Les technologies, un milieu d’hommes (marge d’erreur : 2%)

Le programme du BreizhCamp 2014 vient de sortir : 2 jours et demi de conférences et ateliers à Rennes pour découvrir et parler de technologies (Java, Ruby, HTML5…). Le hic ? Une seule femme est intervenante, contre une cinquantaine d’hommes.

Le BreizhCamp fonctionne par un système de soumissions volontaires : les organisateurs reçoivent des propositions de talks et sélectionnent ceux qui leur semblent les plus pertinents. Ici, l’inégalité est flagrante, bien plus importante que la proportion réelle de femmes dans le domaine. Que le biais vienne de la sélection (comité composé essentiellement d’hommes), des propositions reçues, de la communication en amont ou du déficit de femmes dans le milieu, le fait est qu’il y a une sous-représentation des femmes dans la technologie.

Le déficit paritaire flagrant était déjà présent lors des deux précédentes éditions, que ce soit au niveau des intervenant·e·s que des participant·e·s. Personne ne semble prendre conscience du problème ou même percevoir qu’il s’agit d’un problème.

Malgré quelques « maladresses » (photos ou ton déplacé), la communication du BreizhCamp est plutôt neutre – en tout cas difficilement qualifiable de sexiste ou machiste. Cependant, le constat est là : les femmes désertent ce type d’événements. La neutralité est-elle suffisante pour permettre aux femmes de s’approprier ou se réapproprier ce domaine ?

Dernière chose : un des talks animés par la seule intervenante se nomme « Une fille dans mon équipe ? » et veut mettre l’accent sur la visibilité des femmes dans le milieu de la technologie. Ironique, non ?

[ERRATUM] Il y a en fait trois femmes sur la cinquantaine d’intervenants : Cécilia Bossard, Claude Falguière et Ly-Jia Goldstein.

Jeux de combat et complaisance journalistique

Le 15 avril 2014, Bandai Namco a publié une vidéo du prochain Soul Calibur, nous présentant le personnage de Taki :

Bien entendu, l’hypersexualisation des personnages féminins dans les jeux de combats, aux poitrines totalement improbables et aux corps infiniment souples, capables de se contorsionner de façon irréaliste est régulièrement dénoncée, notamment sur ce site, ainsi il ne s’agit pas uniquement dans cet article de répéter ce qui a déjà été dit.

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Ce qui m’intéresse à partir de maintenant sont les réactions des (gros) sites de jeux vidéo généralistes français. Au moment où j’écris cet article (2 jours après la sortie de la vidéo), j’ai exploré les sites suivants :
jeuxvideo.com
jeuxvideo.fr
Gameblog
jeuxactu.com
Le journal du gamer
Seuls jeuxvideo.com, Gameblog et jeuxactu.com ont actuellement publié une news concernant la vidéo en question, et les réactions sont toutes très similaires. Les autres n’ont pas (encore) parlé de la vidéo.
Ainsi, jeuxvideo.com nous renomme la vidéo avec un petit jeu de mot « Taki plus en formes que jamais » et commente « C’est au tour de Taki de mettre en avant ses gros atouts dans le prochain SoulCalibur free-to-play. »
Plus sobrement, Gameblog conclut sa news par « Qu’à cela ne tienne, on vous laisse profiter de la démonstration de force de Taki car elle a des arguments de poids. »
Quant à jeuxactu.com, le style est plus franc « Taki dévoile ses gros atouts en image et en vidéo ».
Sur les trois sites (qui sont parmi les plus fréquentés sur ce sujet, rappelons-le) qui ont parlé de la vidéo, les trois se sentent obligés de commenter avec humour la poitrine de la combattante. Aucun ne se sent obligé de dénoncer ce genre d’hyper-sexualisation, ou alors d’avoir au moins la décence de ne pas en rire avec complaisance.

En bonus et pour conclure cet article je vais passer en revue deux arguments qu’on a pu me tenir lors de discussions animées ou que je j’ai pu lire parfois, censés nous expliquer pourquoi les jeux de combats présentent de tels stéréotypes. Ainsi, ces arguments ne cherchent généralement pas à nier, mais plutôt à justifier la chose, ou en diminuer la gravité, ou alors se déresponsabiliser. Je vais donc les commenter l’un après l’autre. Je précise également que c’est ma vision personnelle de la chose, et l’on peut certainement me compléter.

