Que reprochent les militant/e/s à JV.com ?

[Trigger  Warning / Contenu Sensible : cet article contient de nombreux exemples de harcèlement, racisme, misogynie, transphobie, homophobie, lesbophobie, des moqueries des  victimes de harcèlement et de viol, des incitations au viol et des  incitations au harcèlement.]

Quelques définitions importantes :
LGBT(+) : Lesbiennes, Gay, Bi, Trans, etc; les personnes non hétéro/cis.
Cis : Inverse de trans, personne dont le genre correspond à celui qu’on lui a assigné à la naissance en fonction de ses organes génitaux (ex : une femme née avec un vagin est une femme cis).
Genre : Les sciences sociales définissent le genre comme un principe de division de l’humanité en deux groupes distincts, « hommes » et « femmes », et comme un rapport parmi d’autres de pouvoir et de domination. Dans les milieux militants, LGBT+ notamment, le genre désigne une identité qui peut être ou non en adéquation avec le sexe assigné à la naissance. Plus d’informations.
Réactionnaire : « Qui se montre partisan d’un conservatisme étroit ou d’un retour vers un état social ou politique antérieur. » – Dictionnaire Larousse

Précision : lorsque je parle du forum, je parle en particulier des Blabla et plus précisément des 15-18 et 18-25.



 

Depuis plus de deux semaines, le twitter militant gronde contre le site jeuxvideo.com et en particulier contre son forum où tous les propos, même les plus nauséabonds, sont permis. À la base, c’est un forum sur les jeux vidéo, mais certaines parties du forum vont bien au-delà de ce sujet. Aujourd’hui, trop de personnes ont été harcelées et/ou blessées par le comportement de cette communauté et le laxisme des responsables du site. C’est pourquoi, à travers cet article que nous espérons le plus complet possible, nous faisons appel à eux.

Pour comprendre notre indignation, il faut commencer par bien intégrer une chose importante : les personnes qui sont derrière les propos que nous dénonçons ne nous intéressent pas, pas plus que le type de personnes qui gère le site. Leur caractère, leurs hobbies, leur âge, s’ils sont sympas ou non, tout ça n’est pas le sujet. Le problème, c’est ce que les forumeurs se permettent d’écrire : des propos stigmatisant les minorités et le fait que les responsables du site ne fassent rien pour endiguer le problème. Ainsi, un petit groupe de personnes promeut de la haine sous couvert de liberté d’expression et énormément de jeunes aimant les jeux vidéo se retrouvent embarqués dans des idéologies réactionnaires, encourageant ainsi le prosélytisme des idées les plus obsolètes en matière de progrès social.

Site français de jeux vidéo le plus visité, lourde responsabilité
Un site ayant beaucoup de vues a une responsabilité civique. Par exemple, PotterMore l’a bien compris et nombreux sont les moyens de protection mis en place visant à prévenir tous débordements. Rappelons que jeuxvideo.com est le premier site français de jeux vidéo en termes de visites. Or, lorsque nous dénonçons le laxisme flagrant de son forum, ses défenses sont les suivantes : pas assez de moyens face à tant d’utilisateurs et une volonté de ne pas brider la liberté d’expression. Pourtant, avec plus de 50 employés, environ 6 millions de chiffre d’affaire en 2012 (dont 2 millions net pour l’éditeur (Odyssée Interactive))
et un rachat à 90 millions par Webedia en juin dernier, on pourrait supposer que ce site ne manque pas d’argent pour faire un minimum attention à ce qu’il se passe dans sa communauté.

Pour l’instant, comment fonctionne le forum ? Tout d’abord, il est soumis à des règles spécifiques : la loi française, les Conditions Générales d’Utilisation du site et la charte d’utilisation des forums. Nous verrons plus bas que ni la loi, ni les CGU, ni la charte n’ont été respectées. L’inscription est ouverte -officiellement (j’y reviendrai)- à tout le monde et si un contenu est considéré comme étant choquant, il y a possibilité de le signaler. Jusque-là, rien d’anormal. Là où on peut commencer à juger que ça devient problématique, c’est que du contenu public ne peut pas être signalé par une personne n’étant pas inscrite sur le forum. Sachant qu’en revanche on peut lire ledit contenu sans être inscrit, je trouve que c’est un premier problème dont il faudrait s’occuper : certaines personnes peuvent vouloir (légitimement) signaler du contenu public choquant sans pour autant vouloir s’inscrire (et donc encourager jeuxvideo.com). Autre détail intéressant : les modérateurs sont, pour une partie d’entre eux, élus par des membres du forum. L’initiative aurait pu être positive, à condition d’être encadrée. Ce qui n’est manifestement pas le cas : les responsables de jeuxvideo.com laissent les modérateurs désignés gérer le forum au petit bonheur la chance sans même chercher à s’assurer que ces derniers appliquent la charte et la CGU qu’ils sont censés faire respecter. À noter, qui plus est, que ces modérateurs sont bénévoles. Ce qui signifie qu’ils ne peuvent pas consacrer autant de temps qu’il le faudrait à un forum qui brasse énormément de messages et qu’ils n’ont aucune obligation. Or, au vu du chiffre d’affaire de ce site, on pourrait penser que payer les personnes qui doivent faire respecter les règles sur leur forum n’est pas tellement au-dessus de leurs moyens. Pour finir, il est également important de prendre en compte que lorsqu’un/e utilisateur/trice est banni/e, ce n’est que son compte qui est suspendu, pas son adresse IP. Ainsi, en admettant qu’un utilisateur soit exclu du site pour un comportement grave quelconque, il lui suffit de recréer un compte pour revenir. Pas étonnant que les modérateurs, même s’ils sont de bonne volonté, se voient submergés par le nombre de messages problématiques avec un tel système.

Bref, pour l’instant, les modérateurs ne font respecter ni la CGU, ni la loi, ni la charte du forum mais bel et bien leur propre conception de la liberté d’expression et une règlementation de leur propre cru, avec la bénédiction du site qui a montré plus d’une fois qu’il sait très bien de quelle manière est géré son forum, ce qui ne l’empêche pas de s’en cogner royalement. Est-il réellement nécessaire de rappeler que la liberté des uns s’arrête là où celle des autres commence, et que donc, la liberté d’expression confère des droits, mais également (et légitimement) des devoirs ? Comme l’évoque l’article 10 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme ?

« 1. Toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière. […]
2. L’exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l’intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d’autrui, pour empêcher la divulgation d’informations confidentielles ou pour garantir l’autorité et l’impartialité du pouvoir judiciaire.»

En outre, la défense de la liberté d’expression leur sert uniquement de prétexte pour laisser proliférer leurs idées discriminantes. En revanche, nombreux sont les messages et les comptes de personnes critiquant le forum à avoir été supprimés et/ou bannis sans raison (il n’est spécifié nulle part que critiquer l’intolérance d’un forum ou proposer des informations sur ce que sont les transidentités est passible de ban). Cette modération à deux vitesses démontre bien l’abus de pouvoir de nombreux modérateurs de jeuxvideo.com et leur défense opportuniste de la liberté d’expression. Pourtant, même après signalement, ces personnes sont toujours dans l’équipe de modération.

 Alors certes, d’après les CGU de jeuxvideo.com et l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique : « La société l’Odyssée Interactive n’est en aucun cas éditeur de contenus sur les «  Forums  » du site www.jeuxvideo.com qui sont créés par les utilisateurs et relèvent de leur pleine et entière responsabilité. À ce titre la société l’Odyssée Interactive n’exerce pas de modération a priori.«  Admettons. Il n’en reste pas moins qu’ils sont tenus, malgré tout, et ce légalement, de modérer a posteriori à partir du moment où certains topics ou messages sont signalés, comme c’est indiqué dans l’article de loi même qu’ils citent :

« Les personnes physiques ou morales qui assurent, même à titre gratuit, pour mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d’écrits, d’images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services ne peuvent pas voir leur responsabilité civile engagée du fait des activités ou des informations stockées à la demande d’un destinataire de ces services si elles n’avaient pas effectivement connaissance de leur caractère illicite ou de faits et circonstances faisant apparaître ce caractère ou si, dès le moment où elles en ont eu cette connaissance, elles ont agi promptement pour retirer ces données ou en rendre l’accès impossible.« 

Qui plus est, leur propre charte affirme que « Sur les forums de jeuxvideo.com ne sont pas autorisés : Les messages racistes, xénophobes, révisionnistes, faisant l’apologie de crime de guerre, discriminant ou incitant à la haine qu’elle soit à l’encontre d’une personne, d’un groupe de personnes en raison de leurs origines, leur ethnie, leurs croyances ou leur mode de vie. Les messages à caractère insultants, violents, menaçants, au contenu choquant ou portant atteinte à la dignité humaine. Les messages diffamatoires. » Pourtant, nous verrons plus bas un florilège de messages allant à l’encontre même de ces interdictions et qui, à l’heure où j’écris ces lignes ne sont toujours pas modérés alors qu’ils ont été signalés, certains depuis presque un an. Doit-on en conclure que la charte du forum n’existe que pour faire joli ?

