Artistes de la drague

C’est à nouveau une anecdote arrivée en jouant à Killing Floor que je vais partager.
En joignant une partie au hasard, je suis tombé sur la discussion la plus absurde jamais rencontrée dans ce jeu. Au moment même où je venais d’entrer dans la partie, deux personnes étaient en train de discuter, et je suis tombé vers la fin de la discussion, l’un d’eux statuant “De toute façon, la confiance en soi c’est très important pour plaire à une fille.”, sans doute histoire de montrer à son interlocuteur qu’il en connaissait un rayon. La partie s’annonçait difficile, et le fait que j’arrivais au moment des vagues les plus dangereuses n’y était pour rien…

Parce que commencer une partie avec deux personnes s’échangeant des conseils de drague éculés n’est pas le pire, le pire étant quand j’ai compris que la fille en question était toujours de la partie, et qu’ils l’interrogaient nombre de fois tout en étant dans le feu de l’action. Pour préciser un peu plus le contexte, la fille jouait Berzerk, une classe spécialisée au corps-à-corps, qui reste quasi-toujours en première ligne pour déblayer les “zeds” les plus faibles et “stun” les plus gros grâce à ses aptitudes. Les deux dragueurs en herbe (tout du moins un en herbe, l’autre certainement en compost) étaient quant à eux médics.

Nous avons donc un personnage en première ligne, se prenant constamment ou presque des dégats, et à l’arrière deux médics, censés résoudre ce fâcheux cas de figure, mais qui préfèrent discuter entre eux tandis que le reste de l’équipe se retrouve souvent à l’agonie en l’attente d’un heal salvateur, parfois dirigée justement par la fille en question (qui donnait des ordres parfaits tout en hachant du “zed”). Cette partie a été du gros n’importe quoi (bien que remportée) parce que les heals ne faisaient pas leur boulot, et préféraient impressionner la joueuse, comme par exemple dans ce bout de conversation (à la base en anglais) :

“Ça fait combien de temps que tu joues ?”
“Environ 3 mois”
“Ha, moi je joue depuis 3 ans !”

J’ai bien tenté de calmer le jeu en glissant un “Vous pourriez lui foutre la paix et healer plus ?”, mais n’ai reçu aucune réponse.
Ce qui me choque le plus ici, ce n’est pas, encore une fois, que certains prennent la peine de s’arrêter totalement de jouer, sous le feu ennemi, pour chatter (et principalement écrire des idioties), mais qu’ils s’échangent des “bro-stuces” pour choper alors que la fille est -toujours- là. C’est comme si elle n’existait pas, qu’elle n’était qu’un vague sujet de test. Par contre, elle existe quand on a envie de savoir depuis combien de temps elle joue, ce qu’elle fait dans la vie ou encore où elle avait passée ses dernières vacances.

Bien que le jeu soit basé sur la coopération, à part aux plus haut niveaux de difficulté, les gens parlent très peu, car ceux avec un peu d’expérience connaissent les endroits clés des maps et les rôles qu’ils ont à y tenir. Pourtant, il suffit d’une fille pour que certains ne s’arrêtent pas de parler inutilement, alors qu’ils pourraient juste la considérer comme une joueuse, au lieu d’un coup potentiel.

Les Quatre Fantastiques : Le point sur le casting + Et si Fatalis était… une femme ?

C’est sous ce titre même que le site Les Toiles Héroïques, spécialisé dans l’actu cinématographique de blockbusters, fait part de son agacement au sujet de tout ce qui ne va pas dans la pré-production du prochain reboot des 4 fantastiques.

Tout ce qui concerne le reboot des Quatre Fantastiques est en train de virer à la farce…

Le bilan des changements se compose de 3 points. L’un étant un changement de l’origine des supers pouvoirs de l’équipe, les deux autres sont :

Un changement de couleur de peau

Pour La Torche, précédemment incarnée par… Chris Evans, l’actuel Captain America du marvelverse au ciné. Pour le recasting, la production a eu l’audace de sélectionner Michael B. Jordan qui est… noir. Ce qui visiblement a du mal à passer chez les fans.

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Un super-héros blanc dans les comics qui deviendrait noir au cinéma ? Le changement passe mal, surtout pour un personnage de cette importance, mais après tout, le phénomène n’est pas nouveau.

On se souvient que pour Thor, c’est l’annonce du casting d’Idris Elba dans le rôle d’Heimdall (rôle qu’il interprète d’ailleurs magistralement, spécialement dans Thor 2) qui avait causé l’ire des rigides en tout genre.

Un changement de genre

Qu’un personnage blanc des comics soit noir dans les films, ça fait râler mais ça passe encore. Par contre la goutte d’eau, l’outrecuidance suprême, serait de changer le genre de la némésis des 4 Fantasiques.

Même s’il ne s’agit que de on-dit, comment peuvent-ils ne serait-ce qu’une seconde envisager une absurdité pareille pour l’ennemi le plus célèbre des Quatre Fantastiques ? A croire que c’est un concours pour énerver les fans.

Une simple rumeur non confirmée qui indique que le studio n’est pas fermé à l’idée de faire jouer le Dr. Fatalis par une femme et les voilà criant au ridicule. Au complot pour les énerver. J’attends encore celui qui va accuser les féministes, il ne doit pas être bien loin.

