Des seins pour la recherche

Je me suis souvenue d’une anecdote de lycée : certaines classes, dont la nôtre, avaient été invitées à un salon où des chercheurs présentaient leurs travaux en cours. Les classes sélectionnées étaient celles de section scientifique comportant le plus de filles, dans une idée de les encourager à poursuivre dans ces voies où elles restaient pour l’instant minoritaires (en l’occurrence, notre classe devait être constituée de 3/4 de filles).

Entre autres, un informaticien présentait un programme qu’il mettait au point, qui faisait qu’en passant la souris sur une image on se heurtait à plus ou moins de résistance, ce qui donnait une impression de toucher. Il nous avait expliqué rapidement le principe et nous avait fait tester sur différentes images, des tissus, un paysage, un labyrinthe, des choses comme ça. Et puis il avait ouvert la photo d’une actrice (je ne saurais plus dire laquelle, j’avais juste noté qu’elle avait de la poitrine) avec un décolleté, dans une pose aguicheuse, et avait dit « qui veut toucher [actrice] ? »

Ça me frappe aujourd’hui de voir que ça ne m’avait pas choqué à l’époque. Ma réaction avait plutôt été de lever les yeux au ciel en me disant « ah, les informaticiens, tous les mêmes ». Sauf que j’ai pu constater depuis que non, les informaticiens ne sont pas « tous les mêmes », et que c’était surtout un type qui n’était peut-être pas obligé de faire part de ses fantasmes à un groupe d’adolescentes.

Pas de filles chez Machinima

Donc, dans d’étranges circonstances, je me suis retrouvé sur la page d’accueil de Machinima. Pour ceux qui ne connaissent pas Machinima, il s’agit d’une chaîne de contenus autour du jeu vidéo.
Et voici la toute première phrase de leur site : « Machinima est un groupe média dans le domaine du jeux vidéo qui vise les jeunes HOMMES du monde entier. »

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Dans leur « À Propos » on trouve : « Machinima possède des séries, du contenu original, des programmes hebdomadaires et quotidiens, du contenu officiel d’éditeurs, et des vidéos de gameplay – tout pour gâter les HOMMES de 18 à 34 ans. »

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Tu remplaces homme par joueur (ou gamer car gamer est neutre) et le sexisme disparait… pas compliqué…

En fouillant un peu plus sur leur site, j’ai regardé leur audience…
77% sont des hommes. Ce qui me choque, ce n’est pas le fait qu’ils le montrent mais plutôt comment ils l’affichent : En gros, au milieu et en rouge….

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Sûr qu’en ostracisant soigneusement le public féminin de la sorte, c’est facile ensuite de prétendre « mais les femmes ne s’intéressent pas aux jeux vidéo, c’est comme ça ! » Notez que même si elles ne sont visiblement pas les bienvenues chez Machinima, les femmes représentent tout de même un quart de son public…

Édité par Mar_Lard

MSI : « la fille ou le jeu ? »

MSI, une entreprise qui crée – entre autres – des cartes graphiques et des cartes mères pour les ordinateurs, a décidé de profiter du vendredi pour poser une question pertinente à ses fans sur Facebook :

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Le sexisme de cette question et de l’image est évident : les hommes sont des obsédés de sexe et/ou de jeu ; les femmes ne servent qu’à être sexy et à être victimes de blagues potaches. A croire qu’MSI n’a que des hommes hétérosexuels (et des femmes aimant les femmes, mais il serait étonnant que cette blague s’adresse à elles) parmi leurs potentiels clients ! Par ailleurs, ont-ils besoin de cette image pour mettre en valeur leur page Facebook et inviter leurs fans à réagir ? Leurs produits ne seraient pas suffisamment intéressants ?

Evidemment, les réactions des fans sont à la hauteur de nos attentes :

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Heureusement, les mentalités évoluent et quelques personnes soulignent à MSI le sexisme de leur question :

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Une informaticienne/geek dans un milieu d’hommes

Trois petites anecdotes de développeuse et joueuse de MMORPG.