Les reproches
Il est de notoriété publique que jeuxvideo.com abrite une communauté se croyant tout permis et se permettant les formes d’ostracisation les plus abjectes. Même les responsables de jeuxvideo.com le savent. Lorsque le sujet est abordé par des membres de la communauté geek, des utilisateurs d’internet réguliers ou des fans de jeux vidéo tout le monde tombe plus ou moins d’accord, même les moins sensibilisés aux causes militantes : le forum de jeuxvideo.com est un endroit où les réactionnaires font la loi et le plus sage resterait encore de le fuir. Les militant/e/s ont, à plusieurs reprises, et depuis plusieurs années maintenant, tenté d’alerter par divers moyens jeuxvideo.com au sujet des propos à caractère haineux qui poussaient comme des champignons sur leur forum. Pourtant, la situation ne s’améliore toujours pas. En fait, elle a même tendance à empirer.

En août 2012 puis mars 2013, Mar_Lard a écrit ses célèbres articles dénonçant le sexisme dans la communauté geek. Nombreux alors sont les topics et messages à caractères haineux et discriminant qui sont postés à son intention. Appels au viol, au harcèlement, insultes misogynes… Mar a encaissé une longue shitstorm qui, en (trop) grande partie, a pris racine sur le forum de jeuxvideo.com sans que rien ne soit fait pour endiguer le problème. Les harceleurs ont pu tranquillement s’organiser, tolérés par le  site.

Aux alentours de l’été 2013, la joueuse DamDam essuiera de nombreuses attaques transphobes après être passée dans une émission de NesBlog publiée sur jeuxvideo.com. DamDam explique dans un de ses articles qu’elle sait d’avance qu’elle subira ce qu’elle appelle avec patience des « critiques », montrant par là qu’elle connaissait l’ambiance présente sur le forum. Et sa prédiction s’est avérée juste. Encore aujourd’hui, des topics transphobes à son sujet peuplent le forum et rien n’est fait, encore une fois.

Autre femme trans ayant fait les frais de son apparition dans des vidéos postées sur jeuxvideo.com : Synahel (anciennement connue sous le pseudonyme de Rayas). Après être apparue plusieurs fois dans la chronique hebdomadaire Speed Game après transition, elle a reçu un panel non négligeable d’insultes, des appels à la tuer ou la poussant au suicide, ainsi que des appellations volontairement mal genrées (parler d’elle au masculin alors qu’elle est une femme). D’après elle, les injures provenant de jeuxvideo.com sont fréquentes, qu’elles viennent du forum, de Twitch ou des émissions et des chats du site (qu’elle modère).

De son côté, Paleaoies (Palawa) est sur le forum depuis 2010, avant même sa transition et déjà à l’époque elle constate beaucoup de problèmes d’intolérance (misogynie, homophobie) même si elle n’en est pas (encore) la cible. En 2011, elle poste un topic parlant d’une potentielle relation avec une personne d’un site de rencontres et y essuie ses premières injures à caractère homophobe et transphobe. Puis, en octobre 2013, elle mentionne pour la première fois sa transidentité dans un débat au sujet de l’article de Mar_Lard afin d’illustrer les notions de genre. En résulte du harcèlement à son encontre sur le topic en question, puis d’autres topics ont été créés où des gens postaient sa photo et l’insultaient elle et les trans en général (allant parfois jusqu’à souhaiter sa mort). Finalement, des membres du forum ont trouvé son compte Twitter, l’ont partagé et ont invité au harcèlement. Certains sont allés jusqu’à créer un compte Twitter spécialement pour la harceler. À ce moment la présidente de l’association AcronymeS a contacté les responsables de jeuxvideo.com avec des textes de loi appuyant ses propos, dénonçant les problèmes de transphobie du forum. Réaction : bannissement des pseudonymes uniquement et fermeture des topics, mais les forumeurs problématiques revenaient à chaque fois avec un pseudonyme différent. Finalement l’affaire s’est calmée non pas parce que jeuxvideo.com a pris les mesures qui s’imposaient (bannissement définitif des adresses IP) mais parce que les harceleurs se sont lassés. Régulièrement jusqu’à aujourd’hui elle est harcelée sur Twitter, sur le forum et sur son compte Ask par des membres du forum.

En janvier dernier, Mathieu Sommet dénonçait dans son SLG n°78 une vidéo qui avait été postée sur le forum de jeuxvideo.com et qui faisait l’apologie du viol en prétextant qu’il existait un moyen de violer des femmes « gentiment ». Ces vidéos ont disparu du forum depuis, mais pas à l’initiative des modérateurs ou des administrateurs, non. C’est l’auteur lui-même qui les a supprimées (de son propre aveu) après, je suppose, avoir essuyé les moqueries des fans de Mathieu Sommet. Bref, en résumé ce forumeur fait l’apologie du viol et des violences faites aux femmes dans ses vidéos, les poste sur le forum de jeuxvideo.com, se fait rabrouer publiquement par un youtubeur, les supprime lui-même, puis continue tranquillement d’officier sur JVC sans être banni ni même inquiété d’une quelconque manière par les responsables de jeuxvideo.com alors même que les féministes alertent les modérateurs à grand renfort de signalements et de tweets. Il a continué à étaler sa misogynie par la suite.

Au même moment, Mar_Lard dénonce un article écrit sur jeuxvideo.com dans lequel le rédacteur s’adresse uniquement à un public masculin pour la St Valentin. Elle lui explique en quoi c’est problématique et le rédacteur finit par changer les propos pour les rendre plus universels. Qu’un des rédacteurs « plie » devant une féministe met les forumeurs en colère et aussitôt, un topic d’insultes fait surface.

D’une manière générale, des tas de topics contenant des incitations au harcèlement, des propos racistes, misogynes, homophobes, transphobes voire du harcèlement sexuel sur mineure inondent le forum. Inutile de chercher loin, il suffit à n’importe quel internaute de naviguer au hasard quelques petites minutes sur les « bla-bla » pour trouver de quoi perdre toute foi en l’humanité. Certains des forums que j’ai screenés (moi ou d’autres militants) sont toujours en ligne en ce moment même, les créateurs de ces topics sont toujours sur le forum et quasiment rien n’a été fait alors que des topics comme celui au sujet d’une jeune mineure et de ce que les forumeurs lui feraient ont été signalés plusieurs fois.

Finalement, ce qui a relancé les militant/e/s dernièrement, c’est la volonté d’un illustrateur de « parodier » le Projet Crocodiles. Ce dernier a fait un appel aux 18-25 du forum pour récolter des témoignages. Pour saisir la colère des féministes, il faut comprendre ce qu’est exactement le Projet Crocodiles : c’est un site créé par Thomas Mathieu qui vise à récupérer des témoignages de femmes victimes de violences misogynes comme des viols ou du harcèlement. Ce dernier les illustre en représentant les hommes sous forme de crocodiles. Le but n’étant pas de dire que les hommes sont tous les mêmes, mais bien de faire comprendre ce que vivent les femmes avec la peur du harcèlement et du viol au jour le jour. Les femmes vivent en constante insécurité à cause de la misogynie ambiante en France et son obligées de se protéger comme elles le peuvent face à tous les hommes puisqu’elles sont incapables de savoir lesquels auront de mauvaises intentions à leur égard. Les agresseurs n’ayant pas de « profils types » (contrairement aux prétentions des racistes et classistes de tout poil), n’importe quel homme peut être un agresseur. Est-il réellement nécessaire de rappeler que la première cause de mortalité chez les femmes sont les violences domestiques ? Qu’une femme est victime de viol toutes les 7 minutes en France (et que 96% des violeurs sont des hommes) ? Que le harcèlement de rue et/ou sexuel est quelque chose que presque toutes les femmes connaissent (et que bien rares (pour ne pas dire inexistants) sont les témoignages mettant en avant des harceleuses) ? Le Projet Crocodile cherche à alerter sur un phénomène social qui met en danger toutes les femmes et qu’il est possible d’endiguer à condition que chacun fasse attention à son comportement.