– « Certes, les femmes des jeux de combats sont sur-sexualisées, mais tu oublies que les hommes subissent le même traitement : gros muscles, etc… ! » Certes, mais ce n’est pas équivalent : les femmes des jeux de combats sont clairement modélisées pour le regard masculin. Cependant, les personnages masculins ne sont pas destinés au public féminin. Les grognements et muscles bien virils sont également destinés aux hommes, censés vouloir incarner un personnage qui répond à des critères de masculinité idéale.

F2OpBUk

– « Certes, les femmes des jeux de combats sont sur-sexualisées, mais tu oublies qu’en même temps c’est des femmes fortes, autant que les hommes qu’elles affrontent ! » Ma première réaction quand j’entends ce genre d’argument : « Encore heureux, étant donné que la base d’un bon jeu de combat est l’équilibre ! » Ma seconde est que le fait que les femmes présentées soient fortes n’efface pas le sexisme dans leur représentation. Une femme ne peut-elle pas être forte sans pour autant avoir des caractéristiques sexuelles aussi exacerbées ? Les deux choses sont-elles fatalement indissociable ? De plus, je ne joue pas beaucoup aux jeux de combats, mais j’ai pu remarquer que le style de combat des personnages féminins est souvent très sexué lui-aussi, avec une forme d’érotisation du combat : souplesse, déformations corporelles excessives…. La technique de « je t’enlace les jambes autour de la tête » semble également faire partie de leurs techniques ancestrales. D’une manière générale, alors qu’un homme utilisera ses poings, sa force brute, une femme  aura plus tendance à utiliser son corps directement, allant pleinement au contact de l’adversaire.

Quoi qu’il en soit, la représentation des femmes dans ces jeux me paraît très problématique, et quand je vois les derniers jeux de combats qui sortent, je n’ai pas l’impression qu’il y ait la moindre amélioration de ce côté-là, comme si le jeu de combat pouvait indéfiniment échapper aux critiques, de plus en plus nombreuses et construites, de la représentation sexiste des femmes, là où d’autres jeux commencent éventuellement à faire des efforts.

Nathaniel
Édité par Mar_Lard

Xcom : quand le sexisme est dans la traduction

Depuis quelques temps, je découvre le jeu XCOM : Enemy Unknown. Dans ce jeu, il faut constituer une petite équipe de militaires (entre 4 et 6 personnes) pour vaincre une invasion alien. Certes, le scenario ne casse pas trois pattes à un canard, mais ce qui rend le jeu intéressant c’est de voir évoluer son équipe, de s’’y attacher, et d’éviter de les voir mourir. En effet, la mort est permanente. On fait donc de notre mieux pour les protéger, en sachant que toute erreur peut être fatale.

Afin de permettre une plus grande proximité avec notre équipe, le jeu crée aléatoirement des personnages très différents : ils ont tous un nom, un pays d’origine, un genre, une couleur de peau spécifique. C’est d’ailleurs ce que j’ai apprécié en premier dans le jeu : il y a environ autant de femmes que d’hommes, de nombreux pays d’origine, etc. Bref une vraie diversité.

Lorsque le personnage monte en grade, il gagne également un surnom. Ce surnom est choisi dans une liste d’une grosse trentaine selon sa classe et son genre. Certains sont mixtes ou presque (par exemple « Lapin » et « Lapine », ou « Chaussette », oui chaussette, qu’on retrouve dans les deux genres). J’ai donc vu tomber les surnoms petits à petit. Viking, Combo, Vampire, Disco… Jusqu’à voir « Blabla » sur une des femmes.

Différents surnoms: Viking, Combo, Disco, Vampire et… Blabla

J’ai été étonnée, vu le niveau plutôt correct du jeu niveau sexisme en général. A ce moment là, je ne connaissais pas la liste des surnoms, et j’ai donc cherché dans les fichiers du jeu si elle existait et, si oui, si les surnoms étaient neutres ou genrés.