D’autant que vu le costume, on peut être tout à fait certains qu’il y a bien un homme là dedans. Imaginer que ce soit une femme est inconcevable, si c’était le cas elle aurait un décolleté, des jambes sveltes, une taille de guêpe rachitique et des cheveux flamboyants !

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Des voyages galactiques et interdimensionnels, des hommes élastiques ou enflammés, ok. Mais que « le méchant » de l’histoire soit une femme ?! NO WAY !

Triste fandom…

Mago spé poupée gonflable

Le jeu de rôle est un milieu bien particulier, surtout lorsqu’il se joue sur table, sur papier, avec les gens physiquement présents. En 2010 j’étais encore débutante en JdR : quelques parties déjantées avec des potes en école d’ingé, une « campagne 1 » de Donjons et Dragons… Pas de quoi revendiquer un CV touffu de joueuse mais assez de parties pour découvrir que le JdR est loin de l’image qu’on s’en fait : pas un milieu de weirdos excentriques, plutôt le contraire même.

A peine sortie de l’école, sortant avec un copain rôliste depuis des années déjà, je rejoins tout naturellement « sa table. 2 » Là, le Maître du Jeu, B., un homme entre 40 et 50 ans, maîtrise du L5R, un jeu médiéval fantastique dans un univers japonisant. J’ai hâte de pouvoir jouer dans une campagne, dans un univers original et fouillé, où le « jeu de rôle » est bien plus important que dans Donj’ qui a trop souvent tendance à être un PPMT. 3

Fait important et qui signe mon arrêt de mort : je décide pour la première fois depuis que je joue aux jeux de rôle d’incarner une femme histoire de casser mes habitudes. J’opte pour une shugenja, ce qui dans L5R est en gros une magicienne/prêtresse.

La création de personnage

D’abord le MJ propose de me laisser faire ma fiche toute seule ou de lui laisser faire le perso car « il a une idée de personnage qui pourrait coller. » Peu au fait de la création de perso de L5R et sachant par mon copain que le MJ a quelques « règles maison » sous le coude, je lui fais confiance pour me faire mon personnage. Il me demande si ça me va un personnage avec un « sombre secret. 4 » Je dis oui, il me propose qu’elle soit heimin 5 au passé trouble. J’approuve avec joie, yay un personnage torturé, gogogo !

Il m’envoie ma fiche, quelques jours avant la partie. Avec un historique de 4 pages, dont le message laisse transpirer qu’il n’est pas peu fier.

Car oui, j’ai quatre pages, rien que pour raconter la vie de mon personnage. Une fille de prostituée. Qui a vécu sa jeunesse au lupanar. Qui a volé les affaires d’une jeune fille noble pour se faire passer pour elle. Qui est « beauté du diable » ce qui dans le bouquin de règles veut dire « belle », mais, et je ne l’apprendrai que 3 mois plus tard, pour B veut dire « sexy à violer ». Oué carrément.

Ce que j'imaginais

Ce que j’imaginais

Ce que j'ai eu

Ce que j’ai eu

Bon okay passons sur le mauvais goût, me dis-je. Je me dis que ça va, après tout, je vais jouer une fille indépendante, débrouillarde, qui est prête à tout pour ne pas retourner d’où elle vient : exactement ce que je veux, aux chiottes les stéréotypes après tout, non ?

1er scénario : centré sur le passage du gempukku de mon personnage 6 lors d’un tournoi. Suite à différents événements, mon personnage se trouve séparé du reste du groupe (donc les autres joueurs quittent la table pendant ce temps) et est kidnappé. Mon personnage se réveille : elle est attachée, deux PNJ 7 baraqués dans la salle. Je décide d’user des charmes de mon personnage pour attirer les PNJ plus près, puis, ayant au préalable réussi mon jet pour me délier les mains, les assommer.

Là premier passage bizarre : au lieu de faire une scène d’action comme on en verrait dans les films, et comme je m’y attendais, B me demande, les yeux dans les yeux, si ça me dérange de jouer la scène.

Naïvement, je dis pas de problème. S’ensuit alors un moment creepy où il décrit les PNJ avec leurs pattes velues et leurs yeux libidineux et mon personnage « à leur merci et qui leur fait du gringue. » Je suis seule, moi joueuse, dans le salon, la main serrée sur une poignée de dés 10, la quantité que j’avais calculée, la quantité nécessaire pour foutre un pain à ces PNJ. Je pensais les jeter de suite, mais on dirait que le MJ pense qu’il est nécessaire que je fasse jouer la scène à mon personnage.

Et ça finit par se terminer. Après cet instant bizarre, qui me laisse un peu incertaine, je peux jeter mes dés, après avoir insisté « là maintenant, mon personnage agit, oui maintenant ! » Encore aujourd’hui, je ne sais pas combien de temps B aurait continué à raconter ce qui paraissait être son petit film de boules perso.

Je me dis que je me fais des idées. Et le scénario continue. Le tournoi commence ! Et le MJ, jubilant, annonce que la première épreuve ce sera de la lutte. Dans une fosse. Dans la boue. Avec un PNJ féminin.

Qu’à cela ne tienne. Je le fait, un peu interloquée, mais je le joue de bon cœur : mon perso est censé faire partie d’un clan très axé combat et pragmatisme ! Puis il y a une épreuve de course d’obstacle. « C’est plus pratique de le faire en sous-vêtements, avec une sorte de bandeau pour la poitrine et un slip… » que me dit le MJ, en pleine poker-face qui dissimule si peu son ton à nouveau jubilatoire.

