Assassin’s Creed : l’attaque des clones

Révélé durant l’E3 de cette année, le trailer d’Assassin’s Creed : Unity vaut son pesant de cacahuètes, avec des drapeaux français de partout, une ville de Paris superbement reconstituée et des nobles décapités par une foule en furie. Le jeu va – si vous ne l’aviez pas déjà compris – se dérouler durant la Révolution française et proposer des phases de gameplay aussi bien en environnement extérieur qu’intérieur. Un mode coopération est proposé en parallèle de la campagne solo (dont le héros s’appelle Arno. Je. Bon. C’est pas le sujet). Forcément, c’est l’E3 donc on nous en met plein la gueule, à voir ce que ça va donner au final. Mais les premières images donnaient de quoi être enthousiastes.

Ledit enthousiasme s’est quelque peu refroidi lorsqu’il a été révélé que ni dans la campagne solo, ni dans la campagne coop, il ne serait possible de jouer une femme assassin. Seul le visage, l’équipement et la couleur des vêtements du personnage pourront varier. La jaquette du jeu en serait drôle si le résultat n’était pas si déprimant :

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Coucou les clones !

J’ai l’impression de vous avoir déjà vus.

Venant du studio qui sortait Child of Light peu de temps auparavant, il y avait de quoi être déçu par cette douche froide. Ubisoft a précisé que ce choix était dû au fait qu’animer des personnages féminins doublerait temps et coût de travail (animations, voix, etc.) et que cette option a donc été abandonnée. La viabilité de cette excuse a été vivement critiquée. De la part d’un studio de l’ampleur d’Ubisoft, il est difficile d’imaginer qu’ils n’avaient pas les moyens d’animer des femmes pour leur jeu : implanter des personnages féminins n’était pas leur priorité, tout simplement, et ils se sont concentrés sur autre chose. Ce serait pas mal de juste assumer ça, au moins. Surtout que question technique, de l’avis du directeur animations d’Assassin’s Creed III, créer un personnage féminin réaliste ne demandait pas tant de travail :

« À mon avis informé, j’estime que ça prendrait un ou deux jours de travail. Pas un remplacement de 8000 animations. »

OU BIEN, ils pensaient à un énorme travail à faire pour obtenir des animations radicalement différentes entre un perso féminin et masculin. Ce qui indiquerait justement que nous bougeons de façon complètement différente en tant que femmes ou en tant qu’hommes. Le souvenir douloureux de la démarche et des poses sexualisées de FemHawke dans Dragon Age 2 me vient en mémoire…

Ubisoft, ça ne tient pas la route. On parle d’assassins pendant la Révolution française. Leurs démarches et leurs postures ne vont pas être radicalement différentes selon leur sexe ou leur genre.

Aveline en a été la preuve et partage plus d’animations avec Connor Kenway que son aïeul masculin Edward Kenway :

Des sources plus récentes indiquent cependant qu’en réalité, nous jouerions littéralement des clones : les personnages de coop seraient tout simplement Arno. Répété quatre fois. Donc, que ça justifierait l’uniformité présentée sous nos yeux.

Donc si j’ai bien compris, ils auraient foutu quatre fois le même personnage sur la jaquette. C’est… intéressant, comme choix artistique.

Après, peu importe. En supposant même que l’une ou l’autre explication tienne la route, le résultat reste tout aussi blasant : le fait que par défaut, on commence par implémenter le modèle du mec blanc trentenaire, et que tout le reste soit en option. Parce que oui, soigner les décors, Paris, les palais, tout ça, ok, très bien, c’est super. Le niveau des détails et du réalisme des reconstitutions semble, pour l’heure, proprement bluffant. Mais représenter la majorité de la population humaine serait secondaire d’un point de vue réalisme artistique ?

En soi ce n’est pas un problème de jouer un mec blanc dans un jeu, mais pourquoi est-ce systématiquement le choix par défaut ? Pourquoi un tel biais en faveur de cette démographie ? Ceci est bien sûr une question rhétorique. Quand on voit la sur-représentation de ce type de personnages dans les jeux vidéo – et même les médias en général – il serait de mauvaise foi de prétendre que les médias reflètent une vision réaliste de nos sociétés en termes de représentation, que ce soit des genres, des races, etc.

Par défaut, le personnage masculin est « neutre », c’est la base, le personnage féminin est une anomalie – pas forcément dans le sens péjoratif du terme, mais une anomalie – à rajouter par la suite. C’est pas moi qui l’ai dit, c’est Simone de Beauvoir. Et ce constat s’applique aussi bien aux femmes qu’aux personnes non-blanches ou encore aux personnes LBGTQIA+. L’échec d’Ubisoft à ce niveau pour Assassin’s Creed : Unity n’est malheureusement qu’un des très nombreux reflets de cette réalité culturelle. L’industrie vidéoludique a encore de trop gros progrès à faire pour ne plus s’acharner à ne représenter qu’une portion des personnages pouvant être représentés, et à favoriser une niche de leur marché.

La grogne est montée. Ubisoft subit depuis l’annonce les critiques de joueurs-ses mécontent-e-s et même de certains développeurs-ses. Sur Twitter, un hashtag sur la question a pris une grande ampleur : #womenaretoohardtoanimate, une référence directe à l’excuse invoquée par le studio pour justifier leur choix. Une pétition a même été lancée sur le sujet.

Certains ont défendu Ubisoft en ajoutant qu’il n’était pas réaliste qu’une femme soit assassin durant la Révolution française. On leur rappellera tout d’abord l’existence de Charlotte Corday (l’article de The Mary-Sue sur AC Unity en parle par exemple). Par ailleurs, Dork Tower a bien su rappeler que le réalisme d’Assassin’s Creed était tout relatif. Bizarre, dans ce cas, que l’idée de jouer une femme assassin paraisse si radicale…
Pour couronner le tout, rebelote pour Far Cry 4 : les options de choix de genre ont été initialement prévues en coop, puis abandonnées. Parce que trop compliqué de faire des animations dédiées pour les femmes.

Il est regrettable de constater à quel point l’industrie doit encore être bousculée pour véritablement évoluer en termes de représentation, en faveur d’une vision plus réaliste de la société – et même, tout bêtement, qui respecte un peu plus le marché /réel/ du jeu vidéo. Surtout quand on se vante de faire un jeu proche de la réalité.