Or, en créant le Projet « Vipères », l’illustrateur et les participants font passer plusieurs messages. D’abord avec des témoignages d’hommes qui racontent de quelle odieuse façon une femme a osé refuser de coucher avec eux (entre autres), ce projet met au même niveau de souffrance une femme violée et/ou victime de harcèlement et un homme qui… s’est pris un râteau. Quel est le problème ? Le problème c’est que dans le cas du Projet Crocodiles, des femmes défendent leur droit à circuler librement dans l’espace public sans être inquiétées et à pouvoir dire non à un homme qui veut coucher avec elle sans risquer d’être forcées (et donc violées puisque forcer une personne à avoir une relation sexuelle non consentie est bel et bien un viol). À l’inverse, le Projet Vipères vise à culpabiliser les femmes qui refusent de coucher avec des hommes et à présenter les hommes comme des victimes parce qu’ils ne peuvent pas se taper toutes les femmes qu’ils veulent quand ils veulent. Dans un cas, donc, nous avons un projet qui vise à rendre plus de liberté aux femmes quand l’autre vise simplement à renforcer les hommes dans la croyance selon laquelle les femmes leur doivent du sexe, n’ont pas le droit de les quitter (sous peine d’être des salopes) ou d’être attirées par d’autres personnes qu’eux, encourageant ainsi, purement et simplement, la culture du viol et la misogynie.

En outre, le Projet Vipères est présenté par un illustrateur fréquentant des masculinistes comme Soral. Est-ce anodin ? Rappelons que, contrairement aux idées reçues, les masculinistes ne luttent pas pour les droits des hommes, mais pour permettre aux hommes de conserver un ascendant sur les femmes et les enfants (par exemple, ils luttent pour que le divorce ne soit possible qu’à condition que les deux parties soient d’accord, mettant ainsi en danger les victimes (hommes et femmes) de violences conjugales). Et c’est sans compter sur le fait que la proposition de ce projet ait encouragé la création de plusieurs topics dans lesquels les forumeurs de jeuxvideo.com commentent le Projet Crocodiles et son contenu, notamment en affirmant qu’une femme sodomisée de force, ce n’est pas un viol ou encore que voir une femme en train d’être violée les excite. Là encore, ces topics et messages sont toujours sur le forum sans que rien ne soit fait.

Suite donc, à ces topics et ces propositions de parodie, les militant/e/s se sont élevé/e/s contre ce projet dangereux en dénonçant le problème aussi bien sur le forum que sur Twitter ou sur leur blog. Si les administrateurs ont, encore une fois laissé pisser, les forumeurs, eux, ont trouvé là une excellente occasion de tenter de nous faire taire une bonne fois pour toutes. Ainsi ont-ils créé l’opération « Silence Féministes » sur le forum même en invitant tous les forumeurs à harceler les féministes sur Twitter ou par mail en créant des faux comptes et des bots. Menaces de viol, insultes, divulgations d’informations privées… Toutes les personnes qui ont osé dénoncer les problèmes inhérents aux forums de jeuxvideo.com se sont pris ses petits soldats dans la figure et ce, avec des moyens parfaitement illégaux (comme la divulgation d’informations privées).
→ Ainsi RashXBucker a vu le topic au sujet de la parodie et est allée expliquer vertement en quoi ce dernier était très problématique. 24h plus tard, elle était bannie et a commencé à être harcelée, pour finalement recevoir une centaine de messages par jour environ comprenant des attaques ad hominem, des injures à caractère sexuel ou visant le physique sur son blog, son Twitter et son Ask.
Holywa, de son côté, a écrit un article dénonçant la complaisance des responsables de jeuxvideo.com à l’égard de sa communauté. Quelques jours après l’avoir posté, elle passe soudainement d’environ 100 vues par jour à plus de 7000, à cause d’un partage fait sur le forum. Des topics sont créés pour la descendre et des messages insultants sont postés à son encontre sur Twitter, en messages privés et sur les topics de jeuxvideo.com, sur Facebook et sur son blog. Finalement, après avoir essuyé de nombreux messages à caractère haineux et après de nombreuses incitations au harcèlement, un type de jeuxvideo.com partage ses données personnelles (adresse et numéro de téléphone) sur Twitter. L’information est aussitôt reprise sur le forum avec des images de Google Street View en prime. Le nombre d’appels la contraindra à débrancher son téléphone. Le harcèlement allant trop loin, elle décide de porter plainte. La procédure est en cours.
→ Il y a deux semaines, reçoit un mail de (créatrice d’un Tumblr dénonçant le harcèlement de rue avec des témoignages de femmes et leur photo à côté) exprimant son désarroi parce qu’un topic de jeuxvideo.com a été créé pour détourner son Tumblr en se moquant des victimes qui témoignent. La « blague » a été signalée à Juliette par un des créateurs du topic (qui voulait que les détournements soient vu par les victimes). Sur-le-champ, Juliette fait faire un signalement mais ce n’est qu’une semaine plus tard qu’il est supprimé, laissant aux créateurs le temps de se créer un Tumblr et un compte Twitter avec les images détournées et d’organiser ce qu’ils appellent « l’opération Silence Féministes ». Juliette décide donc d’en parler à A_C_Husson, mais elles hésitent à dénoncer le problème publiquement car elles savent que c’est ce que veulent les forumeurs. Or, elles ne veulent pas blesser les victimes. Finalement, c’est en voyant que le sentiment d’impunité les pousse à publier les parodies sur Twitter et Tumblr que Juliette et A_C_Husson décident de dénoncer publiquement le problème. Aussitôt, elles reçoivent respectivement des insultes sur le topic et sur Twitter : incitation au viol, injures, attaques ad hominem. En deux heures, plus de 30 messages pousseront A_C_Husson à passer en privé. Pas découragés, les forumeurs décideront d’envoyer leurs bots sur sa page Facebook, lui envoyant plus de 50 messages dans lesquelles se trouvent des images de femmes avec du sperme sur la figure mais se font bloquer par Facebook. D’autres pages Facebook comme « Stop harcèlement de rue » ou « MadmoiZelle » seront aussi victimes de leurs bots.
Juliette, de son côté, subira à peu près le même sort : appel à la harceler sur Twitter, insultes diverses sur le forum, menaces de « couper sa connexion sur Twitter » et affirmations que ses coordonnées ont circulé en mp sur le forum.
Paleaoies (Palawa) quant à elle, continuera ses dénonciations des pratiques de jeuxvideo.com, notamment après son démêlé avec Noraj, modérateur qui décidera de fermer un topic au sujet des transidentités pour des raisons fallacieuses (« hors sujet ») et après la découverte du topic « Parodions le Projet Crocodiles ». Elle décidera en particulier de se plaindre directement aux administrateurs en créant un topic dans la partie réclamations visant à demander une modération plus juste. Dans son topic elle demande notamment « que cet endroit soit un espace safe pour les femmes, ainsi que pour les trans’. Avec ce topic (la parodie du Projet Crocodiles), c’est l’effet inverse qui se produit, et cela va même jusqu’à transmettre ce sentiment d’insécurité ailleurs sur internet. » Suite à ce topic, le harcèlement reprendra un peu partout (forum, Ask, Twitter etc). Pire, sur le topic de réclamations, normalement, il n’est pas autorisé de répondre, mais Meego se l’est permis alors qu’il n’est pas visé par la plainte, se permettant ainsi d’enfreindre la charte de modération sans craindre un bannissement, protégé par son statut de modérateur. Quelques minutes plus tard, une partie des forumeurs commenceront à s’organiser pour harceler Palawa en créant des topics avec photos d’elle, des insultes et des appels au lynchage.

Dernièrement, les forumeurs de jeuxvideo.com ont créé un salon Tinychat sur lequel il font croire à des trans qu’il est possible de parler en toute quiétude de leur transidentité pour ensuite, une fois qu’ils s’inscrivent sur le chat, les harceler, les injurier et les humilier oralement, via micro.

