Femme level 1 (+2 en char)

Je voudrais adresser cette contribution à tous ceux qui se sentent dédouanés des interrogations sur le sexisme en milieu Geek en mode « pff c’est bon : je fais du JDR avec des filles ch’uis pas comme les gros beauf qui regardent Téléfoot ! »

Je ne compte plus le temps depuis lequel je fais du jeu de rôle « papier », que ça soit en tant que joueur ou bien en tant que MJ voire même (modestement) en tant que créateur d’univers, et depuis tout ce temps, je constate un vrai problème avec la place des filles aussi bien « in game » qu’autour de la table.

In game, un perso féminin sera soit un élément qui pousse à l’action au même titre qu’un vulgaire artefact (syndrome « princesse à sauver ») ou alors sera un antagoniste fourbe usant de ses charmes pour faire sombrer les héros. J’ai aussi constaté que jouer un personnage féminin par rapport à un personnage masculin (pour un homme en tout cas) se résume à « je vais voir le garde en roulant du cul pour qu’il me laisse passer » (trad : être une femme ajoute des compétences de manipulation mentale basé sur les boobs). Je ne dis pas que ça ne peut pas faire partie des options de jeu… mais là c’est quand même très « ras du slip » ! Le joueur homme a d’ailleurs souvent beaucoup de distance avec son avatar féminin et prend plaisir a l’imaginer dans des situations ou il n’est pas acteur, mais mateur. Chez d’autres, le fait de passer au féminin est l’occasion d’exacerber les clichés sur les femmes « Ah ah ah ! Je suis une garce manipulatrice ! Je fais faire ce que je veux aux hommes naifs et trop bons ! ». Bref vous l’aurez compris, c’est du cliché sous stéroides.

Toujours pour le in game, je remarque que rares sont les PNJ féminins. Soit ce sont des archétypes féminins (méchante sorcière, reine, princesse) soit des archetypes classiques qu’on a sexualisés (la méchante cheffe d’organisation sexy mais froide et cinglante a la place du méchant mafieux). Jamais de soldat femme, de milicienne, de vendeuse d’armes… ou alors si ça se produit, il y’a toujours introduction de l’idée que c’est un personnage particulier et plus avancé que le simple PNJ de base. On pourrait presque détecter à l’avance l’importance d’un personnage selon son sexe.

Ci-dessous un extrait d’une scène malheureusement vécue alors que je faisais le MJ :

« Bonjour à vous aventuriers ! Bienvenue dans ma forge ! » (description du lieu et du personnage de la vendeuse d’armes)
« Mais… vous êtes une femme ? Et malgré votre métier rugueux vous avez la silhouette d’une elfette prof de fitness ! (jamais évoquée par mes soins) « Damn ! Les mecs ! Venez vite faire booster votre matos ! »
« Mais mais… qu’est ce que vous faites ? »
« Me la faite pas jolie coquinette : une femme forgeron sexy est forcément nulle ou alors hyper balaise : vu que vos affaires semblent prospère, j’en déduit que vous êtes bonne… (voix sexy) vachement bonne (frétillement de sourcils)…une petite réduc si je vous fait voir ma grosse épée ? »

J’en viens donc souvent à ne PAS amener d’élément féminin sans avoir pris d’infinies précautions, car par conditionnement les joueurs prennent ça comme un message. Pour eux, c’est illogique d’utiliser une femme « par défaut ».

Autour de la table, la présence d’une femme entraîne moult comportements sexistes de base qui vont de « je t’explique le jeu » à « t’inquiète, je vais défendre ton perso avec mon super sort ». Les préjugés vont donc bon train, et ça peut aller jusqu’au surprenant (mais néanmoins crétin) « Attends je vais te faire le compte des dés : les filles c’est pas fait pour les additions ».

Donc oui cela existe autour de tables de jeu pourtant apparemment composées de personnes gentilles, polies, « ouvertes » (ce qui ne veut pas vraiment dire grand chose). Même moi ça m’arrive de sombrer dans ces travers, parce que d’une part je ne suis pas un parangon de vertu, et d’autre part parce que ces comportements sont liée à une culture du jeu, des univers (une femme dans un univers de fantasy, c’est avant tout un cosplay sexy penseront la plupart des mecs) et a l’émulation du groupe. N’étant pas supérieur à la plupart de mes contemporains, je ne peux parfois que constater à posteriori mon comportement.

Donc ami-e-s rôlistes, posez vous la question lors de votre prochaine soirée JDR : est il vraiment logique qu’un personnage féminin ait un malus de force et un bonus d’agilité ? Est-ce qu’un personnage féminin c’est forcément un artwork sexy en diable ? Est-ce que la motivation de vos persos peut être autre chose que « sauver la fille du Bourgmestre » ? Est ce que vous avez forcement besoin d’expliquer à la jeune fille à votre droite ce qu’est une claymore alors qu’elle ne vous à rien demandé ?

Quand bien même vous seriez un progressiste accompli, n’hésitez pas à garder cette salutaire démarche de vous remettre en question et à observer vos contemporains… vous pourriez être surpris de ce que vous verrez.