Sérieusement, les mecs. Il est temps de vous réveiller pour de vrai. Vous avez commencé à en parler, on a vu des développeurs dénoncer directement le problème. Alors agissez en conséquence. Et par pitié, cessez de nous sortir des excuses bidon lorsque vous vous plantez une fois de plus. Heureusement qu’on a eu Nintendo cette année.

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Pour en savoir plus :

http://www.rockpapershotgun.com/2014/06/12/assassins-creed-unity-characters/

http://www.pcgamer.com/2014/06/11/ac-op-ed/

http://www.vg247.com/2014/06/11/ubisoft-attempts-to-explain-why-assassins-creed-unitys-co-op-has-no-playable-women/

http://www.ibtimes.co.uk/e3-assassins-creed-unity-causes-controversy-no-playable-female-characters-1452206

Édité par Keela et Mar_Lard

La beauté avant le talent

Dans le milieu des graphistes de jeux vidéo ou d’animation, le meilleur moyen de se faire connaître est de se créer un bon réseau en parlant avec les autres artistes ou tout simplement en laissant son travail parler pour soi.
Mais quand un artiste se met à vanter le travail d’une artiste après avoir vu un excellent court-métrage que la jeune femme a réalisé, bizarrement ce n’est pas de son talent qu’il parle en premier.

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« Aujourd’hui j’ai découvert cette jeune femme ! Elle est déjà assez connue mais pour ceux qui sont en retard comme moi, c’est l’heure d’apprécier ^^ Elle est jolie et aussi une super concept artist ! je suis jaloux… =^O^=. »

C’est vrai que c’est absolument capital de nous préciser qu’elle est jolie. Ah mais elle est talentueuse aussi hein !
A quoi ressemble Ami Thompson ? J’en sais fichtrement rien, j’en ai pas grand chose à faire de sa tête mais tout ce que je constate c’est que c’est effectivement une artiste hyper talentueuse qui dessine des personnages féminins comme ça :

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Bref, j’espère qu’Ami Thompson ira loin parce qu’elle est vraiment douée et ça serait bien que les autres artistes fassent attention à son talent plus qu’à sa tête même si heureusement ils sont pas tous comme ça.

Si son blog vous intéresse c’est par là: http://amithompson.blogspot.fr/

Édité par Mar_Lard

Bienvenue dans le monde du jeu vidéo !

Il y a quelques années, alors que je débutais tout juste dans le milieu du journalisme vidéoludique, je travaillais sur mon petit projet de mémoire sur l’enjeu social du médium, forte de mon envie de faire bouger les choses et les mentalités, optimiste et fraîche. Débuta la recherche d’intervenants, d’experts pour affiner mon sujet, discuter du projet, trouver des pistes.

Je suis du genre « lonesome gameuse », je ne joue que pour moi, fuis les modes online, pas une star du milieu ou une personnalité connue en somme. A ce moment-là, je commençais à constituer mon réseau, à parler aux gens en convention, en salon, à montrer que j’existe et que j’ai du talent à revendre.

Je souhaitais interviewer un journaliste plutôt connu pour ce mémoire. Appelons-le M., qui est du genre inaccessible quand on est personne. Je suis passée par les « petites portes » tant bien que mal jusqu’à entrer en contact avec un individu, appelons-le S., plutôt correct de prime abord, travaillant avec lui, me promettant de l’aider. J’y vois une opportunité folle, j’accepte tête baissée, sans me méfier une seule seconde. Et jusque là, tout allait bien.

S. était parfois un peu rentre-dedans, m’avait proposé un plan à trois avec une autre fille « pour rire » (à ce moment-là en tout cas, je l’ai pris sur le ton de la blague… si j’avais su !), mais je n’avais que mon mémoire en tête et s’il fallait supporter ce genre de discours auquel j’ai toujours répondu par la négative, j’étais prête à le faire.

Grâce à ce type, j’ai eu M. au téléphone, prévu une rencontre avec lui lors d’un salon afin que l’on se rencontre, qu’on fasse cette interview et il était très motivé par l’idée. Heureuse, je me pensais tirée d’affaire.

Jusqu’à ce que le discours lourd et « dragueur » de S. reprenne. Si déjà à l’époque, j’avais l’habitude de supporter ce genre de comportement, j’ai commencé à trouver ça un peu louche qu’il me parle de venir à l’hôtel, que si je me « comportais bien », j’irais au restaurant avec eux. Je n’avais rien demandé de tout ça, je n’ai jamais laissé espérer quoi que ce soit, je suis toujours restée professionnelle.

On m’avait promis une accréditation (« Non, ne la demande pas, je m’en charge ça sera plus simple ») que je n’ai pas eu (« Je ne t’ai rien promis, on ne fait pas rentrer n’importe qui comme ça »). Je me suis retrouvée obligée de patienter de très longues minutes pour pouvoir entrer, sentant légèrement le traquenard face à la réaction de S. pour la fausse promesse d’accréditation. Première grosse interview de ma balbutiante carrière, j’étais d’autant plus stressée même si prête à en découdre avec mes questions. Je portais une robe noire très simple, légèrement décolletée (détail anodin mais important pour la suite).

S. me réceptionne enfin, et fait tout pour me tenir près de lui, près du stand. J’ai fait la potiche (« Souris un peu, ça fera venir les gens ») toute la matinée à ses côtés. A attendre une entrevue qui n’arrivait pas. Il me propose d’aller boire un café, de bosser sur mes questions. Je suis de l’école des « On ne lit pas mes questions, on ne relit pas mes interviews » mais décontenancée, j’accepte. Il s’assoit trop près de moi. Regarde un peu trop mon décolleté. Gêne.

« Dis donc, t’as quand même une sacrée poitrine ! »

Re-gêne. Je n’ose rien dire. Je balbutie un « Merci », je commence à avoir un peu peur.