Bonne fête !
Une anecdote qui me fait encore pleurer. Il y a quelques années, je cumulais un CDI plein temps d’analyste programmeur web en journée et des cours du soir en licence d’informatique le soir (car je n’avais que des formations qualifiantes et pas de diplôme viable). A ces cours, toutes les personnes avec qui j’interagissais savaient que je travaillais déjà dans le domaine et me demandaient parfois mon aide, hommes comme femmes. Pas aussi souvent qu’on aurait pu l’imaginer vu que j’étais censée être pro parmi les étudiants, mais quand même. C’est un de mes camarades (connaissant mon boulot) qui m’a cloué sur place en m’envoyant, en avril, un SMS me souhaitant une « Bonne fête des secrétaires ! ». Ce n’était pas une blague, et j’ignore toujours ce qui lui est passé par la tête. Des années plus tard, en tant que .Net Consultant (programmation web toujours), un collègue a plaisanté : « Si t’es méchante comme ça t’auras pas de fleurs pour la fête des secrétaires ! » qui me l’a vivement rappelé. Le « pourquoi ? » reste sans réponses, mais très, très amer.

Obéir à une femme ? Jamais !
A une époque, je jouais de manière très investie dans une communauté compétitive sur un jeu type MMORPG. Un jour on recrute un nouveau membre placé sous mon commandement. Tout allait bien jusqu’à ce qu’il entende ma voix et comprenne que j’étais une femme. Après ça il ne m’écoutait plus et rejetait complètement mon autorité et mon savoir. J’ai pris sur moi et pendant des semaines je lui faisais remarquer sans amertume ses moindres erreurs, et m’efforçait d’être de mon côté irréprochable. Ça a porté ses fruits : Il a fini par s’adresser à moi en tant que mec. Genre « [Mon pseudo] est quand même un gars bien ». C’était visiblement la seule façon pour lui de se mettre sous les ordres d’une femme.

Meilleure qu’un homme ? Ha ha, dans tes rêves.
Dans cette même communauté, juste après un patch, il s’est avéré que mon personnage avait été boosté et pouvait à présent rivaliser avec d’autres classes en terme de dégâts. Au premier combat où j’ai fini première du groupe de 25 aux dommages effectués, j’ai reçu dans la foulée des messages privés de trois personnes me disant que, moi, je n’y étais pour rien, que c’était le patch qui avait complètement mal calculé pour moi, qui les avait désavantagés, que normalement ça ne pouvait pas être moi, que ça devrait être eux les premiers, que le boss m’avantageait,…
Euh… Je n’ai rien demandé, je ne me suis pas vantée, à peine étonnée devant mon écran mais sans leur en parler. Pourquoi venir me démonter gratuitement ? Autant ils acceptaient quand j’étais première en « soins donnés » (même si j’étais bien derrière eux en équipement), autant quand ça concerne les dommages effectués, là non, une femme n’est pas recevable. Et tout le temps que je passais à calculer via Excel ou par simulation comment faire le plus de dommage possible n’était visiblement pas à prendre en compte.

Et tant d’autres…
Je ne compte plus le nombre de personnes étonnées voire révoltées que je joue des hommes en jeu de rôle. Ca va du « Tiens, tu joues un homme ? » aux « Non j’interdis qu’on ne joue pas un perso de son sexe à ma table ! ». Quand je voyais les autres personnages joueurs prendre plaisir, dans les jeux de rôle « maléfique », à violer les femmes qu’ils croisaient, je n’avais juste pas envie d’en être une. Et pourtant je devais souvent défendre mon bout de gras pour pouvoir, le temps d’un jeu, être un homme.

Depuis je garde mes écouteurs quasi tout le temps au travail (ce n’est pas un cas isolé, j’ai réussi à compter 20 remarques sexistes en 1h30 de resto par exemple. Allant jusqu’aux « Les femmes, on ne peut pas travailler avec ! » très sérieusement argumenté).
Les MMO je n’y joue que des hommes et ne dévoile quasiment jamais être une femme.
Les jeux de rôles j’ai arrêté.

Deux patriarches pour le prix d’un

Ce que je vais raconter s’est passé il y a quelques jours, lors d’une partie en ligne d’un jeu de survival-horror en coopération, Killing Floor. Dans ce jeu, une équipe de six membres, aux classes variées, doit affronter des vagues de “zeds” : des “armes biologiques” de type zombie, qui usent de capacités différentes pour mettre à mal l’équipe devant les éliminer. Lorsque toutes les vagues sont passées, une vague supplémentaire nous fait affronter le “boss de fin” du jeu, le patriarche (oui, c’est son vrai nom).