World of Warcèlement de rue

Édité par Alda

Quand des Youtubeurs pensent que le harcèlement de rue ça n’est pas assez sexiste, et que véhiculer le cliché « hihi les filles ces n00bs » ça n’est pas non plus assez sexiste, ça donne une vidéo où un homme va volontairement importuner des femmes dans la rue pour faire mine de les draguer avec des répliques tout droit sorties de la culture des meuporg de fantasy, renforçant le cliché qu’elles ne jouent forcément pas.

8400 likes contres 230 dislikes. Joli score.

Sexisme et homophobie ordinaires dans le FantaBobShow

Amatrice de jeux vidéos, je n’ai pas toujours les moyens de me payer ceux-ci, c’est pourquoi je me rabats régulièrement sur les playthrough (vidéos commentées de jeux vidéos), en particulier ceux de TheFantasio974 et Bob Lennon, qui me font toujours beaucoup rire.
Le problème est que, tout en appréciant leur humour et leur dynamisme, je dois me confronter simultanément à des propos souvent homophobes et sexistes. L’exemple le plus marquant est selon moi le playthrough de Resident Evil 6 qui compile une quantité incroyable de blagues sur les caractéristiques « MILF » de Ada Wong ou sur l’homosexualité présumée de Piers Nivans. On a aussi droit à des stéréotypes sur la virilité et la force (« on n’est pas des tapettes ») et à des remarques affligeantes sur la sexualité des personnages.

J’ai le même problème avec le playthrough actuellement tourné par les deux Youtubers sur Dead Rising 3, qui possède déjà son lot de remarques putophobes (« c’est une pute » « les salopes »).

Bob Lennon s’excuse assez régulièrement dans ses vidéos pour ses commentaires sexistes/homophobes, et c’est d’autant plus dommage: pourquoi perpétuer de telles remarques si on sait parfaitement qu’elles sont offensantes et discriminantes?
Je ne veux pas jouer à pointer du doigt ces deux podcasteurs, ils ne sont pas les seuls à avoir ce type de réflexions dans leurs vidéos, sauf que ce sont eux qui me font rire et que je suis. Je n’ai pas envie d’arrêter de regarder leur chaîne Youtube, j’ai seulement envie de pouvoir regarder ce qu’ils font sans me sentir exclue ou invisibilisée par leurs commentaires.

Node.js et le refus d’un changement trivial

Le langage non-sexiste a ceci d’intéressant qu’il permet de s’adresser à quelqu’un/e sans le renvoyer forcément à son genre et permet ainsi d’inclure toutes les catégories de personnes qui sont laissées de côté par le masculin utilisé par défaut. (À l’Académie française ils disent « genre non marqué » pour faire bien.)

En accord avec ce principe, un développeur du nom de Alex Gaynor a proposé le changement suivant sur une portion de code de la plateforme Node.js : Un remplacement de deux occurrences de « he » par « they » dans des commentaires, qui partaient du principe que l’utilisateur était forcément masculin. (En anglais « they » est de plus en plus couramment utilisé comme singulier neutre.)

    *
    * 1. Read errors are reported only if nsent==0, otherwise we return nsent.
    *    The user needs to know that some data has already been sent, to stop
-   *    him from sending it twice.
+   *    them from sending it twice.
    *
    * 2. Write errors are always reported. Write errors are bad because they
    *    mean data loss: we've read data but now we can't write it out.

Puis dans un autre fichier :

   /* Only free when there was no error. On error, we touch up write_queue_size
    * right before making the callback. The reason we don't do that right away
    * is that a write_queue_size > 0 is our only way to signal to the user that
-   * he should stop writing - which he should if we got an error. Something to
-   * revisit in future revisions of the libuv API.
+   * they should stop writing - which they should if we got an error. Something
+   * to revisit in future revisions of the libuv API.
    */

Le texte étant un commentaire il n’influe absolument pas sur l’exécution du code. Un changement absolument trivial, le code étant proposé sur GitHub les développeurs en charge du projet se retrouvent face à une question à deux choix : « Intégrer la modification ? Oui, Non »

Si il clique sur « Oui », le changement est intégré, la documentation du code est un peu plus inclusive et tout le monde est content.

Bien sûr, un tel scénario n’a que peu de chances de se produire. Dans la vraie vie, le responsable préfèrera cliquer sur « Non » puis laisser un commentaire laconique tel que :

Sorry, not interested in trivial changes like that.

Désolé, pas intéressé par des changements aussi triviaux que celui là.

Et dans la vraie vie, il se trouvera des personnes pour se réjouir qu’un changement aussi inutile soit refusé allant jusqu’à soupçonner l’auteur du changement de vouloir se faire bien voir de la gent féminine.

Heureusement dans la vraie vie, il se trouve également des personnes raisonnables qui intègreront ce changement tout de même avant de s’écrouler face à la bêtise crasse du premier qui l’annule à nouveau :

@isaacs may have his commit bit but that does not mean he is at liberty
to land patches at will. All patches have to be signed off by either
me or Bert. Isaac, consider yourself chided.