Arrive midi, M. m’aperçoit enfin, vient me dire bonjour. Je me dis que je suis presque sauvée, que tout ça sera bientôt terminé. Nous nous installons pour l’interview, S. se met un peu en retrait, observe mes moindres faits et gestes. L’entretien commence et se passe bien. Heureusement. M. me demande si je veux déjeuner avec eux. S. intervient en criant presque « Non celle-là, elle ne mange pas avec nous, elle a rien à foutre là, elle se casse. » Silence gêné dans l’assemblée. Il me fait sortir en me prenant par le bras et une fois dehors me glisse à l’oreille :

« Maintenant que tu as eu ce que tu voulais, on y va ? »

« On va où ? »

« Dans un coin, tu sais… Mais si ça te gêne, on peut aller à l’hôtel, même si je pensais que tu étais un peu plus cochonne que ça. »

Et là, je réalise ce qu’il me veut. Qu’implicitement, j’avais donc marchandé une interview contre du sexe. Sauf qu’à aucun moment, il n’avait été question de ça. A aucun moment dans nos échanges le « deal » a été annoncé. Je refuse poliment.

« Non mais tu as cru que c’était gratuit ? Par gentillesse ? »

Je me sens prise au piège. Il y a du monde autour de nous, je pourrais hurler… mais M. n’est pas loin, je ne veux pas faire d’esclandre, je ne veux pas me faire remarquer, risquer de passer pour une folle (sa parole contre la mienne) mais j’ai surtout peur. Je négocie difficilement de partir faire un tour du salon arguant que j’ai payé une entrée je dois la rentabiliser, de le rejoindre plus tard. Il garde ma veste. Volontairement. Pour être sur et certain que je revienne.

Je suis partie me réfugier à l’autre bout du salon, tétanisée, ne sachant pas quoi faire. Me demandant si je devais le faire ou non, si c’était comme ça que fonctionnait ce milieu, si ça en valait la peine, ce qu’il se passerait si je disais oui, ce qu’il se passerait si je disais non… J’ai évidemment privilégié mon intégrité et ma dignité. J’ai même eu honte d’avoir pu penser UNE SEULE SECONDE devoir le faire.

Je suis une fille un peu réservée, je n’ose pas blesser les gens, je ne sais pas dire concrètement « Non » ou « Merde » donc je monte un mensonge impliquant la famille, un accident grave etc, solution lâche mais efficace. Pas eu besoin de penser à beaucoup de choses tristes pour retourner auprès de S. en pleurant, tellement je suis à fleur de nerfs. J’explique que je dois partir, il me dit que non, que j’ai le temps, que je dois rester, que je n’ai pas passé assez de temps avec lui. Je récupère ma veste, il me force à lui faire un câlin, bien trop long à mon goût. Je déteste le contact forcé. J’ai envie de vomir. Je fuis en courant le salon, me pensant hors d’atteinte, tranquille.

Faux. C’est là que le harcèlement a commencé. Il m’a envoyé des sms pour savoir quand je revenais, pour me dire que j’avais toujours une dette, que c’était honteux cette façon de réagir, de ne pas tenir mes engagements. Il m’a aussi dit que « le milieu fonctionnait comme ça », qu’en tant que fille je n’avais pas 36 solutions pour réussir, qu’il avait l’habitude de faire ça avec d’autres filles qui souhaitaient quelques avantages. Qu’elles n’avaient jamais dit non, qu’il ne comprenait pas ma réaction, que je n’étais pas normale.

Douche froide. Il a fini par se lasser. Puis il a été remercié, est sorti de tout ça. Après cette première expérience, je me suis longtemps demandée si je voulais vraiment travailler dans un milieu qui traite les femmes de la sorte, comme des « vide-couilles » en somme, où la seule légitimité que l’on a, c’est par le corps.

Avec les années, ce qui me choque le plus, c’est qu’à ce moment-là, j’étais tellement « conditionnée » à avoir une image très précise et sexualisée de la femme dans le monde du jeu vidéo que j’ai vraiment réfléchi à si je devais laisser cet homme abuser de ma naïveté et de ma dignité. Je me suis vraiment demandée si en tant que journaliste spécialisée, j’allais devoir vivre avec ce genre de comportement quotidiennement. Avec ce genre d’acte, avec ce genre de réputation largement ouverte au slut-shaming, aux rumeurs, à la saloperie, au harcèlement.

Depuis, je me suis penchée sur la question du féminisme, de la représentation de la femme dans ce médium que j’adore. Je ne m’interroge plus sur le « dois-je le faire / ne pas le faire » si ma dignité est en jeu, car je me respecte. Je sais que j’ai des armes légitimes pour faire mon travail sans avoir à me justifier sur ma façon d’être, de m’habiller, de me comporter. Même si je me sens encore trop naïve, trop gentille. J’ai « digéré » cet épisode difficilement, mais ça n’a pas réussi à entacher ma motivation à travailler dans le jeu vidéo. Avec beaucoup plus de méfiance et de paranoïa c’est sur, mais avec la même passion comme un gros doigt levé vers ce genre de personnes.

Harcèlement sexuel dans le milieu des comics

L’affaire a été lancée par la dessinatrice Tess Fowler en octobre 2013 quand elle a révélé avoir été harcelée sexuellement par l’auteur & illustrateur majeur de comics Brian Wood (Demo, Northlanders, The DMZ, The Massive, Conan, X-Men…) et jusqu’ici souvent présenté comme « féministe ») il y a une dizaine d’années.

Le Docteur Nerdlove a repris et analysé cette affaire et les réactions qui ont suivi sur son blog. Avec sa permission, nous avons traduit l’article en question.

 

Privilège des nerds masculins : Tess Fowler et le harcèlement dans les comics

15 Novembre 2013 par Dr.NerdLove

Cela fait un moment que je n’ai pas fait un article sur le « Privilège des nerds masculins ». Mais finalement, il se passe toujours quelque chose dans les fandom et l’univers me donne une nouvelle opportunité d’illustrer ce qu’est le privilège masculin et comment la culture nerd est souvent impliquée dedans jusqu’au cou.

Parlons sérieusement : Je suis bien conscient qu’à chaque fois que je poste quelque chose qui touche aux problèmes féministes, j’ai un pic de connexions, et il est facile de dire que j’écrit à propos de ces sujets uniquement pour augmenter le nombre de vues et pour l’influence que cela m’apporte. Et considérant les personnes concernées, l’idée d’utiliser le féminisme comme une manière d’avancer dans une carrière est d’une certaine façon poétique. Mais le problème est là : Je suis un geek. J’aime la culture geek… tout spécialement les comics. J’aime les comics en tant qu’art et medium. Certaines de mes histoires favorites, celles qui m’ont touché émotionnellement plus que 99% de la littérature occidentale classique, venaient des comics. J’ai même occasionnellement fait quelques boulots comme créateur et éditeur. J’ai été dans les tranchées et j’ai de profondes, profondes racines dans le fandom des comics et dans cette industrie.