L’une des stratégies les plus communes est de répandre au sol des bombes de proximité et d’en former un grand tas pour infliger le plus de dégâts possibles, et j’ai appris à mes dépends lors de cette partie que le patriarche pouvait faire exploser ces bombes de loin, ce qui a valu à mon personnage de périr par ses propres armes. Sous le coup de la surprise, je tape simplement “wut?” (“il s’est passé quoi là ?”) en message pour l’équipe. Et c’est là qu’un des joueurs me répond :

“You died like a woman.” (“Tu es mort comme une femme.”)

Comme ça, de manière totalement gratuite.

Tout d’abord, pourquoi comme une femme ? Les femmes ne savent pas jouer à Killing floor ? Serait-ce inscrit dans leur code génétique ? Ou alors elles savent jouer, mais sont plus douées pour mourir que les hommes ? Si cette charmante personne m’avait dit que je suis mort comme un crétin, ou que je ne sais pas jouer, ça ne m’aurait pas choqué outre mesure (et dans une certaine mesure, il aurait eu raison) : les jeux multi-joueurs ne sont pas connus pour l’amitié chaleureuse qui s’en dégage ou la sympathie de certains joueurs. Mais ici, quelqu’un s’est dit que le plus insultant n’était non pas de me comparer à un noob, mais à une femme. Cette “simple” insulte m’a énervé plus qu’aucune autre n’aurait pu le faire, tout simplement parce qu’au final ce n’était pas moi le plus insulté, mais bien toutes les femmes qui jouent à ce jeu (ainsi que toutes les femmes tout court).

Ensuite, je suis surpris qu’il (je ne pense pas prendre trop de risques en supposant que c’est un homme) ait tout simplement dit cette phrase. Ou plutôt, choisi de la dire. Re-situons le contexte : tous équipés de nos meilleures armes, nous sommes prêts à affronter le patriarche, qui comprend dans son arsenal : une gatling greffée au bras droit pouvant accessoirement servir de lance-roquette (ce qui a détruit mes explosifs), la capacité de devenir invisible, de se soigner deux fois et également une grande force physique pouvant tuer un membre de l’équipe en deux coups seulement, voire en un seul suivant la configuration du combat. Même à six contre un, le combat est serré et long, et, avec un membre de l’équipe déjà mort, le combat n’en sera que plus dur. Pourtant, il a choisi, alors qu’il venait de me voir exploser (ce qui signifiait donc que le patriarche approchait) de s’arrêter, de taper son message, tout cela sous la coupe d’une menace imminente, juste pour sortir une brimade sexiste de mauvais goût, se mettant ainsi en danger ainsi que son équipe. Rabaisser un joueur décontenancé et au passage insulter toutes les femmes ayant jamais joué à ce jeu était plus important que sa propre survie et la victoire de l’équipe. Un indéniable sens des priorités donc.

Dernièrement, notons le court échange qui s’est ensuivi. J’ai directement répliqué à sa phrase par “and you talked like a sexist shit, so fair enough” (“et tu t’es exprimé comme une merde de sexiste, donc c’est kif-kif”), ce à quoi il a répondu par “feminist detected” (“féministe détecté-e”).
Ah.
C’est gênant de se faire “traiter” de féministe juste pour avoir relevé une évidence. Je ne vois pas comment une chose pareille pourrait ne pas être vue comme ouvertement sexiste. Comme dit plus haut, je joue rarement à des jeux en ligne et croiser ce genre de personne ne me donne certainement pas envie de multiplier les essais. En tant qu’homme, ce simple échange m’a mis hors de moi. Mais mon expérience est sans commune mesure avec celle d’une femme. Il serait vraiment temps que plus de joueurs prennent conscience de ce que l’on ressent dans ces cas-là.

 

——–

[Note de Keela]
Les parties en multi-joueurs sont trop souvent une occasion de subir la misogynie d’inconnus. Les insultes sexistes y sont légions, poussant les femmes à se dissimuler ou à ne jouer qu’avec des proches. 