Les réactions de jeuxvideo.com
Très vite, nous avons donc compris comment le forum de jeuxvideo.com fonctionnait : tous les forumeurs peuvent être élus et devenir modérateurs. Ils sont donc représentants du mode de pensée présent sur le forum et sont choisis pour cette raison. Résultat, les seules personnes pouvant réellement endiguer le problème n’ont aucun intérêt à le faire. À côté de ça, les responsables du forum, ceux qui sont censés gérer l’équipe de modération, ne semblent pas pressés de virer les modérateurs qui ne font manifestement pas correctement leur travail voire qui tiennent eux-mêmes des propos qui seraient dignes d’un bannissement définitif.

Pire : les modérateurs du forum montrent clairement leur volonté de protéger envers et contre tout la possibilité des forumeurs de continuer de dire ce qu’ils veulent quand ils veulent comme ils le veulent, même si leurs propos visent à stigmatiser des minorités déjà fragilisées, en particulier les trans qui semblent vraiment les déranger pour une raison obscure (peut-être de la haine et du mépris pur et simple ?)
Ainsi, Avril, faisant partie de la modération, a soutenu que le déferlement de haine, de harcèlement et de mépris dont étaient victimes les trans sur jeuxvideo.com étaient anecdotiques, a justifié les messages transphobes tels que « les trans me dégoûtent » par un « ce n’est qu’un avis, on peut aussi dire les noirs me dégoûtent » et a exprimé que, à son avis, les homosexuels n’auraient pas à être choqués par les gens qui expriment leur dégoût vis-à-vis de leurs préférences sexuelles (dégoût exprimé par des « sale pédé » et autres joyeusetés).
De même, Meego, dans un topic « règles de vie en communauté » affirme qu’il est « hors de question de pratiquer une censure dégueulasse qui ne ferait qu’envenimer les choses » et qu’il est possible d’exprimer le fait qu’on n’apprécie pas l’homosexualité, la religion musulmane (comme par hasard) ou les transidentités mais qu’il faut le dire de manière polie et argumentée. On attend toujours de savoir si, selon Meego, dire « les trans et/ou les noirs me dégoûtent » est poli et argumenté ou non. La liberté d’expression selon Meego nous a semblé bien opportuniste. (À noter également que Palawa a signalé le comportement de Meego à Christophe Henner, mais n’a reçu aucune réponse).
Dam0ol, de son côté, après avoir lu un article du Nouvel Obs dénonçant les pratiques de jeuxvideo.com, a décidé de se fendre d’un long topic dans lequel il justifie les pratiques du forum de la manière suivante : 1- Tout le monde fait comme ça, donc pourquoi s’en prendre à nous ? (Ah bon bah si tout le monde fait de l’ostracisme, ça va alors, on va juste suivre la tendance), 2- Vous êtes malhonnêtes vous faites des amalgames (alors que de nombreuses preuves ont été fournies avec screenshot à l’appui), 3- On s’en fout des trans, mais on a quand-même bien le droit de dire qu’on les aime pas sans se faire traiter de nazi ! (Doit-on rappeler que stigmatiser quelqu’un ou changer de comportement vis-à-vis d’une personne simplement à cause de son genre, son orientation sexuelle, son identité sexuelle, ses croyances, ou son appartenance ethnique, ça s’appelle de la discrimination et que c’est interdit par la loi ?) (etc) De nombreux modérateurs tels que Budra, Aristotedi ou Cartographe manifesteront leur soutien à ce topic.
Noraj, quant à lui, abuse de son pouvoir de modérateur à plusieurs reprises, notamment, comme ça a été expliqué plus haut, en fermant un topic sur la transidentité sans raison valable, mais en laissant d’autres topics ouverts comme celui-ci dans lequel des tas de forumeurs se vantent d’avoir harcelé des féministes (la preuve qu’il a vu le topic réside dans un message qu’il a laissé sur le topic même mais qu’il a supprimé par la suite, sans se soucier, en revanche, de supprimer ledit topic). Il kickban également des féministes qui osent dénoncer les problèmes de topics comme « parodions le Projet Crocodiles », s’en vante sur le topic sus-cité et exprime même son soutien à la personne qui souhaite faire la parodie.

Forts de ce constat, nous avons compris que les seules personnes qui pourraient réellement changer les choses étaient les administrateurs et les responsables du site. Que nous avons alerté à maintes reprises via leur Twitter officiel et par mail. Résultat ? Quelques tweets le 30 juin parlant d’une sélection de 6 personnes pour venir discuter au siège de l’association à Aurillac (pour l’instant, pas de nouvelles à ce sujet depuis) et un débat sans fin avec Christophe Henner (directeur Marketing). Il nous avoue que JVC n’est pas capable de répondre aux situations d’urgence (comme incitation au harcèlement) à cause de « contraintes techniques » (qui changent au cours des discours et ne sont pas toujours exactes), puis prétend que de toute façon, que les propos discriminants soient chez eux ou ailleurs ne changera rien au problème (ce qui est faux : le fait que jeuxvideo.com soit un site très visité rend les messages problématiques plus visibles et donc plus violents) pour enfin refuser l’idée même de fermer ne serait-ce que temporairement le forum afin de trouver une solution durable et efficace sous prétexte que c’est une technique « terre brûlée« . Pire, il défend des modérateurs comme Avril et tente de justifier les propos racistes et transphobes qu’il a pu tenir.

D’ailleurs, d’après son témoignage dans l’article de MadmoiZelle, une refonte de l’équipe de modération et la mise en place d’un autre système visant à choisir les modérateurs avec plus de soin n’est pas tellement d’actualité. Le seul effort qui sera fait de leur côté sera un debriefing des modérateurs afin de leur apprendre leurs responsabilités (doit-on comprendre que ça n’a pas été fait à la base ?). On ignore si des mesures seront prises dans le cas où les modérateurs, même après avoir été avertis, continueraient d’appliquer leurs propres règles plutôt que d’appliquer celles de la loi et du règlement du forum.

Il est manifeste que jeuxvideo.com se cache derrière l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique. En effet, grâce à cette loi, ils peuvent prétendre ne pas être au courant de ce qui se passe sur le forum tant qu’un signalement spécifique n’a pas été fait alors que c’est une révision globale de la politique de gestion de leur forum qui est en cause. Ainsi, ils peuvent habilement attendre des personnes harcelées, humiliées et insultées qu’elles fassent soit le travail de ménage (gratuitement) à leur place (à savoir signaler tous les messages problématiques, tous les jours sans être bien sûr/e/s que leurs signalements seront pris en compte (puisque de nombreux signalements ont été faits et que rien n’a bougé)), soit qu’elles portent plainte contre les utilisateurs un par un en leur nom. Les deux cas n’étant, bien entendu, pas envisageables sans y passer tout son temps et toute son énergie, jeuxvideo.com peut sereinement et en toute quiétude laisser sa communauté enfreindre loi et règlement sans être tenu pour responsable. Mieux, peu importe qui sont les personnes qui fréquentent leur forum, après tout,  un clic d’internaute est un clic d’internaute et permet de faire du chiffre (et donc de flatter les actionnaires). Il faudra pourtant bien qu’un jour, jeuxvideo.com comprenne que ce n’est pas aux personnes victimes de son laxisme de veiller à ce que sa communauté respecte la charte du forum et la loi. Jeuxvideo.com sait que son forum pose problème d’une manière globale et l’a prouvé à maintes reprises. La question est : est-ce que ce fameux article 6 les protège encore de ce savoir, même s’il n’est pas au sujet de messages spécifiques, mais d’une ambiance globale ?

Concrètement ces problèmes, ça donne quoi ?
Si des militant/e/s s’élèvent contre jeuxvideo.com et la communauté qu’il abrite, ce n’est pas pour le plaisir de se faire harceler, humilier et insulter, mais bel et bien parce qu’un tel laxisme présente plusieurs problèmes à différents niveaux.