C’est pourquoi l’industrie des comics me fait chier à un point rarement atteint par d’autres sujets.

…et pourquoi je ne devrais pas lire « Bleeding Cool » [site d’informations sur les comics] en me levant le matin.

Parce que, aussi fort que j’aime la culture geek dans son ensemble et les comics en particulier, il y a des moments où je me souviens que malgré tous les progrès que nous avons fait, elle est encore profondément régressive et arriérée dans la façon dont elle traite les gens qui y prennent part.

Mais peut-être que je vais trop vite.

Laissez-moi revenir un peu en arrière.

Tess Fowler et la promotion canapé des comics

Le mois dernier, Tess Fowler – une auteure de comics accomplie et incroyablement douée – a posté une série de tweets à propos d’une expérience profondément déplaisante avec un gros bonnet des comics  qu’elle a rencontré à la San Diego Comic Con – la plus grosse convention comics et pop-culture des Etats-Unis. Le professionnel en question – qui a une grosse influence, travaillant pour un des plus gros titres publiés en ce moment – a dit être intéressé par son travail et l’a invitée dans sa chambre sous prétexte d’ « apprendre à mieux la connaitre » et peut-être de l’aider dans sa carrière.

Tess comprit exactement ce qu’il voulait dire par là – c’était un scénario de promotion canapé ; elle jouait le jeu (pour ainsi dire) et peut-être que cela la mènerait quelque part, clin d’œil, hum hum, inutile d’en dire plus. Ce n’était pas franchement subtil : si on se réfère à ses tweets, il a coupé ses amis au milieu d’une conversation afin de lui donner son numéro de chambre et de lui faire savoir qu’il l’attendrait.

Lorsqu’elle n’a pas répondu à son invitation, il a piqué une crise à la convention, lui criant après depuis sa chambre et demandant à savoir pourquoi elle ne s’était pas montrée. Bien sûr, comme si crier sur quelqu’un qui refuse de vous sucer n’était pas suffisant, il la confronta plus tard sur Facebook et lui fit savoir que a) il n’avait jamais eu l’intention de l’aider dans sa carrière, b) qu’il pensait que son art était de la merde et c) qu’elle devrait se considérer chanceuse qu’il lui ait seulement parlé.

Après des semaines pendant lesquelles les gens ont fait des rapprochements et partagé des ragots, Tess décida qu’il était temps d’appeler un chat un chat et de donner des noms.

« Je vais le dire. Que ceux à qui ça ne plaît pas aillent se faire foutre. Brian Wood est un CONNARD. Et il a menacé les femmes trop longtemps. »

Heidi McDonald de The Beat contacta Wood quand la nouvelle tomba ; il déclina l’interview à ce moment-là et, d’après ce que je sais, il n’a toujours rien dit à ce sujet.

(Note du Doctor le 15/11/2013 : Brian a depuis publié une déclaration à ce sujet sur son site. [La page n’existe plus])

Pour nombre de fans, ce fut un choc : Brian Wood est connu, entre autres, pour ses références féministes dans l’industrie des comics. Il est l’auteur du premier titre entièrement féminin de X-Men dans l’histoire des comics Marvel et a favorisé la carrière de nombreuses femmes durant son contrat en tant qu’écrivain de Conan le Barbare, Northlanders, et d’autres titres. Et pourtant, d’autres personnes on partagé des récits de traitement similaires de sa part.

Malheureusement, l’experience de Tess Fowler est loin d’être unique. En fait, ce comportement – allant des comportements sordides-mais-légaux à l’agression sexuelle – fait partie de l’industrie des comics depuis un certain temps.

Poitrines, mains aux fesses et plafond de verre

J’ai la chance d’être ami avec de nombreuses personnes douées d’un talent fou dans tous les domaines de l’industrie des comics, depuis les jeunes talents, en passant par les étoiles montantes et les noms connus, auteurs, artistes et éditeurs… et toutes les femmes impliquées dans l’industrie du comic que je connais ont une histoire comme celle de Tess.

Chacune . D’entre. Elles.

Certaines personnes ont parlé de leur traitement dans les comics. Un nom qui revient encore et encore est celui de Julius Schwartz. Schwartz  faisait partie de la haute société des comics, un contemporain de légendes telles que Carmine Infanto et Joe Kubert – une figure adorée chez DC Comics et une pièce majeure de l’âge d’or des comics. Tout le monde aimait « Oncle Julius », qui racontait les meilleures histoires et avait un rire contagieux. Et pourtant beaucoup, beaucoup de femmes – dont certaines de mes amies – ont des histoires sur l’ « Oncle Julius ». Des histoires de mains baladeuses, ou de baisers qu’on a tenté de forcer… ou pire. « Oncle Julius » a aussi agressé une jeune artiste de comics dans une limousine et a harcelé sexuellement plusieurs autres femmes travaillant dans les comics à cette époque.

Mais, hé, qui allez-vous croire ? Le créateur adoré de Flash, Hawkman et Green Lantern, ou quelques nanas ?

Même en admettant que c’est un comportement dégueulasse de la part d’un vieil homme, vous pourriez pardonner tout ça en pensant que c’est du passé – un point dégoutant mais final dans l’histoire des comics… si jamais c’était passé, vous savez.  Terminé.

Les hommes en position de pouvoir et d’autorité – créateurs, rédacteurs et éditeurs, organisateurs de convention – faisant des avances et des remarques inappropriées ou essayant de manipuler de jeunes et impressionnables créatrices via le sexe… En parlant à assez de femmes dans les comics, vous aurez l’impression d’entendre parler de ce qui se passait à Sterling Cooper, pas des conventions en 2013 [Sterling Cooper Advertising est une agence publicitaire inventée pour la série Mad Men, dirigée par un homme manipulateur et séducteur].

Il y a une partie de moi qui en veut encore à Pepe Le Putois pour ça. [Pepe Le Putois est un personnage de Looney Tunes, dragueur, manipulateur et harceleur d’une chatte qu’il prend pour une moufette. Il s’agit d’ailleurs…d’une caricature de français.]