Ce premier scénario passe. Après avoir expliqué à mon copain ce moment weird, il me dit que oui, B est « bizarre » et a « son caractère » (il s’énervait parfois de manière complètement incongrue, tout seul.) Mais il me dit « si ça te dérange, il faut que tu le dises, je peux lui transmettre si tu veux. » Il avait raison, mais moi, naïvement, je ferme ma gueule : je ne voulais pas pourrir l’ambiance de la table, « c’est que le premier scénario », « non mais d’un autre côté mon personnage je lui ai fait jouer la carte de la séduction, c’est ma faute ». Toutes les excuses sont bonnes.

2ème scénario : Nos personnages sont capturés par des « gaijin 8 », le mien est amené dans une tente à part, visiblement pour être vendue dans un harem. Un PNJ « teste » mon personnage pour vérifier sa virginité et cerise sur le gâteau au WTF, le MJ déclare : « Elle n’est pas vierge. »

J’ai demandé alors à mon copain le soir même de dire à B d’y mettre la pédale douce. J’ai alors l’impression que ça se calme.

L’ambiance demeure cependant très sexualisée dans les scénarii, PNJ sexistes, exagération jusqu’à l’absurde des stéréotypes pour les clans.

Pour l’anecdote, le clan de la Grue est un clan pacifiste et social, au moins en apparence. Raffinement, pacifisme, jeux de cours ? Visiblement pour lui ça devait être suffisamment un truc « de tapette » pour que tout ce qui y touche devienne un remake de la cage aux folles. Donc dans le L5R de B, c’est devenu un clan plus semblable au couvent des sœurs de la perpétuelle indulgence : hommes et femmes, fardés et le visage blanchi, maniérés, coiffures et vêtements exagérément peu pratiques et quasiment comme dans un cirque. Sauf que les sœurs le font pour la théâtralisation, pour B c’était « dans le BG. »

Voilà un membre du clan de la Grue. On est quand même loin de l'imagerie théâtralisée ultra-fardée utilisée pour se moquer des transsexuels.

Voilà un membre du clan de la Grue. On est quand même loin de l’imagerie théâtralisée ultra-fardée utilisée par les sœurs pour questionner les normes sociales.

5 ou 6ème scénario : La diplomate du clan du scorpion dit que « il paraît que vous êtes une experte en lutte… » Pardon ? S’ensuit une sorte de tournoi improvisé. Ah tiens c’est fou, ils avaient une arène de lutte pile poil c’est fou la magie du scénario. Et, oh !, avec de la boue (again ?). Mon personnage lutte contre cette diplomate. Pour « déstabiliser mon personnage » (sic), B a la technique ultime : son PNJ, en pleine manœuvre de lutte, embrasse le mien à pleine bouche.

Les yeux exorbités en lui demandant comment « physiquement » c’était possible sans qu’elle me fasse un coup de boule, il me répond « oh non mais sinon je jette les dés hein. » Et il le fait, il jette une poignée entière de dés parce que, oui, il avait fait un PNJ diplomate super bourrin. En lutte. Pourquoi ? Pour aucune raison valable puisque cette foutue diplomate ne réapparaît pas du scénario.

Le lendemain dimanche, le scénario continue. On s’infiltre dans une ville du clan de la Grue (insérer moult situations et blagues d’un goût douteux sur les travestis, les homosexuels et les transsexuels.) On décide que je serais alors la fausse dignitaire du clan de la grue, les autres mes serviteurs. Tout se passe comme sur des roulettes… Jusqu’à ce que l’on arrive à l’ambassade de la Grue où un PNJ nous interpelle.

En fait c’était un garde de l’ambassade qui s’est mépris sur mon identité, me « confondant avec un vrai ambassadeur » connu dans le coin. Nous sommes accueillis en grande pompe (cool !), invités à nous reposer, mon personnage est escorté dans une chambre individuelle (cool !) où deux servantes font irruption pour me demander si tout se passe bien (cool ?) puis m’apportent un coffre (euh… cool ?). Que j’ouvre. Qui est blindé de matériel de bondage. (wtf ?)

Silence autour de la table, puis le joueur-qui-triche [^9] fait « Sérieux ? » mi-hilare, mi-gêné. « Oui » que dit B, « à l’époque la sexualité, blablabla, et le clan de la Grue blablou, d’ailleurs dans le supplément numéro Machin des secrets du clan Truc y a marqué que bliblibli… »

Dans la semaine, mon copain, que je ne remercierai jamais assez de m’avoir soutenue et m’avoir aidé à faire passer le message, dit à B qu’il faut qu’il arrête, sérieusement, car ça me gène et que si c’est à nouveau comme ça, je tue mon personnage en séance et je joue un mec.

Le MJ lui répond alors que okay, « il avait pas réalisé que ça me gênait. » Le pire c’est que je pense, je crois, qu’il n’en avait effectivement pas conscience.

Nous en étions alors à en gros 6 mois de campagne.