De fait, la liste est bien scindée en deux, avec des nicknames pour les hommes, et d’autres pour les femmes. Et en la parcourant, je vois deux autres surnoms bien stéréotypés : « cuisinière » et « poupée »

Outre le côté problématique de ces trois surnoms, ils sont surtout étrangement seuls, dans une liste tout à fait acceptable. C’est sans doute cela qui m’a mis la puce à l’oreille, mais j’ai eu envie de comparer la liste française à la liste en VO. Ce qu’on y voit est assez étrange. La plupart des noms sont traduits le plus simplement, certains n’ont simplement pas changé, mais les deux surnoms spécifiquement gênants n’ont rien à voir avec la version d’origine :

  • “Blabla” était à l’origine “Cairo”
  • “Cuisinière” était à l’origine “Skinner”
  • “Poupée” était à l’origine “Voodoo”

Alors que j’allais accuser le jeu de sexisme facile, il semble que la faute incombe à l’équipe de traduction. Chacun peut d’ailleurs le vérifier facilement dans les fichiers du jeu. Je comprends qu’on puisse avoir du mal à traduire ou adapter « Cairo », mais « Blabla » ? Et « Skinner », un classique des films américains, devenir « Cuisinière » alors qu’il aurait suffit de le laisser comme ça et qu’il a été traduit pour les hommes par… « Dépeceur » ? Quand à « Voodoo », qui reste « Vaudou » pour un homme, et devient « Poupée » pour les femmes parce que « poupée vaudou ahah qu’est-ce qu’on se marre » ?

Je ne dis pas que Xcom est parfait, avec son ambiance militaire, mais il faut reconnaître un qu’un vrai effort a été fait au niveau des représentations. Je trouve donc d’autant plus triste que l’équipe de traduction se soit visiblement fait plaisir pour ajouter volontairement du sexisme là où il n’y en avait pas à la base.

Gine de Dragon Ball, petit cordon bleu au tranchoir selon Konbini

Je suis tombée, en ce beau 8 avril 2014, sur un article du site Konbini.fr (Dragon Ball : 30 ans après, Akira Toriyama dévoile la mère de Sangoku) dévoilant aux yeux de nombreux fans de Dragon Ball, dont je fais softement partie, qui est la mère de Sangoku.

L’auteur, pour ne pas le paraphraser, nous dit :

Depuis la création de l’univers en 1984 jusqu’aujourd’hui, personne n’avait jamais vu la génitrice du jeune guerrier Saïyen. Et si l’on connaît son balafré de père, à l’âpre nom de Baddack (ci-dessous en image), la figure maternelle n’est quasiment jamais évoquée lors de l’intrigue. Les fans français ont pu découvrir la mère de Sangoku pour la première fois grâce à un tweet de @Newsmangajapon, dont l’image intégrée est reproduite ci-dessous.

Jusqu’ici, je n’ai pas grand-chose à redire, à part tout de même qu’il ne s’agit pas de « Baddack » mais de « Bardock. » Je suis plutôt excitée d’en apprendre plus sur la mère de Sangoku mais je déchante rapidement à la vue de la fameuse image, ou plutôt de la légende qu’en a fourni l’auteur. Quelle n’est pas ma surprise de lire : « Gine, la mère de Sangoku, qui prépare une sorte de dîner et serre son homme Baddack dans ses bras (Crédits image : Akira Toriyama). »

Dessin de la mère de sangoku accompagné de sa légende sexiste: « Gine, la mère de Sangoku, qui prépare une sorte de dîner et serre son homme Baddack dans ses bras »

Je regarde à nouveau l’image, puis encore une fois la légende, de nouveau l’image, la légende, l’image, la légende, etc. Non, décidément, il y a un problème. Vous ne le voyez pas ? Je pense que les plus attentif/ves d’entre vous ont déjà deviné… Oui, vous avez bien vu : mais à partir de quoi donc peut-on conclure de l’image de Gine qu’elle est en train de cuisiner un repas ? D’accord, vous ne parlez pas japonais, mais je vous rassure, moi non plus et pourtant une analyse un minimum fine de l’image suffit à elle-seule à comprendre que la légende ne décrit absolument pas correctement Gine. Cette légende n’est que le résultat des stéréotypes sexistes et des idées préconçues de l’auteur qui veut qu’une femme qui touche à des aliments est forcément en train de faire la popote, bien entendu pour son guerrier de mari, qui doit être bien fatigué d’avoir bastonné des ennemis pendant son voyage.