Si vous demandez à cette créatrice, elle pourrait vous parler de cette atmosphère permanente de micro-agressions et de traitements dégradants de la part des autres créateurs masculins. Elle pourrait vous parler du comportement de repoussement des limites, des multiples pièges « Ca te dirait un diner avec moi ? Non ? Alors peut-être un petit déjeuner, heh heh… »,  des propositions type « Je plaisante juste, ne prends pas ça au sérieux… sauf si ça t’intéresse » constantes. Elle pourrait vous parler des créateurs qui vous attrapent les fesses pendant un câlin « amical » ou du collègue qui insiste sur le fait que s’il doit continuer à travailler avec elle, elle doit être « plus gentille avec lui » pendant qu’il se penche en entrant dans son espace personnel.

Les cosplayeuses pourraient vous parler du photographe de renom qui continue à insister pour une session de photos « privée ». Les créateurs Asio-Américains pourraient vous parler de ce créateur avec un « penchant pour les Orientales » avoué ou ceux qui vont en remettre une couche encore et encore sur la façon dont les femmes Asiatiques sont tellement mieux que les femmes blanches car elles savent comment s’occuper de leurs hommes.

Elle pourrait vous parler de ce créateur qui a insisté et insisté encore pour un plan à trois avec lui et sa femme, ou cette fois où elle a du partager une chambre avec un autre professionnel pour finalement le trouver debout près de son lit au milieu de la nuit avec un préservatif à la main. Vous pourriez entendre parler de cet employé de convention qui essaie de forcer de longs, longs câlins avec des invitées femmes, ou de celui qui voulait faire la démonstration de son « outil de massage » sur elle dans sa chambre. Ce sont des pros qui se sont exhibés, ont tripotés des artistes dans les jacuzzis et les cages d’escaliers ou qui ont voulu toucher et attraper ses seins pendant la convention.

Et ce ne sont pas simplement des fans ou des connaissances et amis socialement inadaptés, ce sont leurs idoles, leurs collègues, leurs éditeurs, patrons et mentors. Des gens de qui vous attendriez un comportement poli et un minimum de professionnalisme et de décence.

Une fois, c’est un incident. Deux fois, c’est une coïncidence.  Trois fois, c’est une composante sous-jacente de la culture. Encore une fois, j’insiste sur le fait que ce n’est pas un incident arrivé une fois, le cas déplorable mais rare. C’est tellement commun que presque toutes les femmes dans l’industrie des comics ont vécu quelque chose de ce type ou connaissent quelqu’un à qui c’est arrivé.

Comme Fowler elle-même le dit :

Le comportement de l’homme en question est considéré comme normal dans ce domaine d’activité. Et le peu de personnes qui sont au courant considèrent que c’est de ma faute car je suis « tombée dans le panneau » quand il a feint de s’intéresser à mon travail. Dans ma quête de professionnalisme j’ai été confrontée à ce genre de choses.

Bien sûr, vous pouvez en entendre parler par une seule personne… mais il est rare qu’un tel comportement devienne plus qu’un secret mal gardé. Tout le monde devrait le savoir, mais personne ne veut en parler. Et cela fait partie du problème.

La culture du silence

Ce comportement est permis par une culture du silence omniprésente, particulièrement lorsqu’il s’agit du mauvais comportement de pros. Les femmes sont éduquées pour être gentilles, respectueuses, pour éviter d’attirer l’attention sur elles et ne pas faire de vagues… et c’est encore plus prononcé dans les comics. L’industrie des comics est un monde incroyablement petit, où obtenir un travail tiens autant à votre capacité à vous créer un réseau, à vous faire des contacts et à construire des relations qu’au talent lui-même. Une personne avec qui il est facile de travailler et qui  honore ses délais a encore plus de valeur que l’écrivain lunatique mais brillant ou l’illustrateur populaire qui ne pourrait pas rendre ses pages à temps même si sa vie en dépendait. Pour beaucoup de femmes, il est moins gênant de ne pas s’exprimer que de craindre d’être mise sur liste noire, ou étiquetée comme « difficile ». Cela devient même plus qu’une perspective intimidante quand la personne qui vous harcèle (ou pire) est bien établie dans la hiérarchie – un pro reconnu, un éditeur, quelqu’un qui a plus de poids dans l’industrie que son accusatrice.

« Je n’ai jamais parlé publiquement de mes expériences merdiques dans les comics parce que je ne suis personne et les gens diraient que je cherche juste à attirer l’attention sur moi ou ce genre de choses », comme un.e de mes ami.e.s me l’a dit.

C’est ironique pour une industrie bâtie sur l’anonymat.

Quand beaucoup de femmes se mettent à s’exprimer, elles sont souvent immédiatement sous le feu des projecteurs, particulièrement si elles donnent des noms. Celleen Doran et Lea Hernandez l’ont toutes deux constaté directement lorsqu’elles ont parlé publiquement du harcèlement auquel elles avaient fait face durant leurs carrières et ont presque immédiatement rencontré un incroyable raz-de-marée d’outrage. Elles ont été accusées de mentir, d’être des salopes en mal d’attention, d’être hypersensibles ou tout simplement folles.

L’ironie de traiter Colleen – qui, entre autres choses, a du supporter un harceleur pendant plus de 20 ans – d’hypersensible à propos du comportement de merde des hommes est particulièrement dure.

Le résultat, c’est que les femmes doivent généralement faire confiance à un réseau de chuchoteurs de couloirs pour savoir qui est cool et qui éviter, qui est sans danger, qui est vraiment un bon gars et avec quelles personnes vous ne devez jamais vous retrouver seule. C’est devenu un problème de « marche manquante » – tout le monde à tellement l’habitude de sauter la marche qui manque qu’on l’oublie, jusqu’à ce quelqu’un qui n’est pas prévenu trébuche dessus.

Et les dommages causés – à chaque femme individuellement et aux comics dans leur ensemble – sont immenses. Ce comportement abat même les plus fortes et les plus brillantes, détruisant leur confiance et leur estime d’elles-mêmes. Cela chasse certains des meilleurs et des plus brillants talents de l’industrie – et pourquoi voudraient-elles faire partie d’un système qui leur dit continuellement qu’elles ne sont là que pour décorer, pour être un objet sexuel  jetable ? De la même façon que l’étiquette « fake geek girl », c’est devenu une façon de plus de minimiser et marginaliser les femmes, les empêchant de participer pleinement à un fandom qu’elles aiment – autant en tant que fans qu’en tant que créatrices.