Si ce genre de trucs vraiment chiants et graves ne s’est plus reproduit, il faudra compter encore un an de campagne durant lesquelles les petites piques vexatoires se succèdent. Une fois c’est un garde qui fait des propositions graveleuses à mon personnage, alors magistrate, qui refuse de la croire quand elle lui donne son rang. Une autre fois c’est un PNJ gradé qui lance des œillades répétées et insistantes à mon personnage. Une fois c’est un dîner avec un concours de haiku, l’un d’eux comparant mon personnage à une catin. A chaque fois il y a une « bonne excuse », il fait nuit et le garde est bourré/inculte, le PNJ gradé est tombé amoureux/est un salaud provocateur, le PNJ et son haiku attaque de cette manière notre délégation c’est juste symbolique. Et très, trop, souvent : « c’est rigolo », « c’est de l’humour », « c’est pour rigoler », « bah, ça va pas ? ».

Alors un jour, après un scénario assez long où il y avait eu essentiellement des combats, et où franchement je m’étais fait chier, j’ai dit à B que j’arrêtais de jouer. « Désolée. » « Voilà. »

Je n’ai pas plus expliqué que ça et ça en est resté là. Mon copain a incidemment arrêté aussi à cette table et depuis nous jouons tranquille à cette table bis, avec des amis not-creepy, j’ai masterisé des jeux… J’ai dépassé cette sale expérience donc.

Car j’aurais pu en sortir dégoûtée, et parfois j’imagine ce qu’aurait fait à ma place la femme que j’avais rencontrée à la table de Donj’. Je l’imagine et je sais très bien ce que cela aurait donné : les premières parties, abasourdie, puis une partie elle aurait eu mal au ventre, l’autre mal à la tête, et, bon, de fil en aiguille elle ne serait pas revenue, désolée, je fais des pilates/du body combat y avait que le weekend, trop dommage, et en fait elle n’aurait plus jamais joué aux jeux de rôle.

Beaucoup de choses sont dérangeantes dans cette histoire, finalement. Le fait que j’ai encaissé si longtemps. Le fait que le MJ était suffisamment à l’ouest pour ne pas comprendre qu’infliger ses fantasmes à la table et à mon personnage et donc à moi c’est dégoûtant, anormal. Le fait que le-joueur-qui-triche, pourtant étudiant en psycho, ne remarquait rien, s’en battait les couilles. Le fait qu’au final l’ambiance était pourrie bien avant que je n’arrête, et pour de toutes autres raisons (dégradation de la qualité des scénarii, trop de monde à la table), mais que j’ai quand même eu plus peur pour l’ambiance que pour mon plaisir de jeu. Ce qui est dérangeant c’est que tout ça se soit passé dans notre salon, avec parfois mon copain assis à côté de moi, grimaçant pendant que B délirait à plein tube sur l’unique personnage féminin de la table : le mien.

Il y aurait encore beaucoup à dire sur le sujet du fantasme masculin prêt-à-incarner quand on joue aux JDR. Au fur et à mesure que le jeu de rôle perd son image de milieu de barbus inadaptés, de plus en plus de femmes s’y insèrent… Mais les stéréotypes, parce qu’ils sont plus faciles à jouer, sont encore trop pléthoriques pour que disparaissent ces creepy-guys et creepy-moments dans l’immédiat. Hélas.

Édité par Alda


  1. On parle de campagne lorsque plusieurs parties se suivent, menant les personnages le long d’une intrigue poussée et se prolongeant sur plusieurs semaines, mois, voire années. 
  2. On dit « rejoindre une table » lorsque l’on s’incruste ou que l’on est invité dans un groupe déjà formé de joueurs avec un ou plusieurs maîtres du jeu 
  3. Porte Piège Monstre Trésor, se dit des jeux où on roule beaucoup de dés, on suit de longs couloirs et où le schéma narratif est relativement linéaire 
  4. C’est un des désavantages qu’on peut appliquer à son personnage à la création et qui peut faire gagner plein d’autres points pour monter des compétences 
  5. Non noble, sachant que tous les personnages de L5R sont en principe d’extraction noble 
  6. Cérémonie de passage au statut de samurai 
  7. Personnage non joueur, donc joué par le MJ 
  8. Oui à cette période, la sexualisation des scénarii était pas forcément le seul problème de la table du coup parfois, les déboires de mon personnage me passaient à trente kilomètres au-dessus du carafon 

Tâter le terrain

Pendant longtemps, car ce fut parmi mes premiers pas dans le monde « geek, » j’ai participé au forum du webzine « 42 » et ainsi qu’au webzine lui-même dans les derniers mois de sa publication. Ce forum a connu bon nombre de remous et de discutions engagées (et enragées) lorsque des remarques sur le sexisme dans les jeux vidéos se faisaient entendre.

Chaque fois qu’une des vidéos d’Anita Sarkeesian, sur sa série « Tropes vs Women in Video Games » sortait, les voix les plus virulentes étaient celles des levées de bouclier, et chaque fois il fallait tout ré-expliquer depuis le début. L’objectification, l’idéalisation, le male gaze et autres « bases » avaient droit à leur come-back pour chacune des vidéos. L’article bien connu de Mar_Lard a également eu le même effet, a amené aux mêmes explications encore et encore, aux mêmes levées de bouclier et, comme à chaque discussion sur le sexisme, toute les critiques imaginables faites au féminisme.