Etre une femme, comme être féministe (autrement dit : considérer que les hommes et les femmes sont égaux) ne devrait pas être une insulte. Le comportement du second « patriarche » en dit long sur ses opinions et sa vision des femmes.

Édité par Keela

Des bimbos pour booster les ventes

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Pour bien vendre le dernier numéro de février 2014 de « Video Gamer », quoi de mieux qu’une tripotée de « bimbos » ? Viens, toi, le lecteur sans jugement critique, viens te prendre plein de nichons (bien gros et rebondis) dans la figure !

Bien sûr, on aurait pu avoir des posters d' »aventurières », d' »héroïnes », de « femmes d’exception du jeu vidéo ». Non ! Nous avons droit au magnifique terme de « bimbos ».
Alors, qu’est-ce qu’une bimbo ?
Wiki nous dit : « Jeune femme superficielle qui prend exagérément soin de son apparence et sait jouer de ses charmes ; une ravissante idiote, une gourde sexy. »
Donc exit le cerveau, le jugement, l’esprit critique, la personnalité.
Les femmes dans le jeu vidéo, c’est des bimbos, peut importe leur rôle.
C’est bien dommage, car sur le poster, on peut apercevoir, entre autres, quelques phénomènes :
– Lara Croft, de Tomb Raider (non, ce n’est plus une aventurière, c’est une jeune femme superficielle) ;
– Nilin, de Remember Me (non, ce n’est plus une battante, c’est une ravissante idiote) ;
– Faith, de Miror’s Edge (pareil, il ne s’agit plus d’une femme aux capacités incroyables, dotée d’un caractère bien trempé, non, simplement d’une potiche).
– Elizabeth, de Bioshock Infinite (Une jeune femme intelligente, combattive et mystérieuse ? Non, une bimbo…)
etc.

Je ne considère pas que cela soit trop de s’énerver sur une telle couverture, quand on connait l’importance des goodies pour faire vendre un magazine.
Non.
Tous ces personnages détruits par UN SEUL MOT, c’est vraiment exaspérant. Résumer toute une variété de personnages par la simple qualification de BIMBOS, c’est terriblement sexiste, réducteur et méprisant.

« Viens lecteur, on t’offre du kiff sexuel, viens t’exciter sur des meufs trop bonnes, des vraies bimbos ! Oublie que ce sont aussi des personnages jouables, aux caractères complexes et particuliers, ne les prends que ce pour quoi elles ont été mises dans ce poster : le kiff de la bimbo ».

Merci les mecs.
Le pire, c’est que je les trouve vraiment beaux, ces deux posters. Ils me font envie. Parce que ces femmes sont belles, mais aussi parce que ce sont des personnages auxquels j’ai joué, que j’ai incarnés. Mais ce terme de « bimbo » détruit tout, car il est terriblement racoleur et salissant.

Je ne vois pas pourquoi on a préféré le mot « bimbo » à « aventurière », « héroïne » ou même « femmes », tout simplement.

Encore une fois, 52 % des joueurs sont des femmes… Et si on arrêtait de les prendre toutes pour des morceaux de viande faites pour appâter le mâle à manettes ?

Édité par Mar_Lard

Au Gros Objectif

J’ai déjà envoyé un article, mais des anecdotes me sont revenues. J’ai travaillé en tant qu’extra dans un laboratoire photo, deux fois deux mois d’été, et quelques jours par-ci par-là, ça aide toujours à arrondir les fins de mois d’étudiante.

Quand j’ai commencé, je ne savais rien du domaine de la photographie, rien, nada, à part appuyer sur le bouton et hop la photo était prise. Pareil en ce qui concerne le domaine de la vente, j’ai tout appris sur le terrain. A la fin du premier mois, j’étais au point sur les bases, et si jamais j’avais besoin d’aide, eh bah, j’allais en demander. Statuons d’abord que dans ces magasins, sur 5 magasins, 1 seul a pour responsable une femme, mais que quasiment tous les vendeurs sont en fait des vendeuses. Parce qu’il faut « bien présenter », alors que le responsable, lui, répond aux questions les plus techniques. Il y a 1 vendeur à temps complet, et un qui avait été engagé il y a deux ans mais qui a rapidement abandonné, alors qu’on lui avait donné le poste de responsable même si il n’était là que depuis peu et que d’autres, femmes donc, avaient plus d’expérience.