Isaac a peut être la possibilité de faire des modifications, mais
ça ne veut pas dire qu’il a l’autorisation de faire les patches qu’il veut.
Toute modification doit être validée par moi ou Bert. Isaac, considère
ceci comme un blâme.

Et pour se laver de toute accusation de sexisme, il continue avec une excuse que nous entendons régulièrement :

To the people that felt it necessary to call me a misogynist: I volunteer in a mentorship program that gets young people – especially young women – involved in technology. How many of you go out and actively try to increase the number of women in the field?
I’m probably going to step back from libuv and node.js core development. I do it more out a sense of duty than anything else. If this is what I have to deal with, then I’d just as rather do something else. Hope that clears things up. Thanks.

Aux gens qui ont ressenti le besoin de me traiter de misogyne: Je fais du bénévolat dans une association qui aide des jeunes – particulièrement des jeunes femmes – à s’investir dans le milieu de la technologie. Combien d’entre vous participent à ce genre de chose et tentent activement d’augmenter le nombre de femmes sur le terrain ?
Je vais probablement me désinvestir du développement de libuv et de node.js, je le faisais plus par sens du devoir qu’autre chose et si je dois faire face à ce genre de comportements, j’aime autant faire un autre truc. J’espère que les choses sont claires. Merci.

Le changement a finalement fait son chemin dans le code de libuv, probablement grâce aux nombreux commentaires des développeurs et développeuses outré/es de l’attitude déplorable de bnoordhuis et en dépit des trop nombreux messages de soutien que ce dernier a reçu.

Vous en connaissez beaucoup vous des changements tellement inutiles et sans importance qu’ils valent la peine de se battre becs et ongles pour ne pas qu’ils se produisent ?

Blagues salaces contre repas de noël

Je travaille dans un groupe Web, avec une ambiance très « cool », seulement certains confondent ambiance décontractée et délires d’adolescents.
Voici un échange de mail (verbatim):

A. a écrit :
« Salut [Entité A du groupe] 🙂
Nous faisons notre repas de Noël jeudi 12 au soir, et ceux qui veulent se joindre à nous sont cordialement invités.
Il faudrait juste me prévenir pour qu’on achète suffisamment de… raclette 😛
Ça devrait coûter 15€ max par personne.
a+

E. a écrit :
[Entité B du groupe] peut venir ?

A. a écrit :
Si tu es prête à accepter quelques blagues salaces (surtout après quelques verres de vin blanc), alors oui

E. a écrit :
Sérieusement ?

A. écrit :
oui

[Ajout par Mar_Lard]

Il n’est pas normal que les femmes doivent « accepter » de subir des comportements déplacés pour être intégrées.

Sexisme et LAN’Party

En cherchant sur le net comment organiser une LAN’Party sur Counter Strike Source, il y a de fortes chances pour que vous tombiez sur un ancien tutoriel du Site du Zéro (récemment renommé en OpenClassrooms) sous forme de PDF daté de 2008, rédigé par un certain Mickael Knight qui explique de manière simple comment organiser votre LAN.

En effet, le PDF est dans les premiers résultats Google pour une recherche comme « organiser lan party css, » et il a été visionné plus de 120 000 fois, comme précisé au début du document. Le document est téléchargeable depuis ce lien : Le site du Zéro – Organiser une Lan’Party

Là où le bât blesse, c’est que page 11 on peut trouver tout un passage sur les LAN « pour les demoiselles. » Avoir une telle catégorie étonne déjà puisqu’elle signifie que le reste du document ne s’adresserait qu’à un public masculin. Mais ça ne s’arrête pas là, le contenu est particulièrement instructif.

On y apprend qu’il faut « effectuer des concessions sur ce type de public » : Les filles ne jouent pas à CS, mais plutôt aux Sims et à la Wii, il faut donc organiser des tournois « adaptés pour elles. » L’auteur précise aussi que le matériel technique ne les intéresse pas : « adaptez vos récompenses lors des tournois si le gagnant est une fille (oui si vous lui offrez une GeForce 8600 vous aurez l’air stupide). » Mieux vaut prévoir un prix qui déclenche « une vague de jalousie » et « jouer sur leur point faible, » à savoir « aimer se mettre en valeur. » Il suggère donc d’offrir une entrée VIP pour une boîte de nuit branchée !

Enfin, on apprend aussi que les gameuses ont tout le temps besoin d’assistance (« prenez la en charge dès le début (genre installer son PC, la brancher sur le réseau et fixer son IP) ») et que « se lever à chaque soucis pour elles, c’est chiant ^^. »

Page 30, nous apprenons aussi qu’à un joueur qui fait une crise d’angoisse, il faut absolument éviter de parler de filles. Ces dernières sont en effet « une source importante de stress » pour un joueur timide qui angoisse à l’idée que sa copine soit infidèle pendant qu’il participe à une LAN.

Les filles, ces éternelles petites créatures fragiles, différentes et un peu relou.

[Édité par Mar_Lard]