Tout d’abord, jeuxvideo.com est un site qui se veut ouvert à tout le monde. Pourtant, en laissant les membres du forum proférer des discours discriminants jours après jours, ils font fuir la plupart des personnes visées. Résultat, les jeunes hommes blancs cishétéros restent confortablement entre eux. Personne n’aimant être  méprisé et insulté pour son genre, sa sexualité ou sa couleur de peau, il est normal que leurs cibles favorites désertent les lieux. Pourtant, les jeux vidéo ne sont pas la propriété exclusive de ces hommes blancs cishétéros. Il a été prouvé à de nombreuses reprises que 49% des joueurs sont des joueuses et il ne me semble pas que la couleur de peau ou l’orientation sexuelle empêchent de tenir un joystick. Bref, jeuxvideo.com a laissé ses forums sombrer dans un communautarisme malsain et allant à l’encontre de toute notion éthique de base : un tel site est censé viser des amateurs/amatrices de jeux vidéo sans nullement se soucier de leur appartenance ethnique, leur genre, leurs préférences sexuelles etc. Pourtant en laissant ces forumeurs étaler leur haine et leur mépris des gens différents, les responsables de jeuxvideo.com leur ont laissé croire que cet endroit leur était destiné exclusivement et qu’ils n’avaient pas à faire d’efforts pour permettre à chacun/e de participer à la vie du site sans y être humilié et/ou harcelé. Certains en sont même venus à créer des topics ne laissant aucun doute sur leur mentalité, comme « imaginez une modo fille :rire: » ou, ce topic dans lequel une femme se plaint de l’ambiance misogyne du forum et se voit répondre des « bah t’as qu’à dégager » ou des « go cuisine ».

En plus de leur rejet de toutes les personnes qui ne collent pas à leur  définition de la norme, des idéaux réactionnaires et intolérants se propagent à travers ce site populaire qui, à la base, se veut être un simple web-journal vidéo-ludique. En effet, les jeux vidéo attirent chaque année de plus en plus de personnes et plus spécifiquement de jeunes gens. Toutes ces personnes vont évidemment chercher à partager leur passion sur le net en cherchant des sites et des forums afin d’en discuter avec des personnes appréciant autant qu’elles/eux de découvrir encore et toujours de nouvelles manières de se divertir. Or, comme il a été spécifié plus haut, jeuxvideo.com est le site de jeux vidéo le plus visité de France. Sa communauté et les propos de sa communauté sont donc une des choses qu’on est susceptible de lire en premier quand on cherche des endroits où parler de jeux vidéo. Bref, en laissant les membres du forums de jeuxvideo.com étaler haine et mépris discriminants publiquement alors qu’ils ont énormément de visites en rapport avec un média qui attire en particulier les plus jeunes (et donc les moins armés contre ce genre d’idées nauséabondes), jeuxvideo.com se rend coupable de la propagations d’idées réactionnaires, discriminantes et stigmatisant des minorités déjà fragilisées par la haine ambiante qu’elles subissent.

Ce que nous attendons de jeuxvideo.com
Il est temps pour jeuxvideo.com de prendre ses responsabilités et de lutter contre le sentiment d’impunité que peuvent avoir les utilisateurs et modérateurs du forum au lieu de se ranger de leur côté et de renforcer l’impression qu’ils ont d’être au-dessus des lois, des règles, du respect et des notions les plus élémentaires du vivre ensemble. Jeuxvideo.com est un site tous publics accueillant énormément de nouveaux inscrits chaque jour et de ce fait, il se doit de faire en sorte que les nouveaux arrivants ne se voient pas embarqués dans des modes de pensée ostracisants. Nous demandons à jeuxvideo.com de ne pas nier que pour appartenir à la communauté qu’ils ont laissé se construire sur le forum, nombreux sont les nouveaux arrivants qui modifieront leur comportement afin de mieux se faire accepter, grossissant toujours plus une communauté dans laquelle la haine et le mépris de l’Autre est entretenue depuis trop longtemps maintenant. Que les forumeurs intolérants aillent étaler leur mépris ailleurs n’est pas le problème de jeuxvideo.com. En ne les couvrant pas, jeuxvideo.com choisira de ne pas leur offrir la publicité dont le site peut jouir, et donc de ne pas laisser se diffuser un ostracisme puant au sein du forum et de la communauté geek en général.

Concrètement, nous demandons aux responsables de jeuxvideo.com de :
→ Respecter (et faire respecter) leur propre charte, les CGU ainsi que la loi.
De dissoudre intégralement leur équipe de modération et de recruter une équipe de 20 modérateurs/modératrices professionnel/le/s minimum (qui ne sera pas composée exclusivement d’hommes cis blancs et hétéros). Les modérateurs/modératrices devront être compétent/e/s, ayant une connaissance parfaite de la charte, CGU et de la loi en matière d’expression sur le net et seront  rémunéré/e/s afin qu’ils/elles puissent travailler à temps plein au nettoyage du forum et, par la suite, à son entretien systématique.
De revoir les méthodes de fonctionnement du site, notamment au niveau du ban et de la possibilité de signaler du contenu. Les utilisateurs extérieurs au site doivent pouvoir signaler un contenu à partir du moment où ce dernier est rendu public même aux personnes n’étant pas inscrites. De même, à partir du moment où une personne est bannie, c’est son IP qui doit l’être et non pas simplement son compte, afin qu’il soit assuré qu’elle ne puisse pas revenir avec un pseudonyme différent quelques minutes après avoir été expulsée.
→ Que soient bannis définitivement les utilisateurs se permettant de tenir des propos ostracisants ou incitant à la haine et/ou au harcèlement à plusieurs reprises et même après rappel à l’ordre.
Que les responsables de jeuxvideo.com cessent de demander aux personnes qui dénoncent les problèmes sur leur forum de faire ce pourquoi ils se rémunèrent eux-mêmes, à savoir gérer la communauté et prévenir les débordements. C’est à jeuxvideo.com de surveiller son site et son forum, pas à nous.

Si jeuxvideo.com n’est pas capable de gérer le forum pendant les changements d’actionnaire, comme certains responsables l’ont prétendu sur Twitter, nous demandons à ce que le forum soit fermé temporairement le temps que les « contraintes techniques » n’empêchent plus les responsables de gérer la communauté abritée par jeuxvideo.com.
Si jeuxvideo.com n’est pas capable de gérer la communauté qu’il abrite sur le long terme, alors nous demandons la fermeture du forum, simple et définitive.

En conclusion
Nous ne nous en prenons pas à jeuxvideo.com par simple oisiveté, mais bel et bien parce que la communauté abritée par le forum blesse de plus en plus de gens, même étrangers au site, à cause des comportements haineux qui n’y sont pas modérés. À défaut de faire d’internet un espace safe et où chacun/e peut se sentir bien sans être insulté/e à cause de son genre/orientation sexuelle/couleur de peau etc, nous souhaitons que, au moins, les sites les plus visités soient vigilants et encouragent leur communauté à s’amuser, à découvrir et à partager dans le respect de l’Autre. Aussi, nous espérons que cet appel soit entendu et qu’ainsi l’entièreté du site soit respectueuse, sans haine, ni mépris.

Pour plus d’informations
Compte Twitter regroupant des screenshots de propos intolérants sur JVC : [x]
L’écrit de la chouette : Jeu Vidéo.com : [x]
MadmoiZelle dénonce : [x]
Le Nouvel Obs dénonce : [x]
Sans Compromis dénonce : [x]

Pour aller plus loin
Sexisme chez les geeks : [x]
Les vidéos de Feminist Frequency : [x]
Misogynie chez Joystick : [x]
Ce que c’est qu’être une femme qui exprime son opinion sur le net (en anglais): [x]
L’humour est une arme : [x]
L’humour pour les nuls : [x]
Sexisme dans les jeux vidéo, Pearltrees : [x]

Merci à Synahel, RashXBucker, Holywa, , , , Juliette Lancel, , et pour leur aide, leurs conseils, la relecture et leur témoignage. Et merci à toutes les personnes qui m’ont exprimé leur soutien durant la rédaction de cet article.

Myroie

Bienvenue dans le monde du jeu vidéo !

Il y a quelques années, alors que je débutais tout juste dans le milieu du journalisme vidéoludique, je travaillais sur mon petit projet de mémoire sur l’enjeu social du médium, forte de mon envie de faire bouger les choses et les mentalités, optimiste et fraîche. Débuta la recherche d’intervenants, d’experts pour affiner mon sujet, discuter du projet, trouver des pistes.

Je suis du genre « lonesome gameuse », je ne joue que pour moi, fuis les modes online, pas une star du milieu ou une personnalité connue en somme. A ce moment-là, je commençais à constituer mon réseau, à parler aux gens en convention, en salon, à montrer que j’existe et que j’ai du talent à revendre.