Je vous passerais mes expériences avec l’un des responsables, extrêmement macho et qui me donnait les tâches les plus ingrates tout en accumulant les blagues graveleuses, je pense que le sujet a suffisamment été abordé. De même pour tous les clients plus absorbés par mon sourire/mes yeux/ ma féminité avérée que par mon discours.

J’adorais mon boulot, et si je suis partie c’est plus par mésentente avec la direction que pour le travail en lui même. C’est un métier où les sentiments sont forts: souvent, des personnes copient de vieilles photos, de moments heureux, ou de personnes décédées, on développe des photos de voyage, des mariages, bref, le contact est extra.
Et il y a les autres personnes. Ceux qui s’y connaissent et le font savoir, ou qui ne s’y connaissent pas mais s’y connaissent forcément plus que la vendeuse de 17-18 ans (heureusement que je fais plus âgée, même si pas assez pour faire crédible, visiblement). Beaucoup m’ignorent pour parler directement à mon responsable parce que ces messieurs veulent le best du best. C’est à dire, un homme, un vrai, qui a de l’expérience dans la photo, domaine d’hommes, vu qu’il dirige une bande de nanas. Je n’aime pas ces clients qui ont décidé que je ne pouvais pas leur fournir ce dont ils ont besoin, même quand il s’agit de choses simples. A noter que des femmes aussi font partie de cette catégorie….

Parmi eux, un acteur français, on a qu’à l’appeler M.Objectif. Ce cher monsieur a déposé sa commande de photos pendant ma pause déjeuner. Quand je suis retournée travailler, ma collègue m’a annoncé « M.Objectif est passé, c’est un gros client, tout doit être fait pile à l’heure sinon il fera un scandale ». Ravie de le savoir, je ne sais pas qui est ce monsieur. Elle m’a dit dans quoi il avait joué, toute aussi ravie, un client, c’est un client, acteur ou pas.
Plus tard dans la journée, un monsieur entre dans le magasin. Mon responsable est à la production (il s’occupe du développement des différentes commandes), ma collègue déjeune, je suis au comptoir, je l’accueille.

« Bonjour Monsieur !
-….
-… Bonjour ?
-…
– Je peux vous aider ?
-… Non mais euh geste vague vers mon responsable qui n’a pas tourné la tête
– Je peux faire quelque chose pour vous ? »

Intérieurement, je commençais à m’agacer. Mon responsable se tourne vers moi et cingle : « C’est M.Objectif, il veut ses photos ». Suis-je bête, je ne l’ai pas reconnu, cet acteur que je ne connais pas. Les joues rouges de m’être faite rabaissée devant un client, je sors les fameuses photos, et lui donne, attendant qu’il les vérifie pour l’encaisser. M.Objectif décide d’étaler ses photos une à une sur le comptoir. Certes, excusez-moi, je vais faire autre chose pendant ce temps là, pas très envie de faire la potiche. Je me remets au travail, pendant qu’il contemple son oeuvre.
Mon responsable va pour partir déjeuner. M.Objectif le choppe par le bras et lui déclare (je m’en souviendrai TOUTE MA VIE) :

« J’ai besoin d’un avis macho et viril pour mes photos »

J’ai eu l’impression de recevoir une claque. Il ne m’avait pas adressé la parole, m’avait ignoré, s’était conduit en buffle, parce que Monsieur ne veut pas avoir affaire à une femme, point à la ligne. Mon responsable lui a donc prodigué ses conseils pour choisir des photos DE SES FILLES pour en faire des posters. Oui, oui, un avis macho et viril pour faire des posters des photos de ses filles et leur offrir. Le père rêvé, hein.

Posters que j’ai dû, en plein rush de l’après-midi, mettre sous cadre à une cadence effrénée.
Arrive M. Objectif en fin de journée pour récupérer ses posters, déjà payés. Il me lance « Si on pouvait faire vite, parce que je tourne, là. » Au cas où je n’aurais toujours pas compris qu’il était bien, bien, bien plus important que moi.