Suite à ces déchaînements, le forum semblait s’être calmé, même si, malheureusement, les deux « camps » restaient sur leurs décisions. Le forum — semblait — s’être calmé. Jusqu’à ce que, par-ci par-là, des tentatives de troll ne surviennent, comme pour jauger la situation, voir si l’on pouvait taper sur les féministes du forum sans se prendre une tape sur les doigts. Quelques fois j’ai tenté de répondre, mais on m’a fait comprendre que je réagissais « trop brusquement ».

Finalement, j’ai arrêté de participer à la vie du forum lorsque ces deux images ont fait leur apparition sur un topic dédié aux images amusantes :

Quand j’ai fait remarquer une tentative de troll, on m’a donné comme explication :

Les deux qui pourraient paraître « anti-féministe » c’est du second degré. On se vautre dans la facilite et c’est presque plus drôle que la blague de base.

Ou encore :

Moi je suis féministe, pour l’égalité, tout ça, mais j’ai trouvé les images rigolotes. L’auto-dérision, c’est cool.

C’est toujours la même chose, soit on ne comprends pas le second degré, surtout lorsqu’il est aussi évident (tousse) ou alors on n’a pas d’humour. Du coup, cela faisait quelques mois que je n’étais pas retourné sur le forum, et quand l’envie m’a pris d’y refaire un tour, sur le même sujet, le dernier post contenait ce montage :

Chiennes de garde

Après toutes les discussions qui avaient eu lieu, une attaque gratuite contre Mar_Lard revenait. Mais ce qui m’a le plus choqué, c’est que je reconnaissais l’image, qui provenait de ce tumblr « Les Concours débiles de CPC où CPC proposait un concours, un florilège d’images, parfois excellentes, reprenant en français intégral des jaquettes de jeux vidéo en anglais. Parmi toutes les images qu’il y avait, parmi les bons jeux de mot sur les titres de jaquettes qui se trouvaient dans la liste, celle la plus digne d’entrer dans la catégorie « image amusante » était celle qui avait le moins à voir avec le but originel du concours, et qui n’était qu’une « blague » mesquine.

C’est pour cette raison que je ne participerais plus au forum. Et c’est aussi pour cette raison que je trouve dommage qu’une communauté, qui pourtant était vivace, emplie de membres amusants, intelligents, perde des membres en se laissant gangrener par des personnes qui aiment à rire entres elles au dépend d’autres.

Parler du sexisme et de la représentation des femmes dans les jeux vidéo n’est facile nulle part. En faire prendre conscience est d’autant plus difficile. Je pense qu’une femme aura du mal à se sentir bienvenue sur quelconque forum présentant ce genre de « blague » et où la voix de quelques trolls est finalement plus à l’abri de celles tentant de s’en défendre. Le premier pas serait de reconnaître la réalité du sexisme dans le monde du jeu vidéo, et de respecter les personnes qui choisissent d’en parler, plutôt que de les faire taire à grand renfort de prétendu second degré.

Édité par Alda

Les babes font fuir le public

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Article de Spencer Chen sur TechCrunch.

Les « booth babes » sont de belles jeunes femmes court vêtues employées par certaines entreprises pour « décorer » leur stand lors de conventions, dans l’espoir d’attirer le chaland (forcément masculin, hétérosexuel & dépourvu de tout esprit critique à la vue d’un décolleté). Une pratique peu glorieuse des milieux tech & jeu vidéo, mais que certains défendent sous prétexte de « marketing ciblé » ; puisqu’on considère que seuls des hommes hétéros vont aux conventions, autant tout saupoudrer de jolies filles pour leur plaire (et tant pis si c’est sexiste et ostracisant pour les autres publics).

Sauf que…les booth babes semblent totalement inefficaces pour attirer le public. En réalité, elles seraient même contre-productives.

Pour vérifier ce qu’il soupçonnait déjà au vu des mauvaises performances globales des stands à booth babes, Spencer Chen a mené des expériences comparatives: deux stands au sein d’une même convention, l’un animé par des babes, l’autre par des personnes recrutées pour leur connaissance du milieu. Les résultats sont accablants : les stands à booth babes attirent trois fois moins de public et récoltent moitié moins d’opportunités de réseau (cartes de visites, formulaires d’information, etc).

Pourquoi ?

Parce que, de leur propre aveu, les babes ont plutôt tendance à intimider les visiteurs.

Parce qu’elles sont recrutées d’abord sur leur sex-appeal, plutôt que sur leur connaissance du produit ou leur capacité à convaincre le public.

Parce qu’employer des babes ne renvoie pas une image de professionnalisme, mais plutôt de cache-misère; que peut on attendre d’une compagnie qui emploie des hôtesses dénudées en guise d’arguments de vente ? Les professionnel-le-s qui cherchent à nouer des contacts dans ces salons ne s’y trompent pas.

Parce que les professionnels de bas étage effectivement attirés par les babes s’intéressent plutôt à leur plastique qu’au produit, et ne représentent pas des opportunités intéressantes…

Alors, chères compagnies qui s’obstinent à décorer leurs stands de babes alors même que ces pratiques sexistes sont dénoncées partout, on peut arrêter de se cacher derrière le marketing ciblé maintenant ?