Observons de plus près l’image, ce que j’ai fait et refait dans un premier temps pour être bien sûre de moi. Observez la nudité de la salle (pas très cosy pour un chez-soi). Observez la rue sur laquelle donne cette pièce à ciel ouvert, pleine de badauds. Observez la femme qui choisit une tranche sur l’étal de viande. Observez la quantité industrielle d’os jeté dans le coin « poubelle ». Observez l’absence d’autres ingrédients permettant de mitonner un repas.

Non, décidément Gine ne fait pas « une sorte de dîner ». Aucun élément ni de l’image seule ne nous permet de faire une telle extrapolation. Gine semble tout simplement être bouchère.

Il est très facile de sortir l’argument habituel, mais qui pour le coup fonctionne très bien : un homme, dans cette situation, aurait-il été décrit comme préparant « une sorte de dîner ? » Absolument pas, on l’aurait immédiatement replacé dans son contexte : au travail dans une boucherie.

J’ai immédiatement fait part de mes réflexions sur la page Facebook de Kombini FR et je leur ai interpellés sur Twitter. L’auteur m’a gracieusement répondu, d’une réponse qui, au-delà de l’erreur de légende, nécessite une analyse à elle seule, tellement elle est représentative du sexisme dans lequel la geekosphère baigne.

Bonjour Solène,

C’est moi-même qui ai rédigé l’article. Je peux vous assurer qu’en aucun cas je n’ai sous-entendu une quelconque remarque sexiste liée à la condition de femme de Gine.

Après, comprenez que je n’y suis pour rien : elle prépare effectivement la nourriture. Aussi, les femmes sont souvent reléguées à ce rôle dans Dragon Ball, une série assez peu progressiste en matière de couple. Souvenez-vous : Chichi, la femme de Sangoku, est une caricature de femme au foyer, réduite au ménage et à la cuisine. Encore une fois, je n’y suis pour rien.

Ce n’est pas moi qui suis sexiste. C’est peut-être plutôt la situation dans laquelle Toriyama illustre certains de ses personnages qui vus gêne.

Bien à vous,

Theo

J’ai trouvé cette réponse de très mauvaise foi. Non seulement il ne prend absolument pas en compte l’environnement dans lequel Gine est représenté et que j’ai décrit mais il prend pour prétexte que si une autre femme est une caricature de la bonne ménagère, alors les autres femmes, donc Gine, doivent elles-aussi être pareilles. Or Chichi est plutôt une exception parmi les personnages féminins de Dragon Ball. Si le manga n’est effectivement pas du tout dénué de sexisme (personnages féminins minoritaires, machisme des personnages masculins, etc.), les femmes y ont souvent des caractères travaillés et intéressants, qui ne les réduisent pas au rôle de ménagère. Bulma est une inventrice hors-pair et a un sacré caractère. Lunch a une double personnalité, tantôt douce et naïve dans sa version cheveux foncés, tantôt vulgaire et violente dans sa version cheveux clairs. C-18 est une guerrière qui ne ménage pas son compagnon Krilin. Il y en a d’autres mais, à part Chichi, peu de personnages féminins peuvent se résumer à faire la popote à la maison.

Voici le raisonnement à l’œuvre : parce que les femmes sont généralement comme ci ou comme ça, je peux me permettre de ne pas prendre en compte les particularités de chaque individue dans une situation donnée et la déposséder de ses véritables attributs… Pire, l’auteur prétend que sa description sexiste est le fait d’Akira Toriyama sur lequel il se dédouane totalement alors qu’il l’a totalement inventée, aveuglé par une mentalité sexiste, qui sera ensuite largement véhiculée. L’article a en effet été partagé pas moins de 19 000 fois.

J’ai répondu sur Facebook avec davantage d’arguments encore. Les fans Français n’ont apparemment pas tardé à récupérer des scans du chapitre et à en faire une traduction en français. Il n’y est nulle part question d’un quelconque dîner ou de quelqu’autre élément permettant de conclure péremptoirement que Gine en cuisine un.

De plus, la biographie de Gine a été éditée le 9 avril 2014 sur Dragon Ball Wiki. Ironie de la chose, la même image de Gine est ainsi légendée : « Gine working at the meat distribution center ». Gine est soldate et employée de boucherie. Exit le dîner, je pense qu’on ne peut pas être plus clair.