Sachez que M.Objectif est revenu, et que je l’ai reconnu. Je lui ai tout de même demandé son ticket pour récupérer ses photos, alors qu’il soupirait. Puis, je l’ai regardé droit dans les yeux sans jeter un coup d’œil à son ticket, que j’ai froissé, puis jeté à la poubelle avant de lui récupérer ses photos.

Acteur à la grosse tête, ça peut passer. Acteur misogyne à la grosse tête, faut pas déconner.

Oui, le responsable était macho aussi. Mais j’ai quand même très mal vécu qu’il ne me soutienne pas dans cette situation, alors que dans un autre magasin, un responsable aurait répondu « Je vous laisse avec ma collègue, elle est parfaitement compétente pour répondre à vos question », c’est arrivé, souvent même. En plus de me laisser tomber, il a même participé, par ses réactions, à me faire me sentir comme le dernier des chewing-gums dégueulasses collés sous nos chaussures. Il m’a fallu un an pour prendre assez confiance en moi dans ce métier pour commencer à le remettre à sa place, et à ne plus me laisser faire du tout par ce genre de clients.

Édité par Mar_Lard

Le test de la ménagère

Lundi 13 janvier 2014, Commitstrip – « le blog qui raconte la vie des codeurs » – récidive :

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« Le test le plus difficile à passer » : créer une appli que même ces bécasses de « ménagères » puissent comprendre…C’est bien connu que les femmes n’utilisent aucune appli Internet…Et c’est quand même plus simple de faire porter la responsabilité de ses échecs à l’utilisateur en recourant à des clichés sexistes éculés, plutôt que de s’appliquer à concevoir une interface ergonomique…

Je voudrais parler à UN technicien…

L’histoire qui suit m’est arrivée il y a quelques années. Petit placement de contexte : à l’époque j’étais formateur / consultant pour une grosse boite de télécommunication, et je supervisais des call center chez des partenaires. Une grosse partie du job consistait à aider la montée en compétence des employés de la hotline.

Ce jour là je faisais du tutorat avec une jeune femme sortie tout juste de formation et qui prenait ses premiers appels. C’était sa première expérience professionnelle, elle avait peu de qualifications et nous étions dans un bassin d’emploi totalement sinistré. En clair ce job était une grosse opportunité pour elle et elle se mettait une pression de dingue. Cependant, malgré ce fort stress décuplé par ma présence, elle assurait. Elle était appliquée, méthodique et mieux encore elle se montrait très prévenante envers les clients. Beaucoup d’ailleurs lui disaient que c’était plus agréable de parler a quelqu’un avec « une voix charmante » (ce qui est aussi sexiste d’une certaine façon, mais ça reste gentil comparé à la suite).

Au bout d’un moment, mon élève tombe sur un chef d’entreprise au langage châtié qui après lui avoir demandé si il était bien au standard insiste pour « parler à UN technicien ». Elle me regarde ne sachant pas quoi faire, je lui fait signe d’insister et de ne pas se laisser démonter. Elle prend une grande respiration et avec tout ce qu’elle à de confiance fini par décider le client à lui exposer son problème.

Cependant ce dernier est de bien mauvaise volonté : il lambine, il grogne, se plaint tout le temps, bref il montre bien qu’il n’est pas content d’avoir à faire à une femme. Il n’insultait pas mon élève mais à mes oreilles c’était tout comme tellement il la prenait de haut. Je voyais bien à quelle point elle perdait confiance en elle, minée par le blabla de l’autre blaireau. Elle me demanda alors si je pouvais la remplacer et finir de m’occuper du client car elle « n’était pas au niveau ».

Je lui ai donc demandé de dire à ce client qu’il allait être rappelé d’ici 20 min. On fait une petite pause et après nous être un peu vidé la tête à la machine à café, je lui demande ce qui s’est passé. Elle se confond alors en excuses, dit qu’elle n’était pas assez bonne techniquement, que l’informatique c’est pas un truc pour une femme et qu’elle était désolée d’avoir « loupé » ce client…

20 minutes passent, et je propose à mon élève la chose suivante : c’est moi qui allait rappeler le client, mais j’allais juste lui servir de « voix ». Je ne ferais que suivre ses consignes pour donner des infos au client.