Pas de filles chez Machinima

Donc, dans d’étranges circonstances, je me suis retrouvé sur la page d’accueil de Machinima. Pour ceux qui ne connaissent pas Machinima, il s’agit d’une chaîne de contenus autour du jeu vidéo.
Et voici la toute première phrase de leur site : « Machinima est un groupe média dans le domaine du jeux vidéo qui vise les jeunes HOMMES du monde entier. »

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Dans leur « À Propos » on trouve : « Machinima possède des séries, du contenu original, des programmes hebdomadaires et quotidiens, du contenu officiel d’éditeurs, et des vidéos de gameplay – tout pour gâter les HOMMES de 18 à 34 ans. »

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Tu remplaces homme par joueur (ou gamer car gamer est neutre) et le sexisme disparait… pas compliqué…

En fouillant un peu plus sur leur site, j’ai regardé leur audience…
77% sont des hommes. Ce qui me choque, ce n’est pas le fait qu’ils le montrent mais plutôt comment ils l’affichent : En gros, au milieu et en rouge….

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Sûr qu’en ostracisant soigneusement le public féminin de la sorte, c’est facile ensuite de prétendre « mais les femmes ne s’intéressent pas aux jeux vidéo, c’est comme ça ! » Notez que même si elles ne sont visiblement pas les bienvenues chez Machinima, les femmes représentent tout de même un quart de son public…

Édité par Mar_Lard

Gay Guy Ubisoft

Chez Ubisoft, ils étaient frileux. Il leur semblait compliqué de mettre en scène une femme comme personnage principal d’un Assassin’s Creed. C’était une question « difficile ». « Tout ça a été décidé il y a des années, nous n’avons à aucun moment pensé : est-ce que ça pourrait être une femme ? » Le directeur artistique sous-entendait même qu’une femme assassin rendrait le jeu plus difficile à vendre. Pourtant, ils n’avaient pas mis de côté ce concept.

Ainsi, il est possible de jouer Aveline de Grandpré dans Assassin’s Creed Liberation. Elle sait aussi bien se défendre que les avatars masculins et a le mérite de ne pas être hypersexualisée. Ubisoft présente avec elle une héroïne métisse, représentant une minorité encore trop peu présente dans les avatars des jeux vidéo.

Malheureusement, certains joueurs le regrettent :

good guy ubisoft

« Bon gars Ubisoft : Fait un jeu avec protagoniste féminin, ne la sexualise pas outrageusement » :
« Je ne peux pas me branler là-dessus »
« Elle a des nichons plats »
« Elle est super moche »
« Je trouverais une façon de me branler là-dessus, ou j’en mourrais »
« Eeeeet le jeu est merdique… »
« Tu te comportes comme une féministe »
« Gars gay Ubisoft »
« La tresse est trop longue, 2/10 je ne baiserai pas »
« Et c’est bien ça ? Ha, GAAAAAYYYYYYYYYYYYYY »
« Plutôt Gars Gay Ubisoft »

 

En reprenant quelques memes, les commentaires fusent sur les seins du personnage (« flat boobs », les seins plats), l’impossibilité de se masturber dessus (« I can’t fap to this », ou « I will find a way to fap to this or die trying »). Le personnage serait laid (« ugly »).

Sexisme, homophobie (Ubisoft serait « gay » suite à la proposition de jouer ce personnage), racisme (il est aisé de sentir le racisme derrière certaines de ces réactions), voilà ce que les communautés de joueurs peuvent présenter.

La fangirl, nouvelle cible de la misogynie ordinaire

Ceci n’est pas tant un article sur le sexisme à l’encontre des femmes dans un milieu geek à prédominance masculine, qu’un article sur le sexisme à l’encontre d’un milieu geek à prédominance féminine. Oui, oui, cela existe. On a tendance à associer les recoins sombres d’Internet à des usagers masculins, et pourtant, il est des endroits peu connu des usagers « mainstream » qui sont presque entièrement féminins. De nombreuses utilisatrices, cachées derrière des pseudos et par écrans interposés, se retrouvent sur des sites bien particuliers où elles échangent, discutent, analysent, rigolent, débattent, s’émeuvent, s’excitent, créent, recréent et transforment des produits culturels. Bienvenue dans l’univers des fangirls.

Dites le mot « fangirl » et les gens pensent immédiatement à une préadolescente en larmes au concert de One Direction. Celle-ci, la pauvre, est déjà l’objet des rires dédaigneux des adultes qui restent perplexe devant les cahiers et les murs de ces demoiselles, plastronnés de sourires de Harry et Liam (qu’ils repensent à l’état des garçons entre 12 et 15 ans et ils auront peut-être un début d’explication). Mais la fangirl, c’est beaucoup plus que ça. J’en sais quelque chose, puisque que j’en suis une, et ça fait bien longtemps que j’ai passé ma période boyband.

Dans les années 2000, tout se passait sur le site Livejournal, où des bloggeuses (et quelques bloggeurs) de tous les âges s’enflammaient à propos d’Harry Potter ou de Twilight. Des tonnes de méta étaient publiées chaque jour, dont une bonne partie concernait les « ships » (raccourci de relationships, les relations amoureuses), objets d’innombrables conjectures, et les guerres verbales étaient parfois si intenses que certains posts généraient des milliers de commentaires. Quand les trolls s’en mêlaient et que l’on commençait à se traiter mutuellement de nazis, ça finissait sur l’excellent Fandom Wank (ce qui veut dire, pour les non-initiés, « branlette de fandom »).