Debout

Et nous en arrivons ainsi à la partie de ce post traitant du privilège masculin. Les comics- et les fandom en général – font partie d’une culture incroyablement masculinocentrée. La majeure partie des agitateurs, des moteurs, des négociateurs et des détenteurs de pouvoir sont des hommes… et nous ne faisons simplement pas face à ces problèmes étant donné notre genre.

Les femmes sont obligées de se battre et d’endurer cela ; les hommes avancent gaiement sans s’apercevoir du tout de ce qui se passe.

Et nous sommes aussi dans une position où nous pouvons aider à arrêter tout ça.

Un des problèmes actuels avec le harcèlement dans les comics – et dans les conventions en général – c’est que la responsabilité d’éviter les mauvaises personnes est imputée aux femmes ; du genre « ne te laisse par harceler » au lieu de ne pas autoriser le harcèlement dès le départ. Dans son post « Comic guys, Harrassment and Missing Stairs », Rachel Edidin, anciennement éditrice chez Dark Horse Comics indique clairement que chaque fois que le sujet ressort, chaque fois que le réseau des chuchoteurs partage des noms à éviter et des astuces pour rester en sécurité, il n’y a presque jamais de conversations en parallèle entre hommes, à propos de ne pas traiter les femmes comme de la merde. L’air du « les mecs seront toujours des mecs » ou « à quoi tu t’attendais ? » continue, et c’est affolant.

Ça ne suffit pas pour les hommes, de juste  «ne  pas être ce gars ». Nous ne pouvons pas juste nous taper dans le dos mutuellement pour nous féliciter de ne pas être des connards comme si c’était une façon de se dire que nous allons au-delà du strict minimum pour être un homme. Le comportement masculin est le problème et nous devons faire partie de la solution.

C’est une vérité déplaisante à propos de la société telle qu’elle est aujourd’hui : les hommes sont privilégiés car ils ont une voix qui porte plus que celle des femmes.  Il est plus facile d’écarte les problèmes des femmes, de –comme le dit Edidin – silencier les femmes en les étiquetant comme mécontentes ou aigries. Quand nous exprimons notre soutien, nous aidons leurs voix et leurs messages à aller plus loin, à entrer plus en profondeur.

Nous devons accepter de risquer de potentielles répercussions pour dénoncer le harcèlement lorsque nous en voyons, particulièrement si nous sommes en position de l’influencer directement. Nous devons accepter d’affronter les autres, d’amplifier le signal quand c’est nécessaire et de nous exprimer quand nous sommes témoins de harcèlement. Nous devons être les alliés des femmes, leur proposer du soutien quand elles en ont besoin et un appui lorsqu’elles le demandent.

Les comics sont supposés être un espace ou chacun se sent en sécurité, où la diversité est bienvenue et où le harcèlement et les agressions ne sont pas permis, où les charognards n’ont pas le droit de traquer les autres.

Et c’est à nous de nous élever et d’aider à ce qu’il en soit ainsi.

Source et crédit : http://www.doctornerdlove.com/2013/11/nerds-male-privilege-tess-fowler-comic-harassment/

Traduction par Shetty
Édité par Mar_Lard

Storify rassemblant l’essentiel des tweets de Tess Fowler sur le sujet :

Les babes font fuir le public

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Article de Spencer Chen sur TechCrunch.

Les « booth babes » sont de belles jeunes femmes court vêtues employées par certaines entreprises pour « décorer » leur stand lors de conventions, dans l’espoir d’attirer le chaland (forcément masculin, hétérosexuel & dépourvu de tout esprit critique à la vue d’un décolleté). Une pratique peu glorieuse des milieux tech & jeu vidéo, mais que certains défendent sous prétexte de « marketing ciblé » ; puisqu’on considère que seuls des hommes hétéros vont aux conventions, autant tout saupoudrer de jolies filles pour leur plaire (et tant pis si c’est sexiste et ostracisant pour les autres publics).

Sauf que…les booth babes semblent totalement inefficaces pour attirer le public. En réalité, elles seraient même contre-productives.

Pour vérifier ce qu’il soupçonnait déjà au vu des mauvaises performances globales des stands à booth babes, Spencer Chen a mené des expériences comparatives: deux stands au sein d’une même convention, l’un animé par des babes, l’autre par des personnes recrutées pour leur connaissance du milieu. Les résultats sont accablants : les stands à booth babes attirent trois fois moins de public et récoltent moitié moins d’opportunités de réseau (cartes de visites, formulaires d’information, etc).

Pourquoi ?

Parce que, de leur propre aveu, les babes ont plutôt tendance à intimider les visiteurs.

Parce qu’elles sont recrutées d’abord sur leur sex-appeal, plutôt que sur leur connaissance du produit ou leur capacité à convaincre le public.

Parce qu’employer des babes ne renvoie pas une image de professionnalisme, mais plutôt de cache-misère; que peut on attendre d’une compagnie qui emploie des hôtesses dénudées en guise d’arguments de vente ? Les professionnel-le-s qui cherchent à nouer des contacts dans ces salons ne s’y trompent pas.

Parce que les professionnels de bas étage effectivement attirés par les babes s’intéressent plutôt à leur plastique qu’au produit, et ne représentent pas des opportunités intéressantes…

Alors, chères compagnies qui s’obstinent à décorer leurs stands de babes alors même que ces pratiques sexistes sont dénoncées partout, on peut arrêter de se cacher derrière le marketing ciblé maintenant ?

Des seins pour la recherche

Je me suis souvenue d’une anecdote de lycée : certaines classes, dont la nôtre, avaient été invitées à un salon où des chercheurs présentaient leurs travaux en cours. Les classes sélectionnées étaient celles de section scientifique comportant le plus de filles, dans une idée de les encourager à poursuivre dans ces voies où elles restaient pour l’instant minoritaires (en l’occurrence, notre classe devait être constituée de 3/4 de filles).

Entre autres, un informaticien présentait un programme qu’il mettait au point, qui faisait qu’en passant la souris sur une image on se heurtait à plus ou moins de résistance, ce qui donnait une impression de toucher. Il nous avait expliqué rapidement le principe et nous avait fait tester sur différentes images, des tissus, un paysage, un labyrinthe, des choses comme ça. Et puis il avait ouvert la photo d’une actrice (je ne saurais plus dire laquelle, j’avais juste noté qu’elle avait de la poitrine) avec un décolleté, dans une pose aguicheuse, et avait dit « qui veut toucher [actrice] ? »

Ça me frappe aujourd’hui de voir que ça ne m’avait pas choqué à l’époque. Ma réaction avait plutôt été de lever les yeux au ciel en me disant « ah, les informaticiens, tous les mêmes ». Sauf que j’ai pu constater depuis que non, les informaticiens ne sont pas « tous les mêmes », et que c’était surtout un type qui n’était peut-être pas obligé de faire part de ses fantasmes à un groupe d’adolescentes.