Je souhaitais interviewer un journaliste plutôt connu pour ce mémoire. Appelons-le M., qui est du genre inaccessible quand on est personne. Je suis passée par les « petites portes » tant bien que mal jusqu’à entrer en contact avec un individu, appelons-le S., plutôt correct de prime abord, travaillant avec lui, me promettant de l’aider. J’y vois une opportunité folle, j’accepte tête baissée, sans me méfier une seule seconde. Et jusque là, tout allait bien.

S. était parfois un peu rentre-dedans, m’avait proposé un plan à trois avec une autre fille « pour rire » (à ce moment-là en tout cas, je l’ai pris sur le ton de la blague… si j’avais su !), mais je n’avais que mon mémoire en tête et s’il fallait supporter ce genre de discours auquel j’ai toujours répondu par la négative, j’étais prête à le faire.

Grâce à ce type, j’ai eu M. au téléphone, prévu une rencontre avec lui lors d’un salon afin que l’on se rencontre, qu’on fasse cette interview et il était très motivé par l’idée. Heureuse, je me pensais tirée d’affaire.

Jusqu’à ce que le discours lourd et « dragueur » de S. reprenne. Si déjà à l’époque, j’avais l’habitude de supporter ce genre de comportement, j’ai commencé à trouver ça un peu louche qu’il me parle de venir à l’hôtel, que si je me « comportais bien », j’irais au restaurant avec eux. Je n’avais rien demandé de tout ça, je n’ai jamais laissé espérer quoi que ce soit, je suis toujours restée professionnelle.

On m’avait promis une accréditation (« Non, ne la demande pas, je m’en charge ça sera plus simple ») que je n’ai pas eu (« Je ne t’ai rien promis, on ne fait pas rentrer n’importe qui comme ça »). Je me suis retrouvée obligée de patienter de très longues minutes pour pouvoir entrer, sentant légèrement le traquenard face à la réaction de S. pour la fausse promesse d’accréditation. Première grosse interview de ma balbutiante carrière, j’étais d’autant plus stressée même si prête à en découdre avec mes questions. Je portais une robe noire très simple, légèrement décolletée (détail anodin mais important pour la suite).

S. me réceptionne enfin, et fait tout pour me tenir près de lui, près du stand. J’ai fait la potiche (« Souris un peu, ça fera venir les gens ») toute la matinée à ses côtés. A attendre une entrevue qui n’arrivait pas. Il me propose d’aller boire un café, de bosser sur mes questions. Je suis de l’école des « On ne lit pas mes questions, on ne relit pas mes interviews » mais décontenancée, j’accepte. Il s’assoit trop près de moi. Regarde un peu trop mon décolleté. Gêne.

« Dis donc, t’as quand même une sacrée poitrine ! »

Re-gêne. Je n’ose rien dire. Je balbutie un « Merci », je commence à avoir un peu peur.

Arrive midi, M. m’aperçoit enfin, vient me dire bonjour. Je me dis que je suis presque sauvée, que tout ça sera bientôt terminé. Nous nous installons pour l’interview, S. se met un peu en retrait, observe mes moindres faits et gestes. L’entretien commence et se passe bien. Heureusement. M. me demande si je veux déjeuner avec eux. S. intervient en criant presque « Non celle-là, elle ne mange pas avec nous, elle a rien à foutre là, elle se casse. » Silence gêné dans l’assemblée. Il me fait sortir en me prenant par le bras et une fois dehors me glisse à l’oreille :

« Maintenant que tu as eu ce que tu voulais, on y va ? »

« On va où ? »

« Dans un coin, tu sais… Mais si ça te gêne, on peut aller à l’hôtel, même si je pensais que tu étais un peu plus cochonne que ça. »

Et là, je réalise ce qu’il me veut. Qu’implicitement, j’avais donc marchandé une interview contre du sexe. Sauf qu’à aucun moment, il n’avait été question de ça. A aucun moment dans nos échanges le « deal » a été annoncé. Je refuse poliment.

« Non mais tu as cru que c’était gratuit ? Par gentillesse ? »

Je me sens prise au piège. Il y a du monde autour de nous, je pourrais hurler… mais M. n’est pas loin, je ne veux pas faire d’esclandre, je ne veux pas me faire remarquer, risquer de passer pour une folle (sa parole contre la mienne) mais j’ai surtout peur. Je négocie difficilement de partir faire un tour du salon arguant que j’ai payé une entrée je dois la rentabiliser, de le rejoindre plus tard. Il garde ma veste. Volontairement. Pour être sur et certain que je revienne.

Je suis partie me réfugier à l’autre bout du salon, tétanisée, ne sachant pas quoi faire. Me demandant si je devais le faire ou non, si c’était comme ça que fonctionnait ce milieu, si ça en valait la peine, ce qu’il se passerait si je disais oui, ce qu’il se passerait si je disais non… J’ai évidemment privilégié mon intégrité et ma dignité. J’ai même eu honte d’avoir pu penser UNE SEULE SECONDE devoir le faire.

Je suis une fille un peu réservée, je n’ose pas blesser les gens, je ne sais pas dire concrètement « Non » ou « Merde » donc je monte un mensonge impliquant la famille, un accident grave etc, solution lâche mais efficace. Pas eu besoin de penser à beaucoup de choses tristes pour retourner auprès de S. en pleurant, tellement je suis à fleur de nerfs. J’explique que je dois partir, il me dit que non, que j’ai le temps, que je dois rester, que je n’ai pas passé assez de temps avec lui. Je récupère ma veste, il me force à lui faire un câlin, bien trop long à mon goût. Je déteste le contact forcé. J’ai envie de vomir. Je fuis en courant le salon, me pensant hors d’atteinte, tranquille.

Faux. C’est là que le harcèlement a commencé. Il m’a envoyé des sms pour savoir quand je revenais, pour me dire que j’avais toujours une dette, que c’était honteux cette façon de réagir, de ne pas tenir mes engagements. Il m’a aussi dit que « le milieu fonctionnait comme ça », qu’en tant que fille je n’avais pas 36 solutions pour réussir, qu’il avait l’habitude de faire ça avec d’autres filles qui souhaitaient quelques avantages. Qu’elles n’avaient jamais dit non, qu’il ne comprenait pas ma réaction, que je n’étais pas normale.

Douche froide. Il a fini par se lasser. Puis il a été remercié, est sorti de tout ça. Après cette première expérience, je me suis longtemps demandée si je voulais vraiment travailler dans un milieu qui traite les femmes de la sorte, comme des « vide-couilles » en somme, où la seule légitimité que l’on a, c’est par le corps.

Avec les années, ce qui me choque le plus, c’est qu’à ce moment-là, j’étais tellement « conditionnée » à avoir une image très précise et sexualisée de la femme dans le monde du jeu vidéo que j’ai vraiment réfléchi à si je devais laisser cet homme abuser de ma naïveté et de ma dignité. Je me suis vraiment demandée si en tant que journaliste spécialisée, j’allais devoir vivre avec ce genre de comportement quotidiennement. Avec ce genre d’acte, avec ce genre de réputation largement ouverte au slut-shaming, aux rumeurs, à la saloperie, au harcèlement.

Depuis, je me suis penchée sur la question du féminisme, de la représentation de la femme dans ce médium que j’adore. Je ne m’interroge plus sur le « dois-je le faire / ne pas le faire » si ma dignité est en jeu, car je me respecte. Je sais que j’ai des armes légitimes pour faire mon travail sans avoir à me justifier sur ma façon d’être, de m’habiller, de me comporter. Même si je me sens encore trop naïve, trop gentille. J’ai « digéré » cet épisode difficilement, mais ça n’a pas réussi à entacher ma motivation à travailler dans le jeu vidéo. Avec beaucoup plus de méfiance et de paranoïa c’est sur, mais avec la même passion comme un gros doigt levé vers ce genre de personnes.

Harcèlement sexuel dans le milieu des comics

L’affaire a été lancée par la dessinatrice Tess Fowler en octobre 2013 quand elle a révélé avoir été harcelée sexuellement par l’auteur & illustrateur majeur de comics Brian Wood (Demo, Northlanders, The DMZ, The Massive, Conan, X-Men…) et jusqu’ici souvent présenté comme « féministe ») il y a une dizaine d’années.

Le Docteur Nerdlove a repris et analysé cette affaire et les réactions qui ont suivi sur son blog. Avec sa permission, nous avons traduit l’article en question.