Forcément, dès lors qu’il entendit une voix d’homme, le client devint doux comme un mouton, et docile comme un lapin nain. Plus risible encore, il louait ma maîtrise technique et mon aptitude à comprendre son problème alors que si j’avais vraiment été aux commandes, le ton aurait été bien plus sec. Au bout du compte, le client fut ravi de la façon dont son problème fut réglé, et me lança le crapuleux sous-entendu que « c’est quand même mieux quand c’est quelqu’un de compétent qui s’en occupe ».

Mon élève réalisa alors que c’était le client qui avait un problème, et que ce n’était pas elle qui devait se remettre en cause. Pour ma part, je venais d’être témoin de quelque chose qui me stupéfia : j’avais fait ce job pendant des années et je n’avais jamais été confronté à ce cas de figure.

C’était sans doute l’une des premières fois que je réalisais que le sexisme ordinaire est une véritable pénalité dans le monde du travail. Malheureusement ça n’allait pas être la dernière, et les années suivantes j’eu moult nouveaux exemples du même acabit.

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[Note de Mar_Lard]
Ce témoignage montre bien les dégâts insidieux de la discrimination sur l’estime de soi…Voici comment, à force d’ostracisation méthodique, à coups de micro-humiliations normalisées jusqu’à être intégrées par la victime elle-même, on en vient à des clichés autoréalisateurs tels que « l’informatique, c’est pas un truc pour une femme ».

Édité par Mar_Lard

Le logiciel libre se conjugue au masculin

[Mise à jour – 24/01/2014]

La publication de cet article ne fait pas l’unanimité chez l’équipe MHFreq. Après discussion, une majorité de modérateurs estime que cette contribution n’aurait pas dû être publiée. La question du langage non-sexiste est complexe et le débat fait rage même chez les féministes. Le caractère problématique du premier mail publié ici n’est donc pas évident, même si la discussion qui s’ensuit révèle effectivement un certain conservatisme du milieu. MHFreq ayant vocation à être pédagogique et grand public, cette contribution ne nous semble donc pas forcément adaptée à notre ligne éditoriale, voire même contre-productive étant donné qu’elle suscite l’incompréhension de notre lectorat.
Nous ne souhaitons pas retirer un article une fois publié, mais il nous semblait important d’apporter ces précisions.

Janvier 2014, non-échange par mails sur le sexisme dans le Logiciel Libre :

Le groupe d’utilisateurs de Logiciels Libres xxx en collaboration avec xxx proposent aux sympathisants de se retrouver l’un des mardis ou jeudis de chaque mois (selon calendrier) pour échanger autour du Logiciel Libre et des réseaux libres, discuter de nos projets respectifs et de lancer des initiatives locales. Ce repas est ouvert à tous, amateurs de l’esprit du Libre, débutants ou techniciens chevronnés.

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Bonne année et merci pour l’invitation xxx,
Je note que le mail que tu as envoyé utilise des termes uniquement masculins.
Peut-être est-ce parce qu’il n’y a que 1,5% de femmes qui développe dans le logiciel libre contre 8% dans le logiciel privatif et qu’il n’y a donc pas nécessité de s’adresser à un si petit nombre ?
Qui sait, par ce mail si l’idée que l’égalité dans ce secteur serait un tout petit peu aidée pourrait germer… ne serait-ce par exemple qu’en modifiant la grammaire de représentation employée? Oui, les utilisateurs, sympathisants, amateurs, débutants techniciens, chevronnés ou pas peuvent aussi se conjuguer au féminin, comme une invitation à toutes celles qui ne peuvent se représenter dans le logiciel libre, toujours vu et montré sous l’angle d’un tas de barbus boutonneux… ZZZ

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Bonsoir ZZZ,
Voyant ton message je ne peux m’empêcher d’y répondre car je suis profondément exaspéré des dérives sémantiques que l’on observe de nos jour au nom de prétendue équité.