Une informaticienne/geek dans un milieu d’hommes

Trois petites anecdotes de développeuse et joueuse de MMORPG.

Bonne fête !
Une anecdote qui me fait encore pleurer. Il y a quelques années, je cumulais un CDI plein temps d’analyste programmeur web en journée et des cours du soir en licence d’informatique le soir (car je n’avais que des formations qualifiantes et pas de diplôme viable). A ces cours, toutes les personnes avec qui j’interagissais savaient que je travaillais déjà dans le domaine et me demandaient parfois mon aide, hommes comme femmes. Pas aussi souvent qu’on aurait pu l’imaginer vu que j’étais censée être pro parmi les étudiants, mais quand même. C’est un de mes camarades (connaissant mon boulot) qui m’a cloué sur place en m’envoyant, en avril, un SMS me souhaitant une « Bonne fête des secrétaires ! ». Ce n’était pas une blague, et j’ignore toujours ce qui lui est passé par la tête. Des années plus tard, en tant que .Net Consultant (programmation web toujours), un collègue a plaisanté : « Si t’es méchante comme ça t’auras pas de fleurs pour la fête des secrétaires ! » qui me l’a vivement rappelé. Le « pourquoi ? » reste sans réponses, mais très, très amer.

Obéir à une femme ? Jamais !
A une époque, je jouais de manière très investie dans une communauté compétitive sur un jeu type MMORPG. Un jour on recrute un nouveau membre placé sous mon commandement. Tout allait bien jusqu’à ce qu’il entende ma voix et comprenne que j’étais une femme. Après ça il ne m’écoutait plus et rejetait complètement mon autorité et mon savoir. J’ai pris sur moi et pendant des semaines je lui faisais remarquer sans amertume ses moindres erreurs, et m’efforçait d’être de mon côté irréprochable. Ça a porté ses fruits : Il a fini par s’adresser à moi en tant que mec. Genre « [Mon pseudo] est quand même un gars bien ». C’était visiblement la seule façon pour lui de se mettre sous les ordres d’une femme.

Meilleure qu’un homme ? Ha ha, dans tes rêves.
Dans cette même communauté, juste après un patch, il s’est avéré que mon personnage avait été boosté et pouvait à présent rivaliser avec d’autres classes en terme de dégâts. Au premier combat où j’ai fini première du groupe de 25 aux dommages effectués, j’ai reçu dans la foulée des messages privés de trois personnes me disant que, moi, je n’y étais pour rien, que c’était le patch qui avait complètement mal calculé pour moi, qui les avait désavantagés, que normalement ça ne pouvait pas être moi, que ça devrait être eux les premiers, que le boss m’avantageait,…
Euh… Je n’ai rien demandé, je ne me suis pas vantée, à peine étonnée devant mon écran mais sans leur en parler. Pourquoi venir me démonter gratuitement ? Autant ils acceptaient quand j’étais première en « soins donnés » (même si j’étais bien derrière eux en équipement), autant quand ça concerne les dommages effectués, là non, une femme n’est pas recevable. Et tout le temps que je passais à calculer via Excel ou par simulation comment faire le plus de dommage possible n’était visiblement pas à prendre en compte.

Et tant d’autres…
Je ne compte plus le nombre de personnes étonnées voire révoltées que je joue des hommes en jeu de rôle. Ca va du « Tiens, tu joues un homme ? » aux « Non j’interdis qu’on ne joue pas un perso de son sexe à ma table ! ». Quand je voyais les autres personnages joueurs prendre plaisir, dans les jeux de rôle « maléfique », à violer les femmes qu’ils croisaient, je n’avais juste pas envie d’en être une. Et pourtant je devais souvent défendre mon bout de gras pour pouvoir, le temps d’un jeu, être un homme.

Depuis je garde mes écouteurs quasi tout le temps au travail (ce n’est pas un cas isolé, j’ai réussi à compter 20 remarques sexistes en 1h30 de resto par exemple. Allant jusqu’aux « Les femmes, on ne peut pas travailler avec ! » très sérieusement argumenté).
Les MMO je n’y joue que des hommes et ne dévoile quasiment jamais être une femme.
Les jeux de rôles j’ai arrêté.

Discrimination salariale

Louise est ingénieure analyste informatique dans une société de services informatiques. Après son retour de congé maternité, elle s’estime victime de discrimination, à la suite de sa grossesse.

En février 2001, elle occupe le poste de chargée de formation au sein de la DRH de la société et part en congé maternité. A sa reprise en congé parental d’éducation à 80% en octobre 2001, Louise ne retrouve pas complétement son poste et effectue des missions ponctuelles. Elle ne réintégrera son entité d’origine que 2 ans et demi plus tard. Sa carrière s’en trouve ralentie.

L’enquête menée par le Défenseur des droits a démontré qu’au sein de la société, il existait des différences de traitement entre les hommes et les femmes à niveau de compétence et de formation égales. Il conclut que Louise a fait l’objet d’une discrimination fondée sur sa grossesse à son retour de congé maternité et d’une discrimination en matière de carrière et de rémunération fondée sur son sexe.

Le conseil des prud’hommes de Nanterre a condamné par un jugement de départage du 3 février 2012, la société à verser à Louise plus de 113 000 euros de dommages et intérêts toutes causes confondues.

SOURCE : http://www.defenseurdesdroits.fr/connaitre-son-action/la-lutte-contre-les-discriminations/histoires-vecues/une-societe-de-services

Au Gros Objectif

J’ai déjà envoyé un article, mais des anecdotes me sont revenues. J’ai travaillé en tant qu’extra dans un laboratoire photo, deux fois deux mois d’été, et quelques jours par-ci par-là, ça aide toujours à arrondir les fins de mois d’étudiante.