Le fandom, c’est le groupe de fans d’un produit culturel. Et pour certains de ces produits, les fans sont très majoritairement des femmes. Aujourd’hui, elles ont migrées vers Tumblr et s’intéressent davantage à Sherlock, Supernatural, Doctor Who, l’univers Avengers et les deux sagas Tolkien, mais les us et coutumes restent les mêmes : débats sur les ships et production intensive d’œuvres transformatives, le tout agrémenté de gifs marrants et de commentaires assez salés sur les acteurs et personnages qu’elles adorent.

Jusque là tout va bien. Sauf que lorsque les médias ont découvert le pot aux roses -– des jeunes femmes qui se passionnent ensemble pour quelque chose, font des blagues à caractère sexuel, expriment du désir et de la créativité, imaginez un peu ! -– les fangirls ont été la cible d’attaques en règle qui ressemblent fort, ma foi, à de la misogynie pure et simple. Démonstration en trois points.

1. Cachez cette fanfiction que je ne saurais voir (sauf si c’est pour me payer votre tronche)

Premier objectif en ligne de mire : les « fanworks », c’est à dire toutes les déclinaisons de la fanfiction et du fanart. La fanfiction, discipline majoritaire, ce n’est pas quelque chose de nouveau, loin de là. La réappropriation de personnages pour réécrire leur histoire et en inventer de nouvelles est une pratique extrêmement ancienne, et sans même aller jusqu’à Roméo et Juliette de Shakespeare, qui n’est qu’une version parmi d’autres d’un conte oral, les fans de Star Trek dans les années 60 s’en donnaient à cœur joie.

Le phénomène a pris de l’ampleur et s’est féminisé avec Internet, mais c’est à la sortie de Cinquante Nuances de Grey, adaptation d’une fanfiction érotique de Twilight, que le monde a découvert, ébahi, ces jeunes femmes qui écrivaient pour leur plaisir et celui des autres des histoires transformatives. Pendant que les journalistes inventaient l’odieux terme « mommy porn » (par opposition au porno « normal », c’est à dire façonné pour les hommes), nous dans les fandoms, on se demandait pourquoi les gens étaient assez stupides pour payer vingt-cinq euros pour un livre ultra-médiocre alors que des histoires de qualité bien supérieure étaient disponibles gratuitement sur les nombreux sites de fanfiction.

Le problème, c’est que l’idée que des femmes entre elles puissent prendre en main des personnages fictifs et les utiliser dans des œuvres transformatives, et surtout dans des œuvres à caractère érotique, est une pilule apparemment difficile à avaler pour certains. Est-ce parce que cela va l’encontre de l’image bien lisse de la sexualité féminine que la société nous impose ? La femme indépendante et entreprenante fait-elle encore peur ? Quoiqu’il en soit, puisque les détracteurs des fanworks ne peuvent pas en arrêter la production –- publiés sans intention d’en tirer profit, ils tombent dans la catégorie de « fair use » (usage équitable) et ne violent pas les copyrights -– ils ont opté pour une autre stratégie : ridiculiser publiquement les fangirls et leurs créations.

Cela a non seulement l’avantage de les décrédibiliser aux yeux du grand public mais c’est aussi un très bon moyen de faire du buzz, et facile comme tout en plus. Je suis un présentateur à une heure de grande écoute qui va bientôt recevoir Martin Freeman sur le plateau et j’ai envie de faire rigoler le beauf de base ? Je vais sur Google, je tape « Johnlock fanart » (fanart qui met en scène Sherlock Holmes et John Watson, joué par Freeman dans la série), j’imprime quelques exemples qui vont du bisou au porno hardcore et hop ! Le tour est joué. Je montre ça à mon pote la star et on se paye une bonne partie de rigolade sur le dos de ces détraquées qui fantasment toute la journée derrière leur écran.

Le présentateur britannique Graham Norton dans son émission, le 7 mars 2013. Si vous avez le cœur bien accroché et que vous avez plus de 18 ans, allez voir toute la vidéo.

Le présentateur britannique Graham Norton dans son émission, le 7 mars 2013. Si vous avez le cœur bien accroché et que vous avez plus de 18 ans, allez voir toute la vidéo.

Et puis comme ça marche, quand je suis journaliste et que je n’ai pas envie de me fouler à trouver des questions intéressantes –- je m’appelle Caitlin Moran et j’écris pour le Times alors je suis pas payée pour ça, hein –- je reprends les bons conseils de Graham Norton, et, lors de l’avant-première de la nouvelle saison de Sherlock, je fais lire à Martin Freeman et Benedict Cumberbatch, sur scène devant des centaines de personnes, des extraits d’une fanfic érotique que j’ai trouvé sur Internet. Je m’en fous pas mal si l’auteure de la fanfic en question va sûrement voir la vidéo circuler sur Tumblr et en faire une crise cardiaque, c’est légal, après tout, et puis quand on met quelque chose sur le web, c’est bien parce qu’on veut que tout le monde le voit, non ?

