inutile de rappeler qu’en France, 52% des joueurs sont des femmes et 45% aux Etats-Unis. Ce genre de meme est donc tout simplement dégueulasse et à mille lieux de la réalité. D’ailleurs, se plaindre de ne pas avoir assez de jeux et, en même temps, de fringues n’est pas incompatible, comme le rappelle le premier commentaire (d’une femme) « Why not both ? »(« pourquoi pas les deux ? »). Quelqu’un lui répond « I want to do you both ways»(« je veux te prendre des deux façons »). Sympathique.

K3XjcR8
Dans celui-ci, le titre est « Every gamer with girlfriend can relate. » (« tous les gamers avec une copine se reconnaîtront ») Cette image montre un gamer (homme) accompli qui perd en jouant à jeu de combat contre un non-joueur, représenté par une femme. Inutile de détailler davantage : le joueur homme joue avec sa copine qui, elle, ne sait pas jouer et gagne juste en martelant les boutons. A nouveau, des femmes rappellent qu’elles existent aussi. Et s’attirent immédiatement d’aimables remarques :
pfKxN3g

 

zh2EZm8
Celle-ci m’a personnellement beaucoup amusé, et elle n’est bien sûr pas sexiste en elle-même. Sauf le titre « Pokemons according to my girlfriend» Ça aurait pu être « according to my friends », « to my parents » où n’importe qui d’autre qui ne connaît pas les Pokémon. Mais non, c’est encore sur la fameuse girlfriend que ça tombe. A nouveau, les commentaires féminins sont incendiés de réponses dégoûtantes.
0BS4tQE

 

tbYAVWg.png
Dans ce type d’image, on retrouve à nouveau l’homme qui s’y connait en jeux-vidéo/informatique versus sa copine inculte et incompétente. On aurait pu imaginer l’inverse, pour changer. Mais non.

Il est étonnant de constater que même avec ce genre d’image, justement, beaucoup de femmes traînent sur 9gag, commentent, votent, interagissent… Comme quoi, tous ces efforts d’exclusions pour rester entre hommes ne suffisent pas à affaiblir leur passion.

Mais les violences verbales envers les femmes et les images sexistes ne sont pas les seuls problèmes de la communauté de 9gag. Les injonctions comportementales faites aux femmes sont également légions.NS7zV5U

J’ai pu découvrir des images résolument antiféministes.
dg3XB69.png

On peut également découvrir sur 9gag quelques images vaguement inquiétantes voire violentes gratuitement envers les femmes :

QGLwzxo

J’ai gardé la pire image que j’ai pu voir pour la fin, selon moi, qui a également obtenue un certain succès.
qar64uR
Cette image qui consiste à « analyser » toutes les femmes dans l’espace public et les réduire à une paire de seins et ou fesses est tout simplement répugnante. Elle rappelle que les femmes dans la rue ne sont pas libres : elles n’existent et ne sont autorisées à l’emprunter que pour le regard et la validation des hommes.
Toutes les images citées ne sont pas des images isolées dont personnes n’a tenu compte. Au contraire, elles sont visionnées et notées positivement par le public.

Comme promis, je fini l’article par un petit commentaire un peu plus général sur 9gag. Deux rubriques en particulier retiennent mon attention.

La rubrique « girl », avec en bonus l’usage du mot « fille » plutôt que « femme ». Je m’abstiendrai de débattre du principe d’un catalogue de femmes sexy sur lequel on peut commenter chaque image, car ce genre de chose n’est évidemment pas spécifique à 9gag… Je pense cependant qu’il pourrait au moins exister une rubrique du style « man », pour qu’au moins les femmes et les hommes non hétéros aient une page pour eux…

La rubrique cosplay, quant à elle, ne diffuse principalement que deux types de cosplay : quelques hommes bien badass en armures, et souvent recouverts entièrement, et surtout des cosplay de personnages féminins de la culture geek par des femmes tout aussi sexy que celles de la rubrique « girl ». Je me dois ici de prendre une précaution : le problème n’est pas les cosplayeuses de la rubrique, mais bien le « phénomène » qui fait que le seul type de modèle qu’on y voit sont les blanches, minces, en costume sexy, etc, et la constante validation des hommes, exprimée plus ou moins vulgairement.