 

Privilège des nerds masculins : Tess Fowler et le harcèlement dans les comics

15 Novembre 2013 par Dr.NerdLove

Cela fait un moment que je n’ai pas fait un article sur le « Privilège des nerds masculins ». Mais finalement, il se passe toujours quelque chose dans les fandom et l’univers me donne une nouvelle opportunité d’illustrer ce qu’est le privilège masculin et comment la culture nerd est souvent impliquée dedans jusqu’au cou.

Parlons sérieusement : Je suis bien conscient qu’à chaque fois que je poste quelque chose qui touche aux problèmes féministes, j’ai un pic de connexions, et il est facile de dire que j’écrit à propos de ces sujets uniquement pour augmenter le nombre de vues et pour l’influence que cela m’apporte. Et considérant les personnes concernées, l’idée d’utiliser le féminisme comme une manière d’avancer dans une carrière est d’une certaine façon poétique. Mais le problème est là : Je suis un geek. J’aime la culture geek… tout spécialement les comics. J’aime les comics en tant qu’art et medium. Certaines de mes histoires favorites, celles qui m’ont touché émotionnellement plus que 99% de la littérature occidentale classique, venaient des comics. J’ai même occasionnellement fait quelques boulots comme créateur et éditeur. J’ai été dans les tranchées et j’ai de profondes, profondes racines dans le fandom des comics et dans cette industrie.

C’est pourquoi l’industrie des comics me fait chier à un point rarement atteint par d’autres sujets.

…et pourquoi je ne devrais pas lire « Bleeding Cool » [site d’informations sur les comics] en me levant le matin.

Parce que, aussi fort que j’aime la culture geek dans son ensemble et les comics en particulier, il y a des moments où je me souviens que malgré tous les progrès que nous avons fait, elle est encore profondément régressive et arriérée dans la façon dont elle traite les gens qui y prennent part.

Mais peut-être que je vais trop vite.

Laissez-moi revenir un peu en arrière.

Tess Fowler et la promotion canapé des comics

Le mois dernier, Tess Fowler – une auteure de comics accomplie et incroyablement douée – a posté une série de tweets à propos d’une expérience profondément déplaisante avec un gros bonnet des comics  qu’elle a rencontré à la San Diego Comic Con – la plus grosse convention comics et pop-culture des Etats-Unis. Le professionnel en question – qui a une grosse influence, travaillant pour un des plus gros titres publiés en ce moment – a dit être intéressé par son travail et l’a invitée dans sa chambre sous prétexte d’ « apprendre à mieux la connaitre » et peut-être de l’aider dans sa carrière.

Tess comprit exactement ce qu’il voulait dire par là – c’était un scénario de promotion canapé ; elle jouait le jeu (pour ainsi dire) et peut-être que cela la mènerait quelque part, clin d’œil, hum hum, inutile d’en dire plus. Ce n’était pas franchement subtil : si on se réfère à ses tweets, il a coupé ses amis au milieu d’une conversation afin de lui donner son numéro de chambre et de lui faire savoir qu’il l’attendrait.

Lorsqu’elle n’a pas répondu à son invitation, il a piqué une crise à la convention, lui criant après depuis sa chambre et demandant à savoir pourquoi elle ne s’était pas montrée. Bien sûr, comme si crier sur quelqu’un qui refuse de vous sucer n’était pas suffisant, il la confronta plus tard sur Facebook et lui fit savoir que a) il n’avait jamais eu l’intention de l’aider dans sa carrière, b) qu’il pensait que son art était de la merde et c) qu’elle devrait se considérer chanceuse qu’il lui ait seulement parlé.

Après des semaines pendant lesquelles les gens ont fait des rapprochements et partagé des ragots, Tess décida qu’il était temps d’appeler un chat un chat et de donner des noms.

« Je vais le dire. Que ceux à qui ça ne plaît pas aillent se faire foutre. Brian Wood est un CONNARD. Et il a menacé les femmes trop longtemps. »

Heidi McDonald de The Beat contacta Wood quand la nouvelle tomba ; il déclina l’interview à ce moment-là et, d’après ce que je sais, il n’a toujours rien dit à ce sujet.

(Note du Doctor le 15/11/2013 : Brian a depuis publié une déclaration à ce sujet sur son site. [La page n’existe plus])

Pour nombre de fans, ce fut un choc : Brian Wood est connu, entre autres, pour ses références féministes dans l’industrie des comics. Il est l’auteur du premier titre entièrement féminin de X-Men dans l’histoire des comics Marvel et a favorisé la carrière de nombreuses femmes durant son contrat en tant qu’écrivain de Conan le Barbare, Northlanders, et d’autres titres. Et pourtant, d’autres personnes on partagé des récits de traitement similaires de sa part.

Malheureusement, l’experience de Tess Fowler est loin d’être unique. En fait, ce comportement – allant des comportements sordides-mais-légaux à l’agression sexuelle – fait partie de l’industrie des comics depuis un certain temps.

Poitrines, mains aux fesses et plafond de verre

J’ai la chance d’être ami avec de nombreuses personnes douées d’un talent fou dans tous les domaines de l’industrie des comics, depuis les jeunes talents, en passant par les étoiles montantes et les noms connus, auteurs, artistes et éditeurs… et toutes les femmes impliquées dans l’industrie du comic que je connais ont une histoire comme celle de Tess.

Chacune . D’entre. Elles.

Certaines personnes ont parlé de leur traitement dans les comics. Un nom qui revient encore et encore est celui de Julius Schwartz. Schwartz  faisait partie de la haute société des comics, un contemporain de légendes telles que Carmine Infanto et Joe Kubert – une figure adorée chez DC Comics et une pièce majeure de l’âge d’or des comics. Tout le monde aimait « Oncle Julius », qui racontait les meilleures histoires et avait un rire contagieux. Et pourtant beaucoup, beaucoup de femmes – dont certaines de mes amies – ont des histoires sur l’ « Oncle Julius ». Des histoires de mains baladeuses, ou de baisers qu’on a tenté de forcer… ou pire. « Oncle Julius » a aussi agressé une jeune artiste de comics dans une limousine et a harcelé sexuellement plusieurs autres femmes travaillant dans les comics à cette époque.

Mais, hé, qui allez-vous croire ? Le créateur adoré de Flash, Hawkman et Green Lantern, ou quelques nanas ?

Même en admettant que c’est un comportement dégueulasse de la part d’un vieil homme, vous pourriez pardonner tout ça en pensant que c’est du passé – un point dégoutant mais final dans l’histoire des comics… si jamais c’était passé, vous savez.  Terminé.

Les hommes en position de pouvoir et d’autorité – créateurs, rédacteurs et éditeurs, organisateurs de convention – faisant des avances et des remarques inappropriées ou essayant de manipuler de jeunes et impressionnables créatrices via le sexe… En parlant à assez de femmes dans les comics, vous aurez l’impression d’entendre parler de ce qui se passait à Sterling Cooper, pas des conventions en 2013 [Sterling Cooper Advertising est une agence publicitaire inventée pour la série Mad Men, dirigée par un homme manipulateur et séducteur].

Il y a une partie de moi qui en veut encore à Pepe Le Putois pour ça. [Pepe Le Putois est un personnage de Looney Tunes, dragueur, manipulateur et harceleur d’une chatte qu’il prend pour une moufette. Il s’agit d’ailleurs…d’une caricature de français.]

Si vous demandez à cette créatrice, elle pourrait vous parler de cette atmosphère permanente de micro-agressions et de traitements dégradants de la part des autres créateurs masculins. Elle pourrait vous parler du comportement de repoussement des limites, des multiples pièges « Ca te dirait un diner avec moi ? Non ? Alors peut-être un petit déjeuner, heh heh… »,  des propositions type « Je plaisante juste, ne prends pas ça au sérieux… sauf si ça t’intéresse » constantes. Elle pourrait vous parler des créateurs qui vous attrapent les fesses pendant un câlin « amical » ou du collègue qui insiste sur le fait que s’il doit continuer à travailler avec elle, elle doit être « plus gentille avec lui » pendant qu’il se penche en entrant dans son espace personnel.

Les cosplayeuses pourraient vous parler du photographe de renom qui continue à insister pour une session de photos « privée ». Les créateurs Asio-Américains pourraient vous parler de ce créateur avec un « penchant pour les Orientales » avoué ou ceux qui vont en remettre une couche encore et encore sur la façon dont les femmes Asiatiques sont tellement mieux que les femmes blanches car elles savent comment s’occuper de leurs hommes.