Légende sur dragonball.wikia.com : « Gine working at the meat distribution center »

Pour conclure, « Gine, la mère de Sangoku, qui prépare une sorte de dîner et serre son homme Baddack dans ses bras » est une légende qui à elle-seule résume parfaitement le stéréotype sexiste pesant sur la fêêêêêêêêmme parfaite dans la société patriarcale. La Sainte Trinité : mère, ménagère et épouse de..… C’est aussi simple que ça, et c’est plus que lourd.

Édité par Alda

Canard PC, les femmes et les Sims

Dans le numéro de Canard PC d’avril 2014, on peut lire dans les pages « Utilitaires » cet article d’Ackboo :

sexisme CPC

Cette petite blague est doublement problématique, car elle sous-entend d’abord que les femmes ne jouent qu’aux Sims, jeu »casual » par excellence (vous le voyez le mythe de la fake gamer girl en arrière-plan ?), sur le PC de leur mec, parce qu’elles, elles n’en possèdent pas. Ben oui, l’informatique, c’est compliqué pour nos pauvres cerveaux.

Ensuite, l’auteur semble considérer que le lectorat auquel il s’adresse est composé uniquement de lecteurs masculins et hétérosexuels (à moins qu’il pense inclure les lesbiennes gameuses dont les copines jouent aux Sims sur leur PC, mais étrangement j’en doute).

Vous vous souvenez du dossier d’il y a quelques mois sur le sexisme chez les geek, dans ce même journal ? Moi oui. Eux, pas tellement, on dirait.

Édité par Mar_Lard

L’affaire Jade Raymond

Aujourd’hui, je souhaite parler de ce que j’oserai appeler l’affaire Jade Raymond, une productrice de jeux vidéo.
Si les développeuses et plus généralement les femmes qui travaillent dans le milieu des jeux vidéo sont souvent victimes de sexisme, le cas dont j’ai envie de parler me semble battre des records.
Connaissez-vous Jade Raymond, ancienne développeuse chez Sony, puis EA, maintenant productrice chez Ubisoft ?
L’autre jour, je suis tombé sur ce vieux sujet de 2012 où une bande d’hommes font un débat pour savoir si c’est une vraie ou une fausse développeuse, chacun y allant de sa petite analyse, de sa petite validation positive ou négative personnelle. Oui, car voyez-vous, Jade Raymond est atteint d’une grave maladie, elle est jolie, ce qui en fait nécessairement une femme qui profite de son physique pour obtenir un poste plus élevé, et qui n’a pas la moindre compétence réelle.

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Après avoir lu ça, j’aurai pu m’arrêter là, me dire que le 15-18 de jeuxvideo.com n’est pas spécialement réputé pour son féminisme et son intelligence. Mais je voulais en savoir plus. Une recherche « Jade Raymond » dans les news du site nous donne un panel de résultat que l’on peut classer aisément en deux catégories. Les articles qui ne contiennent pas de photo de la productrice car traitant d’un jeu produit par elle, et ceux qui en contiennent une, car traitant directement de Jade Raymond. Dans le premier cas, les réactions sont les réactions habituelles des true gamers : mauvaise humeur, ça suffit les DLC trop cher, le jeu trop casual, etc… Dans le second, la plupart des commentaires concernent le physique de Jade Raymond, avec validation ou pas de celui-ci. Je vous mets les PREMIERS commentaires d’un article de 2009 la concernant, intitulé « Jade Raymond déménage », article relatant simplement sa promotion au sein d’Ubisoft :

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Même la rédaction de jeuxvideo.com s’y met dans la news de 2007 « Assassin’s Creed franchit la limite », qui ne concerne même pas la productrice :

Assassin's Creed franchit la limite

Ce n’est pas encore du niveau de Joystick, mais avec un peu d’entrainement, je suis sûr que vous pouvez y arriver !
Heureusement, un modéré vient immédiatement rappeler à jeuxvideo.com son devoir d’information (encore une fois, c’est le premier commentaire, pas besoin d’aller chercher la petite bête) :

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Bon, j’ai assez tapé sur jeuxvideo.com. Inutile de dire « nan mais c’est juste la communauté jvc qui est pourrie, tu vas sur XYZ.com la communauté est bien plus saine », car 1. Jeuxvideo.com est de TRÈS loin le site de jeux vidéo français le plus fréquenté et 2. on trouve des news et forums similaire sur les autres sites du milieu, de jeuxvideo.fr jusqu’au forum hardware.fr, où s’entassent sans modération aucune les propos tels que « C’est vrai qu’elle est bonne la nana », ou le victim-blaming « M’enfin, si elle s’affiche partout avec son sourire Ultra bright, qu’elle ne s’étonne pas de faire l’objet de critiques ». Quelqu’un d’un peu plus raisonné, essaie quand même de rappeler « qu’on ne devient pas productrice en claquant des doigts », mais on lui répond assez rapidement « Par contre en couchant oui ».