En conclusion, je tiens à rappeler qu’un très grand nombre d’image sur 9gag ne sont absolument pas problématique et exclusives. Mais il y a quand même beaucoup de boulot à réaliser, comme par exemple la création de catégories autres que destinées uniquement aux mâles hétéros, ou une modération des commentaires répugnants que subissent les femmes qui tentent de participer. Bien entendu, la communauté doit elle-même changer aussi : arrêter de voter positivement les images sexistes, ne plus les poster, arrêter de harceler les femmes qui commentent, essayer de créer plus de diversité dans les modèles de la rubrique cosplay, etc… Du travail en perspective, mais qui sait, peut-être y arrivera-t-on un jour ?

Nathaniel

Édité par Mar_Lard

Canard PC, les femmes et les Sims

Dans le numéro de Canard PC d’avril 2014, on peut lire dans les pages « Utilitaires » cet article d’Ackboo :

sexisme CPC

Cette petite blague est doublement problématique, car elle sous-entend d’abord que les femmes ne jouent qu’aux Sims, jeu »casual » par excellence (vous le voyez le mythe de la fake gamer girl en arrière-plan ?), sur le PC de leur mec, parce qu’elles, elles n’en possèdent pas. Ben oui, l’informatique, c’est compliqué pour nos pauvres cerveaux.

Ensuite, l’auteur semble considérer que le lectorat auquel il s’adresse est composé uniquement de lecteurs masculins et hétérosexuels (à moins qu’il pense inclure les lesbiennes gameuses dont les copines jouent aux Sims sur leur PC, mais étrangement j’en doute).

Vous vous souvenez du dossier d’il y a quelques mois sur le sexisme chez les geek, dans ce même journal ? Moi oui. Eux, pas tellement, on dirait.

Édité par Mar_Lard

« Fake Nerd Guys »

Ce Tumblr renverse avec humour l’accusation d’imposture qui pèse sur les femmes présentes en milieux geek – le fameux mythe de la « Fake Geek Girl », « Fille Faussement Geek », succube qui fait semblant de partager ces centres d’intérêt dans le seul but d’attirer l’attention des hommes *réellement* geek…

Inverser les commentaires désobligeants qui fleurissent systématiquement sur les photos des femmes « trop sexy pour être réellement geek » permet de souligner leur ridicule :

« C’est une vérité universellement reconnue qu’un homme qui s’identifie comme un nerd/geek/gamer le fait forcément pour attirer l’attention féminine. Ce blog révèle l’imposture casual des mecs faussement geeks. »

tumblr_mjaa5sBxm31qez53eo1_500

« Urgh, ces mecs faussement geek. Tu sais qu’ils ont juste vu le film, vu les costumes sexy et décidé d’exhiber leurs abdos d’aciers et leurs épaules musclées à cette convention pour faire baver toutes les vraies geek. Je veux dire, regardez les ! Ils n’ont probablement aucune idée de l’importance du comic, et ils sont probablement trop occupés à perfectionner leur physique pendant des heures pour faire ne serait-ce qu’une recherche wikipédia sur les contributions de Frank Miller aux romans graphiques ! Et puis, aucun *vrai* geek n’est si bronzé et parfait et à l’aise dans son corps.
DragonCon est sauvée…FOUTUE ! Je veux dire foutue ! Ce n’est pas juste ! J’étais distraite par des biceps… »

tumblr_moqb1bSLsY1swa2b7o1_500

« Je parie que cette manette n’est même pas branchée à la console. Idiots de mecs, à faire semblant d’aimer les jeux vidéo. »

 tumblr_mqpackvYLb1r2jn92o1_500« Il le fait juste pour attirer l’attention. »

« Ce blog est purement satirique. Je ne crois pas qu’il faille « mériter » son statut de geek, ou qu’il y ait des mecs faussement geek. N’importe qui peut s’identifier comme geek, peu importe qui on est ou ce qu’on fait. »

« Les gens jugent vite les femmes geek à partir d’infimes informations, ce n’est pas intuitif de faire la même chose aux geek masculins – et j’espère que mon blog en fait la démonstration. »

Garçons = Bons joueurs, Filles = Joueurs stupides

J’interviens ici pour commenter ce post issu de demotivateur.fr intitulé « Différence Gars et Filles ».

Différence Gars et Filles - demotivateur

http://www.demotivateur.fr/image/Difference-Gars-et-Filles-21456

La page demotivateur poste régulièrement des blagues, des images et des vidéos humoristiques.