Elle pourrait vous parler de ce créateur qui a insisté et insisté encore pour un plan à trois avec lui et sa femme, ou cette fois où elle a du partager une chambre avec un autre professionnel pour finalement le trouver debout près de son lit au milieu de la nuit avec un préservatif à la main. Vous pourriez entendre parler de cet employé de convention qui essaie de forcer de longs, longs câlins avec des invitées femmes, ou de celui qui voulait faire la démonstration de son « outil de massage » sur elle dans sa chambre. Ce sont des pros qui se sont exhibés, ont tripotés des artistes dans les jacuzzis et les cages d’escaliers ou qui ont voulu toucher et attraper ses seins pendant la convention.

Et ce ne sont pas simplement des fans ou des connaissances et amis socialement inadaptés, ce sont leurs idoles, leurs collègues, leurs éditeurs, patrons et mentors. Des gens de qui vous attendriez un comportement poli et un minimum de professionnalisme et de décence.

Une fois, c’est un incident. Deux fois, c’est une coïncidence.  Trois fois, c’est une composante sous-jacente de la culture. Encore une fois, j’insiste sur le fait que ce n’est pas un incident arrivé une fois, le cas déplorable mais rare. C’est tellement commun que presque toutes les femmes dans l’industrie des comics ont vécu quelque chose de ce type ou connaissent quelqu’un à qui c’est arrivé.

Comme Fowler elle-même le dit :

Le comportement de l’homme en question est considéré comme normal dans ce domaine d’activité. Et le peu de personnes qui sont au courant considèrent que c’est de ma faute car je suis « tombée dans le panneau » quand il a feint de s’intéresser à mon travail. Dans ma quête de professionnalisme j’ai été confrontée à ce genre de choses.

Bien sûr, vous pouvez en entendre parler par une seule personne… mais il est rare qu’un tel comportement devienne plus qu’un secret mal gardé. Tout le monde devrait le savoir, mais personne ne veut en parler. Et cela fait partie du problème.

La culture du silence

Ce comportement est permis par une culture du silence omniprésente, particulièrement lorsqu’il s’agit du mauvais comportement de pros. Les femmes sont éduquées pour être gentilles, respectueuses, pour éviter d’attirer l’attention sur elles et ne pas faire de vagues… et c’est encore plus prononcé dans les comics. L’industrie des comics est un monde incroyablement petit, où obtenir un travail tiens autant à votre capacité à vous créer un réseau, à vous faire des contacts et à construire des relations qu’au talent lui-même. Une personne avec qui il est facile de travailler et qui  honore ses délais a encore plus de valeur que l’écrivain lunatique mais brillant ou l’illustrateur populaire qui ne pourrait pas rendre ses pages à temps même si sa vie en dépendait. Pour beaucoup de femmes, il est moins gênant de ne pas s’exprimer que de craindre d’être mise sur liste noire, ou étiquetée comme « difficile ». Cela devient même plus qu’une perspective intimidante quand la personne qui vous harcèle (ou pire) est bien établie dans la hiérarchie – un pro reconnu, un éditeur, quelqu’un qui a plus de poids dans l’industrie que son accusatrice.

« Je n’ai jamais parlé publiquement de mes expériences merdiques dans les comics parce que je ne suis personne et les gens diraient que je cherche juste à attirer l’attention sur moi ou ce genre de choses », comme un.e de mes ami.e.s me l’a dit.

C’est ironique pour une industrie bâtie sur l’anonymat.

Quand beaucoup de femmes se mettent à s’exprimer, elles sont souvent immédiatement sous le feu des projecteurs, particulièrement si elles donnent des noms. Celleen Doran et Lea Hernandez l’ont toutes deux constaté directement lorsqu’elles ont parlé publiquement du harcèlement auquel elles avaient fait face durant leurs carrières et ont presque immédiatement rencontré un incroyable raz-de-marée d’outrage. Elles ont été accusées de mentir, d’être des salopes en mal d’attention, d’être hypersensibles ou tout simplement folles.

L’ironie de traiter Colleen – qui, entre autres choses, a du supporter un harceleur pendant plus de 20 ans – d’hypersensible à propos du comportement de merde des hommes est particulièrement dure.

Le résultat, c’est que les femmes doivent généralement faire confiance à un réseau de chuchoteurs de couloirs pour savoir qui est cool et qui éviter, qui est sans danger, qui est vraiment un bon gars et avec quelles personnes vous ne devez jamais vous retrouver seule. C’est devenu un problème de « marche manquante » – tout le monde à tellement l’habitude de sauter la marche qui manque qu’on l’oublie, jusqu’à ce quelqu’un qui n’est pas prévenu trébuche dessus.

Et les dommages causés – à chaque femme individuellement et aux comics dans leur ensemble – sont immenses. Ce comportement abat même les plus fortes et les plus brillantes, détruisant leur confiance et leur estime d’elles-mêmes. Cela chasse certains des meilleurs et des plus brillants talents de l’industrie – et pourquoi voudraient-elles faire partie d’un système qui leur dit continuellement qu’elles ne sont là que pour décorer, pour être un objet sexuel  jetable ? De la même façon que l’étiquette « fake geek girl », c’est devenu une façon de plus de minimiser et marginaliser les femmes, les empêchant de participer pleinement à un fandom qu’elles aiment – autant en tant que fans qu’en tant que créatrices.

Debout

Et nous en arrivons ainsi à la partie de ce post traitant du privilège masculin. Les comics- et les fandom en général – font partie d’une culture incroyablement masculinocentrée. La majeure partie des agitateurs, des moteurs, des négociateurs et des détenteurs de pouvoir sont des hommes… et nous ne faisons simplement pas face à ces problèmes étant donné notre genre.

Les femmes sont obligées de se battre et d’endurer cela ; les hommes avancent gaiement sans s’apercevoir du tout de ce qui se passe.

Et nous sommes aussi dans une position où nous pouvons aider à arrêter tout ça.

Un des problèmes actuels avec le harcèlement dans les comics – et dans les conventions en général – c’est que la responsabilité d’éviter les mauvaises personnes est imputée aux femmes ; du genre « ne te laisse par harceler » au lieu de ne pas autoriser le harcèlement dès le départ. Dans son post « Comic guys, Harrassment and Missing Stairs », Rachel Edidin, anciennement éditrice chez Dark Horse Comics indique clairement que chaque fois que le sujet ressort, chaque fois que le réseau des chuchoteurs partage des noms à éviter et des astuces pour rester en sécurité, il n’y a presque jamais de conversations en parallèle entre hommes, à propos de ne pas traiter les femmes comme de la merde. L’air du « les mecs seront toujours des mecs » ou « à quoi tu t’attendais ? » continue, et c’est affolant.

Ça ne suffit pas pour les hommes, de juste  «ne  pas être ce gars ». Nous ne pouvons pas juste nous taper dans le dos mutuellement pour nous féliciter de ne pas être des connards comme si c’était une façon de se dire que nous allons au-delà du strict minimum pour être un homme. Le comportement masculin est le problème et nous devons faire partie de la solution.

C’est une vérité déplaisante à propos de la société telle qu’elle est aujourd’hui : les hommes sont privilégiés car ils ont une voix qui porte plus que celle des femmes.  Il est plus facile d’écarte les problèmes des femmes, de –comme le dit Edidin – silencier les femmes en les étiquetant comme mécontentes ou aigries. Quand nous exprimons notre soutien, nous aidons leurs voix et leurs messages à aller plus loin, à entrer plus en profondeur.

Nous devons accepter de risquer de potentielles répercussions pour dénoncer le harcèlement lorsque nous en voyons, particulièrement si nous sommes en position de l’influencer directement. Nous devons accepter d’affronter les autres, d’amplifier le signal quand c’est nécessaire et de nous exprimer quand nous sommes témoins de harcèlement. Nous devons être les alliés des femmes, leur proposer du soutien quand elles en ont besoin et un appui lorsqu’elles le demandent.

Les comics sont supposés être un espace ou chacun se sent en sécurité, où la diversité est bienvenue et où le harcèlement et les agressions ne sont pas permis, où les charognards n’ont pas le droit de traquer les autres.

Et c’est à nous de nous élever et d’aider à ce qu’il en soit ainsi.

Source et crédit : http://www.doctornerdlove.com/2013/11/nerds-male-privilege-tess-fowler-comic-harassment/

Traduction par Shetty
Édité par Mar_Lard

Storify rassemblant l’essentiel des tweets de Tess Fowler sur le sujet :