Quand j’ai commencé, je ne savais rien du domaine de la photographie, rien, nada, à part appuyer sur le bouton et hop la photo était prise. Pareil en ce qui concerne le domaine de la vente, j’ai tout appris sur le terrain. A la fin du premier mois, j’étais au point sur les bases, et si jamais j’avais besoin d’aide, eh bah, j’allais en demander. Statuons d’abord que dans ces magasins, sur 5 magasins, 1 seul a pour responsable une femme, mais que quasiment tous les vendeurs sont en fait des vendeuses. Parce qu’il faut « bien présenter », alors que le responsable, lui, répond aux questions les plus techniques. Il y a 1 vendeur à temps complet, et un qui avait été engagé il y a deux ans mais qui a rapidement abandonné, alors qu’on lui avait donné le poste de responsable même si il n’était là que depuis peu et que d’autres, femmes donc, avaient plus d’expérience.

Je vous passerais mes expériences avec l’un des responsables, extrêmement macho et qui me donnait les tâches les plus ingrates tout en accumulant les blagues graveleuses, je pense que le sujet a suffisamment été abordé. De même pour tous les clients plus absorbés par mon sourire/mes yeux/ ma féminité avérée que par mon discours.

J’adorais mon boulot, et si je suis partie c’est plus par mésentente avec la direction que pour le travail en lui même. C’est un métier où les sentiments sont forts: souvent, des personnes copient de vieilles photos, de moments heureux, ou de personnes décédées, on développe des photos de voyage, des mariages, bref, le contact est extra.
Et il y a les autres personnes. Ceux qui s’y connaissent et le font savoir, ou qui ne s’y connaissent pas mais s’y connaissent forcément plus que la vendeuse de 17-18 ans (heureusement que je fais plus âgée, même si pas assez pour faire crédible, visiblement). Beaucoup m’ignorent pour parler directement à mon responsable parce que ces messieurs veulent le best du best. C’est à dire, un homme, un vrai, qui a de l’expérience dans la photo, domaine d’hommes, vu qu’il dirige une bande de nanas. Je n’aime pas ces clients qui ont décidé que je ne pouvais pas leur fournir ce dont ils ont besoin, même quand il s’agit de choses simples. A noter que des femmes aussi font partie de cette catégorie….

Parmi eux, un acteur français, on a qu’à l’appeler M.Objectif. Ce cher monsieur a déposé sa commande de photos pendant ma pause déjeuner. Quand je suis retournée travailler, ma collègue m’a annoncé « M.Objectif est passé, c’est un gros client, tout doit être fait pile à l’heure sinon il fera un scandale ». Ravie de le savoir, je ne sais pas qui est ce monsieur. Elle m’a dit dans quoi il avait joué, toute aussi ravie, un client, c’est un client, acteur ou pas.
Plus tard dans la journée, un monsieur entre dans le magasin. Mon responsable est à la production (il s’occupe du développement des différentes commandes), ma collègue déjeune, je suis au comptoir, je l’accueille.

« Bonjour Monsieur !
-….
-… Bonjour ?
-…
– Je peux vous aider ?
-… Non mais euh geste vague vers mon responsable qui n’a pas tourné la tête
– Je peux faire quelque chose pour vous ? »

Intérieurement, je commençais à m’agacer. Mon responsable se tourne vers moi et cingle : « C’est M.Objectif, il veut ses photos ». Suis-je bête, je ne l’ai pas reconnu, cet acteur que je ne connais pas. Les joues rouges de m’être faite rabaissée devant un client, je sors les fameuses photos, et lui donne, attendant qu’il les vérifie pour l’encaisser. M.Objectif décide d’étaler ses photos une à une sur le comptoir. Certes, excusez-moi, je vais faire autre chose pendant ce temps là, pas très envie de faire la potiche. Je me remets au travail, pendant qu’il contemple son oeuvre.
Mon responsable va pour partir déjeuner. M.Objectif le choppe par le bras et lui déclare (je m’en souviendrai TOUTE MA VIE) :

« J’ai besoin d’un avis macho et viril pour mes photos »

J’ai eu l’impression de recevoir une claque. Il ne m’avait pas adressé la parole, m’avait ignoré, s’était conduit en buffle, parce que Monsieur ne veut pas avoir affaire à une femme, point à la ligne. Mon responsable lui a donc prodigué ses conseils pour choisir des photos DE SES FILLES pour en faire des posters. Oui, oui, un avis macho et viril pour faire des posters des photos de ses filles et leur offrir. Le père rêvé, hein.

Posters que j’ai dû, en plein rush de l’après-midi, mettre sous cadre à une cadence effrénée.
Arrive M. Objectif en fin de journée pour récupérer ses posters, déjà payés. Il me lance « Si on pouvait faire vite, parce que je tourne, là. » Au cas où je n’aurais toujours pas compris qu’il était bien, bien, bien plus important que moi.

Sachez que M.Objectif est revenu, et que je l’ai reconnu. Je lui ai tout de même demandé son ticket pour récupérer ses photos, alors qu’il soupirait. Puis, je l’ai regardé droit dans les yeux sans jeter un coup d’œil à son ticket, que j’ai froissé, puis jeté à la poubelle avant de lui récupérer ses photos.

Acteur à la grosse tête, ça peut passer. Acteur misogyne à la grosse tête, faut pas déconner.

Oui, le responsable était macho aussi. Mais j’ai quand même très mal vécu qu’il ne me soutienne pas dans cette situation, alors que dans un autre magasin, un responsable aurait répondu « Je vous laisse avec ma collègue, elle est parfaitement compétente pour répondre à vos question », c’est arrivé, souvent même. En plus de me laisser tomber, il a même participé, par ses réactions, à me faire me sentir comme le dernier des chewing-gums dégueulasses collés sous nos chaussures. Il m’a fallu un an pour prendre assez confiance en moi dans ce métier pour commencer à le remettre à sa place, et à ne plus me laisser faire du tout par ce genre de clients.

Édité par Mar_Lard

Le test de la ménagère

Lundi 13 janvier 2014, Commitstrip – « le blog qui raconte la vie des codeurs » – récidive :

Capture

« Le test le plus difficile à passer » : créer une appli que même ces bécasses de « ménagères » puissent comprendre…C’est bien connu que les femmes n’utilisent aucune appli Internet…Et c’est quand même plus simple de faire porter la responsabilité de ses échecs à l’utilisateur en recourant à des clichés sexistes éculés, plutôt que de s’appliquer à concevoir une interface ergonomique…