Je n’utilise volontairement pas le féminin « joueuse » dans le titre de cette publication pour mettre en lumière un phénomène courant: encore une fois, les femmes sont décrites comme étant systématiquement mauvaises aux jeux vidéos, ignorantes et peu subtiles, et les hommes comme les réels connaisseurs du domaine, capable d’effectuer des coups sophistiqués. Ainsi les femmes seraient nécessairement de mauvais joueurs, tandis que seuls les hommes feraient de bons joueurs.

La blague pouvait se faire sans sexisme, en séparant les joueurs « habitués » et les joueurs novices; il nous est déjà arrivé, joueur/se expérimenté/e de perdre face à un/e débutant/e alors qu’il/elle n’utilise que des coups primaires sans aucune connaissance des mécaniques de jeu. Et vous, lecteurs/ices, conviendrez que c’est tout à fait frustrant.

Mais cet amalgame genre/niveau de jeu est révélateur d’une mentalité profondément sexiste dans la communauté du jeu vidéo, et cela est d’autant plus significatif que ladite mentalité est complètement assumée, puisqu’elle est exprimée et soutenue sur les réseaux sociaux – voir le « C’est vrai 😀 » et les commentaires affligeants…

Différence Gars et Filles - comms

Édité par Mar_Lard

Jeu de rôle oui…mais jeu de dames…?

Joueuse depuis des années, MJ depuis fort longtemps, écrivaine de scénario depuis peu…. ma vie de rôliste a commencé quand j’avais 11 ans. Et cependant depuis toutes ces années, certaines choses n’ont pas changé. Voici la chronique d’une joueuse ordinaire…

De mon expérience, l’élément qui caractérise le quotidien de la rôliste est L’ÉTONNEMENT.

L’exemple de la première rencontre type avec un rôliste masculin se déroulera selon un scénario classique. Elle commencera pas un incrédule « Sérieux ?? Tu joues aux jeux de rôles ???? » (« Toi dont le physique indique sans équivoque que tes intérêts sont loins de ces pratiques barbares et masculines ! »)

La conversation prend ensuite le classique tour du « ah, tu joues…mais t’as déjà joué à quoi ? », accompagné de son petit haussement de sourcil et du petit sourire narquois. La question s’annonce comme un test : « Toi l’élément féminin, je te mets au défi de savoir m’expliquer concrètement ce à quoi tu as joué. De toute façon je suis un mec, c’est moi qui ai la plus grosse, tu n’y connais rien et je vais te le prouver. »

Ma diplomatie m’oblige souvent à sortir mon plus beau sourire (mais à garder des yeux de glace) pour ensuite énumérer la (très longue) liste de jeux auxquels j’ai déjà joué, les systèmes utilisés etc, comme tant de pièces d’identité à fournir avant de passer une frontière. Bien souvent d’ailleurs l’interlocuteur ne connaît pas la moitié de ces jeux tant mes pratiques peuvent être expérimentales et obscures. Plusieurs fois on m’a même rétorqué « c’est ton mec qui t’as fait découvrir ? ». Je précise alors avec une voix frôlant le zéro absolu que c’est plutôt moi qui l’ai initié…à l’étonnement toujours plus grand de notre cher interlocuteur aux principes bien arrêtés. Quelle serait donc sa tête si je lui demandais « Ah tu joues ? C’est ta copine qui t’as initié? ».

Mais Monsieur le Rôliste ne se démonte pas, et tient à garder sa supériorité. Il va donc enchaîner sur le discours du MJ (aka le classique « oui enfin…être joueur et MJ, c’est quand même pas pareil, c’est intéressant de faire les deux tu sais ! »). Eh oui, autant il est envisageable (quoi qu’étonnant) que la femme joue, mais alors qu’elle soit MJ…là non, faut pas déconner. Restons entre testicules respectables. Je pousse alors un soupir, et réponds que je suis MJ depuis longtemps déjà et que donc non, monsieur ne va pas m’apprendre de quoi il s’agit en conservant son petit air supérieur.

Cette situation navrante devient un classique de la première interaction avec un rôliste. Le mâle, lui, a plus d’expérience que moi. Du moins dans sa tête. Et quand il se rend compte que ce n’est pas le cas, bien souvent il en est déstabilisé et ne sait plus comment réagir. « Quoi ? Une femme MJ ? Qui écrit des scénars ??? Qui organise et écrit des murders party ????? ». L’incrédulité cède alors place au « respect ». « Dis donc…t’es presque un mec en fait » m’a-t-on dit une fois…Cher réceptacle à testostérone, le fait même que ton orgueil se sente agressé par ce qui relève de la vie privée d’une parfaite inconnue me pose problème. Tu ne devrais pas être surpris. Tu devrais t’en contrefoutre.