Du côté des anglophones, un rédacteur de Kotaku rédige cette news « Jade sent jolie au London Game Fest »:

Jade Smells Pretty At London Games Fest

« Les visiteurs du London Game Festival ce week-end auront la rare opportunité de s’approcher assez de Jade Raymond d’Ubisoft pour baigner dans la chaude odeur fleurie qu’elle laisse partout où elle passe. Elle fera une apparition au magasin HMV sur Oxford Street Samedi après-midi pour promouvoir un jeu à propos d’assassins qui font quelque chose, peut-être tuer ce groupe qui chante la chanson « Can You Take Me Higher ». Le communiqué de presse ne parle pas de démonstration de nouveaux niveaux de la dernière version du jeu, mais cela n’a pas d’importance. Personnellement, j’espère qu’elle annoncera un nouveau jeu où tu bouges juste la caméra autour d’un modèle 3D de sa personne pendant des heures. Je paierai des centaines de dollars. Ou de livres. Des livres de dollars. Lisez la suite pour le communiqué de presse considérablement plus sain. »

Plus tard en 2011, c’est cette photo qui montre Jade Raymond devant son équipe qui a rapidement été transformée :

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« Beauté : Parce que le travail, c’est pour les losers derrière toi »

En parlant de 2011, je suis tombé sur un bien étrange montage sur un Gameblog (indépendant de la rédaction du site). Le blogueur prétend qu’il « a fait l’amour à Jade Raymond », et s’excusant de ne pas pouvoir « décemment pas vous montrer une photo en pleine action voici un cliché pris en studio un quart d’heure plus tôt (ou pas). Je tiens d’avance à m’excuser auprès de Jade Raymond (qui n’a rien demandé) pour cet odieux montage… » En effet, elle n’a rien demandé, et c’est pourquoi je ne le diffuserai pas ici. Il s’agit d’un photomontage de Jade Raymond posant nue devant le blogueur.

On arrive maintenant à ce pourquoi j’ai voulu véritablement écrire cet article. Cette fois-ci, les événements datent de 2007, peu de temps après la nomination de Jade Raymond comme productrice chez Ubisoft.
Sur le forum Something Awful a été diffusée une bande dessinée très courte mettant en scène une Jade Raymond incompétente, tentant de vendre le premier Assassin’s Creed sur lequel elle travaillait en se prostituant explicitement à une bande de nerds : une fellation en échange de l’achat du jeu. Le contenu est explicitement pornographique et extrêmement insultant pour la productrice.

Cette bande dessinée a immédiatement fait réagir Ubisoft qui en a exigé le retrait sur certains sites où elle a été posté. Cependant, celle-ci est toujours accessible sur le web en 2014. On la trouve aisément sur internet avec une simple recherche (filtrage activé ou non). Ce qui signifie que toute personne souhaitant se renseigner honnêtement sur Jade Raymond peut, encore aujourd’hui, tomber sur cette horreur…

Les réactions sont assez mitigées sur les communautés anglaises, même si j’ai l’impression que la plupart des gros sites ont condamné la chose. Pour les blogueurs, c’est une autre histoire. J’en ai trouvé qui hébergeaient directement l’image, d’autres qui expliquaient comment la voir. L’un nous explique même que c’est la faute d’Ubisoft :

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« Merci Ubisoft d’avoir nui à l’image des femmes dans l’industrie du jeu vidéo en faisant de Jade Raymond un sex-symbol.
Pourquoi ne pas admettre que ton département Relations Publiques s’est foiré, et que ces réactions étaient entièrement prévisibles ?
Assassin’s Creed allait de toute façon se vendre de son propre mérite, mais il a fallu que tu fasses le malin, hein.
Ubisoft, tu es entièrement responsable pour ça. »