En français les noms communs ont un genre masculin ou féminin. La représentation neutre d’un mot n’existant pas, lorsque celui-ci qualifie une personne sexuée c’est la forme la plus simple d’écriture qui est choisie. Je parlerais donc pour ne froisser personne de la forme canonique. Par exemple l’adjectif « beau » (canonique) est plus compact qu’en mode décliné au féminin « belle » et l’osque l’on vise une personne sans en connaître le sexe à priori on se rabat sur la forme canonique.
Certains mouvements féministes, n’acceptant pas cette règle élémentaire de simplification dans l’expression orale et plus généralement dans la communication, exigent que tous les termes soient déclinés sous les deux formes ; ainsi on ne dit plus madame le maire mais madame la mairesse (terme que je trouve personnellement fort déplaisant et qui qualifie initialement la femme du maire en non l’élu du peuple). Personnellement je ne me suis jamais senti choqué de voir que l’on m’identifie comme UNE PERSONNE et ne revendique pas l’existence du mot « person » pour cela (c’est pas bô).

S’il faut dupliquer tous les termes dans les deux formes FÉMININ/MASCULIN pour satisfaire tout-le monde les textes deviendront lourds et indigestes pour un apport nul voire négatif.
Le langage est la pour la communication et d’ailleurs on dit une grenouille et un crapaud, or la grenouille mâle existe ainsi que le crapaud femelle, idem pour la girafe… mais que font les défenseurs des animaux ?

À compliquer les choses simples on finit par les délaisser, mais rassurons-nous, dans quelques décennies la forme neutre existera enfin dans la langue parlée officiellement dans ce pays car l’anglais aura fini de se répandre en occident tandis que nous seront, parlant notre patois franco-latin tels les vieillards que furent nos grands-parents, les derniers témoins de cette époque baignant dans une culture machiste. Tiens macho ça veut dire mâle en espagnol, tandis que la femelle c’est « hembra ». Parle-t-on d’attitude HEMBRISTE… faudrait inventer le nom !

Inscris-toi et viens au XXX ce jeudi afin que nous puissions échanger sur le sujet…

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Non M,
ce que tu écris n’est pas recevable, c’est toujours et encore la même litanie des dominants qu’il faut se farcir, ce que tu écris est toujours et encore la même violence dans la non reconnaissance des femmes.
Je trouve incroyable que tu ne puisses pas entendre ce que j’écris, la responsabilités des organisateurs de ces manifestations n’est donc jamais à remettre en cause? Lorsqu’une femme se donne la peine d’évoquer les inégalités patentes et propose une solution simple et facile à mettre en place, ta seule réaction est que tu lui retournes le discours de l’excédé des dérives sémantiques et d’une soit-disant règle élémentaire de simplification? Mais qui a édicté cette règle? Qui l’applique à ce point que ton texte est exclusivement adressé au masculin? Cela ne te questionne donc pas plus que seulement 1,5% des développeurs du libre soient des femmes? Cela ne te dérange pas?
Tu restes persuadé de ton bon droit, de la force de TA neutralité, mais tu n’as jamais eu à subir le sexisme du libre, ben oui, tu es un homme, et je n’ai absolument aucune envie d’échanger dans ces conditions stupides de non discussion,
il faudra que tu commences par avancer un peu sur la question de l’égalité avant que je vienne échanger en face à face avec toi.
Pour info, Je publierais sur seenthis cet échange de mails en l’anonymisant si cela te dérange d’être nommé. ZZZ

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Deux réponses :
1. Pour faire simple soyons brèves et brefs.
2. Pour vivre heureuses, heureux soyons cachées, cachés. Je n’ai aucune avidité médiatique et laisse gloire et célébrité à celles et ceux qui ne peuvent s’en passer.

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Voila, je souhaitais que cet échange soit inscrit ici, parce que pour moi il est extrêmement violent et représentatif de ce que les femmes dans le libre s’entendent répondre en rigolant quand elles parlent d’égalité. Incommunication, sexisme et colère, j’ai pourtant bien tenté d’en parler avec des mots si simples à modifier, du coup je suis totalement dégoutée et je n’ai carrément aucune envie de participer à ces rencontres.

Cet article est également visible sur seenthis.

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Sur le sujet du langage non sexiste, vous pouvez lire ces deux articles qu’on ne rappellera jamais assez: Guide du langage non sexiste chez Madmoizelle et Féminisation de la langue: quelques réflexions théoriques et pratiques chez Genre!.

Édité par Alda