Ce respect qui devrait être automatique (n’est-il pas la présupposée base des rapports sociaux?) doit être mérité par la femme rôliste. Graal reçu après une longue série de tests sur son investissement rôlistique, la femme qui aime le JDR doit montrer patte blanche avant d’être acceptée dans « la meute ». Et en prime, on lui précise bien qu’elle est presque « un homme », et que ça fait d’elle une personne bien. Bravo madame, tu ressembles à un monsieur.

Je n’aborderai pas ici le sujet des parties elles-mêmes car bien souvent, les personnes avec qui j’ai le type de conversation ci-dessus…eh bien je ne joue pas avec. C’est mieux pour tout le monde. Aussi je joue avec des gens dont je sais que leur comportement à ce sujet sera irréprochable. Et j’ose espérer qu’à l’avenir plus de gens seront comme mes merveilleux compagnons de jeu. Car oui, il y a tout de même de l’espoir pour les femmes rôlistes : tous les joueurs ne sont pas comme ça. Et heureusement.

Les faits parlent cependant : les femmes croisées autour d’une table de jeu de rôle sont rares. Les joueuses régulières le sont d’autant plus. Je n’ai encore jamais joué de partie « papier » masterisée par une autre femme que moi. Je ne connais aucune autre écrivaine de scénario… De quoi se poser des questions sur l’accessibilité du jeu de rôle aux femmes, confrontées à ce sexisme permanent.

[Note de Mar_Lard]

Dans ma propre expérience et face à ce type de problèmes, les rôlistes vont souvent jouer entre elles, ou comme ici dans un groupe certifié « safe » – sachant qu’elles risquent d’être confrontées au sexisme, à l’hostilité et aux fameux interrogatoires « anti fake geek girls » si elles s’aventurent dans la communauté « publique ». Exclusion qui renforce leur invisibilité… Même problème que pour les joueuses de jeux vidéo en ligne.

« Commencez par jouer à autre chose qu’aux Sims, connasses »

 

tweet

En voilà un qui assume au moins !

Joli combo de clichés : les femmes ne joueraient qu’aux Sims, et Les Sims serait un jeu indigne, pas un « vrai jeu »…

La volonté de distinguer les « vrais jeux » de « faux jeux » est typique d’un certain snobisme gamer, qui comme par hasard touche particulièrement les jeux appréciés du public féminin.  À partir de critères totalement arbitraires (les jeux que JE pratique ou que j’estime légitimes), on exclut les indésirables du petit club gamer pour le garder « pur » ! C’est pourquoi, lorsque l’on rappelle que 52% des joueurs sont des joueuses, la même remarque surgit systématiquement : « Non mais il faut voir à QUOI elles jouent aussi… » (sous-entendu : je pars du principe qu’elles jouent à des jeux que je méprise, je peux ainsi continuer à les exclure de la communauté des joueurs).

Les Sims est un exemple très parlant à cet égard : cet excellent jeu de gestion se trouve rencontrer beaucoup de succès chez le public féminin. Cette création du grand concepteur Will Wright était très attendue et fut copieusement applaudie par les gamers à sa sortie en 2000…jusqu’à ce qu’il devienne apparent que des femmes osaient également apprécier le jeu ! À partir de là, il devint bien entendu capital de s’en distinguer : Les Sims sont devenus un « jeu casual », un « jeu de gonzesse »…L’exemple par excellence du « faux jeu » dont il est de bon ton de se moquer pour montrer qu’on est un « vrai gamer » !

Mais qui est Duela Dent?

Édité par: Alda

Quand on ne sait pas, on se tait . C’est la leçon que certains geek misogynes devraient tirer de cette histoire.

Un inconnu (sur internet) s’est amusé à faire un meme « trying too hard » avec la photo de la cosplayeuse Dayna Scodras, prise en 2012 à la ComiCon.

Duela Dent essaye trop fort.

Un joker steampunk au genre inversé avec le chapeau de Willy Wonka. Félicitation, tu as élevé le « Essaye trop fort » au rang d’Art.

Ce genre de détournement est un exemple classique d’une accusation de « Fake Geek Girl, » cette idée (évidemment fausse) selon laquelle toute « fille » qui prétend s’intéresser à la culture geek n’est en fait qu’une connasse en manque d’attention et qui profite de la gentillesse naturelle des nerds pour se sentir importante.