Les communautés françaises ont été plus silencieuses. Aucun mot sur jeuxvideo.com ou jeuxvideo.fr par exemple. Cependant, Gameblog en a fait un article qui … vaut le détour. Vraiment. Intitulé « Jade met pas ce genre de truc », je vous laisse l’apprécier :

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Pratiquement chaque phrase de cet article est une monstruosité. Dès le titre :
– « Jade met pas ce genre de truc » : d’abord, monsieur de Gameblog, on se fout de ce que met Jade Raymond dans sa vie privée;
– « Ubi s’attaque à une parodie graphique de Jade » le mot parodie n’est pas anodin, il sous-entend que Jade Raymond a vraiment un comportement de ce genre, et qu’il ne s’agirait donc juste que d’une simple exagération satirique; elle aurait une certaine part de responsabilité.

Je remarque que Jade Raymond est ici familièrement appelée Jade, sans nom de famille. Le premier paragraphe raconte l’histoire, en précisant que le visage de Jade Raymond est le « (joli) visage promotionnel du tout récent Assassin’s Creed », en insistant sur le côté « parodique » (donc relativement vrai au final : son visage à bien servi à vendre la série, selon eux). Dans le second paragraphe, ils précisent qu’ils ne peuvent pas héberger la BD ou la diffuser, mais on devine qu’il s’agit là avant tout de raisons légales et non éthiques puisqu’ils s’empressent de fournir un lien, toujours fonctionnel… près de sept ans après ! Ils nous préviennent également que la BD n’est pas si drôle, ni si pornographique que ça, zut alors. C’est vrai que c’est dommage, elle ne fait « que » des fellations à des hommes pour vendre ses jeux; c’est drôle, mais ça aurait l’être plus ! Hilarant, une professionnelle du jeu vidéo traitée ainsi.

Personnellement, je souhaite à Jade Raymond la meilleure continuation possible; sans jamais avoir vu son visage avant la semaine dernière, j’ai acheté Assassin’s Creed I et II il y a longtemps et j’ai passé un très bon moment devant ses jeux.

Pour aller plus loin :
http://www.feministe.us/blog/archives/2007/11/19/the-trouble-with-jade/
http://geek-woman.com/wordpress/2007/11/20/the-jade-raymond-controversy-video-interview-details/

Edité par Mar_Lard

Les filles, ça fait rien qu’à parler et manger des cupcakes !

Il y a quelques jours, Blizzard a sorti l’extension de son jeu Diablo III. Naturellement, vu la qualité et la popularité du titre, des millions de joueurs afflue et découvrent le nouveau contenu ; parmi les nouvelles additions, on a le droit à un nouvel acte dans la narration du jeu (acte V).
Et comme à son habitude, Blizzard a truffé l’extension de nouveaux Hauts-Faits (ou « Achievements ») ce qui permet une expérience de jeu plus fun, parsemée de petites récompense, voire rallongée pour les collectionneur. Or dans l’acte V, un des Hauts-Faits consiste à débloquer toutes les options de dialogues auprès des compagnons (personnages non joueurs) du héros.

Mais apparemment, chez Blizzard, ces textes constituant un des éléments immersif et narratif du jeu, se transforment soudainement en gossip dès que le personnage concerné est une femme.

Version anglaise

Via @Gangreboulon – Version anglaise : Girl talk

Là où les développeurs auraient pu mettre en avant le côté savant ou aventureux des personnages, ils ont préféré s’en tenir à une vanne de bas étage consistant à véhiculer le cliché selon lequel les filles seraient d’intarissables pipelettes…
S’il est vrai que pas mal de Hauts-Faits ont un nom portant à rire (un des plus connus étant le It’s Over Nine Thousand ! de World of Warcraft), ce n’est pas toujours le cas et on peut se demander quel est l’intérêt de vouloir reproduire cela si c’est pour placer une blague éculée, vue mille fois et sexiste.

Certains twittos ont aussi noté qu’il était surprenant que ce soit ce personnage qui soit décrit comme bavarde (puisque les autres compagnons aussi ont de nombreux dialogues à débloquer), quand un autre personnage dans le jeu a réellement une tendance à être très loquace.

Shen étant le joaillier, personnage non joueur connu pour beaucoup parler.