Mais cette fois, l’effet inverse s’est produit car le personnage présenté par la cosplayeuse existe bel et bien. Il s’agit de Duela Dent connue pour être la fille de Jokester et de Three Face. (Le Joker et Double Face sur Earth-3)

Duela-Dent-Comic

Moins célèbre que Harley Quinn, seuls les lecteurs régulier du comic pouvaient la reconnaitre; ce qui en dit long sur notre prétentieux.

Heureusement, ce dernier a finalement été remis à sa place par des gens qui savent vraiment de quoi ils parlent.

Duela Dent

Qui c’est le faux geek maintenant ? Crétins.

Cosplayeuse 1 – Misogynie 0

Sources :

The Hawkeye Initiative

« Si ton personnage féminin peut être remplacé par [le superhéros masculin Hawkeye] dans la même pose sans que ça ait l’air ridicule ou stupide, alors c’est acceptable et sans doute pas sexiste. Si ça n’est pas possible, alors laisse tomber. »

La Hawkeye Initiative est un projet lancé en Décembre 2012 pour attirer l’attention sur les poses et costumes ridiculement sexualisés des personnages féminins dans les comics.
Le principe est très simple : dessiner le super-héros masculin Hawkeye de la même manière pour faire ressortir le double standard… L’initiative a immédiatement eu un succès énorme, avec des résultats souvent hilarants :

ku-xlarge

hawkeye-initiative-11

ku-xlarge

ku-xlarge

Attention cependant : la Hawkeye Initiative a pour but de démontrer la différence de traitement et de perception selon le genre du personnage ainsi que l’absurdité de poses et de costumes tellement normalisés dans le média… Il ne s’agit pas de ridiculiser des personnages masculins « efféminés » et ainsi de tomber dans de l’humour sexiste, homophobe et/ou transphobe !

L’initiative a inspiré un cosplayer, qui a donné ici une excellente interview sur les implications politiques de la Hawkeye Initiative et les questions qu’elle pose.

blatsuura-hawkeye-initiative-picture-by-James-Leungblatsuura-hawkeye-initiative

« [La Hawkeye Initiative] traite d’un problème sérieux de façon légère, ce que j’apprécie, mais j’ai aussi l’impression que beaucoup de gens l’apprécient pour de mauvaises raisons : pour certains, les dessins sont drôles parce que « cette pose/ce costume a l’air gay » ou « les hommes efféminés sont ridicules ». Là, ça commence à être de de l’humour homophobe et transmisogyne, ce qui est vraiment moche. Malgré ce problème, j’aime beaucoup des dessins proposés pour des raisons plus proches de l’initiative initiale : ils montrent l’absurdité des costumes et des poses, peu importe le genre et l’orientation du personnage.

J’ai entendu beaucoup de gens dire qu’ils aiment la Hawkeye Initiative parce qu’elle produit des dessins sexy d’hommes, et je pense que c’est un bon point de vue parce que ça reste positif et optimiste ; la vision encourageante, pour moi, c’est « les hommes peuvent être représentés comme sexy » plutôt que « c’est drôle quand les hommes sont représentés de façon sexy ». »

« Contrairement à beaucoup de femmes qui portent des cosplay sexy, [le cosplayer] indique que personne ne l’a accusé d’être un « faux geek », et il n’a pas subi d’interrogatoire sur sa connaissance de Hawkeye (dont il ne savait pas grand chose). C’est très différent de l’expérience des cosplayeuses, surtout les cosplayeuses sexy, qui sont souvent considérées comme des Fake Geek Girls (filles faussement geeks) jusqu’à preuve du contraire par une grande partie des communautés geeks. »

Autres sources :
http://www.geekeccentric.com/the-hawkeye-initiative/
http://knowyourmeme.com/memes/the-hawkeye-initiative

« Je peux jamais trouver de bonnes salopes, toutes les bonnes détestent les comics »

"Je peux jamais trouver de bonnes salopes qui veulent de moi, je déteste ça. C'est sans doute parce que toutes les bonnes détestent les comics."

« Je peux jamais trouver de bonnes salopes qui veulent de moi, je déteste ça. C’est sans doute parce que toutes les bonnes détestent les comics. »

C’est sûrement la raison oui… Joli combo : misogynie, « mais pourquoi ces salopes ne veulent pas de moi » (vraiment on se demande), « les belles femmes n’aiment pas les comics »…

Entendu en magasin de comics, rapporté sur OurValuedCustomers (collection de propos entendus en comic store)