Eh bien, non. Les auteurs de fanworks n’ont qu’une envie, c’est qu’on leur foute la paix et qu’on les laisse faire mumuse tranquilles, et certainement pas que des gens extérieurs au fandom viennent les emmerder et remettre en cause leurs pratiques. Oui, certains fanarts sont affreux. Oui, certaines fanfics sont écrites avec les pieds. Non, je n’ai pas envie de savoir de quoi Loki aurait l’air déguisé en strip-teaseuse ou en mère célibataire, pas plus que ce pauvre Tom Hiddleston (pris au piège dans cette vidéo, à partir de 18m52s). Mais qu’il y ait de mauvais fanworks n’est pas le problème. Le problème, c’est qu’on ne parle JAMAIS de fanarts magnifiques qui vous laissent muets d’admiration et de fanfics excellentes qui vous scotchent à votre iPad pendant des heures. On parle TOUJOURS de ce qu’il y a de plus explicite, de plus ridicule et de plus choquant.

Et pourtant, quand on y réfléchit, les pratiques des fangirls sont tout à fait semblables à celles des geeks : partage d’opinions, analyses méta, surexcitation à la sortie d’un nouveau produit, roleplay et cosplay, conventions. Les geeks subissent-ils donc le même sort de lynchage publique? La réponse est oui… il y a vingt ans de cela.

2. La fangirl, c’est comme un geek, mais en pas cool

Les trentenaires comme moi se souviendront peut-être de cette lointaine époque des années 90 lorsque, dans des séries comme Sauvé par le Gong, apparaissaient ces drôles de créatures à l’écran :

Sauvés par le gong

Incroyable mais vrai, c’est comme ça qu’on dépeignait les nerds accros aux jeux vidéos et aux jeux de rôle autrefois. Et comme les temps ont changés ! Aujourd’hui, pas un petit morveux de 5ème qui ne se vante pas d’avoir joué à Call of Duty tout le week-end en cours d’anglais le lundi (je parle d’expérience) et un geek, ça ressemble plutôt à ça :

Sheldon Cooper et l’un de ses fameux tee-shirts, sans doute en vente sur Urban Outfitters ou sur Rad.

Sheldon Cooper et l’un de ses fameux tee-shirts, sans doute en vente sur Urban Outfitters ou sur Rad.

Celui qui hier était la risée de la cour de recrée est devenu un hipster à gros pouvoir d’achat à qui l’on peut vendre une flopée d’éditions collector, et dans un monde qui carbure à Internet, ceux qui maitrisent les ordinateurs sont rois (et, bien entendu, se tapent de belles nanas, à l’instar des héros de The Big Bang Theory).

Mais la fangirl, elle, n’est pas prête de se trouver au centre d’intrigues amoureuses qui dureront sept saisons. Car la fangirl, elle, ressemble à ça :

Laura, fan de Sherlock

Ça, c’est Laura, fan de Sherlock et fan de slash (relations homoérotiques dans les fanworks), qui apparaît dans le premier épisode de la saison 3 de Sherlock, « The Empty Hearse ». Mais attendez, il y a mieux :

Osgood

Ça, c’est Osgood, fan du Docteur qui a fait son apparition dans l’épisode du 50e anniversaire de Doctor Who. Laura et Osgood ont des points communs évidents : cheveux sombres, fins et plats, attributs pas du tout mis en valeur, fringues pas à la mode et caricaturales (look gothique pour l’une, grosses lunettes et blouse blanche pour l’autre) – en clair, elles sont à l’encontre des canons de beauté standards. Ce bon vieux Steven Moffat (dont on ne compte plus les sorties sexistes) a très clairement voulu les rendre indésirables. Dans le cas d’Osgood, il a même réutilisé le vieux cliché de l’inhalateur pour asthmatique histoire d’être sûr, vraiment sûr, qu’on ait bien compris à quel point c’était une nerd.

La fangirl est aujourd’hui victime des mêmes stéréotypes que les geeks d’antan: physiquement inapte, quelconque et sans charme, tout en bas de l’échelle sexuelle, elle reporte sa frustration dans des fantaisies immatures et irréalistes.

Le fait d’associer l’emballement et la passion d’une femme à un certain manque sexuel n’est pas nouveau non plus, et l’hystérie, dans le temps, n’avait pas meilleur remède que le coït salvateur. D’ailleurs, la journaliste Caitlin Moran (oui, encore elle) a tweeté ceci la veille de l’avant-première de Sherlock au British Film Institute :

Apparemment il y a DÉJÀ des gens qui font la queue pour Sherlock au BFI demain #dévouement #engelures - #pucelles - TROP DUR MAIS TROP VRAI

Apparemment il y a DÉJÀ des gens qui font la queue pour Sherlock au BFI demain #dévouement #engelures – #pucelles – TROP DUR MAIS TROP VRAI

Ouais, c’est super LOL, Caitlin, la prochaine fois tu prendras un taxi et tu iras leur dire ça en face au lieu de faire ton numéro de claquette pour tes centaines de milliers d’abonnés sur Twitter. Ne nous étendons pas sur le fait qu’elle considère la virginité comme une caractéristique infamante, ce qui mériterait en soi un autre article, mais il y a tout de même de quoi pleurer quand on constate que ces inepties circulent encore en 2014, et venant qui plus est de quelqu’un que les médias considèrent comme « féministe ».

Par ailleurs, j’attends encore le jour où l’on traitera des fans de foot prêts à tout pour obtenir un billet pour un match de Coupe du Monde de #puceaux. Parce que quand des hommes s’époumonent pendant deux heures dans un stade de foot devant vingt-deux pékins qui courent derrière une balle, personne ne bronche. Par contre, quand des femmes s’extasient pendant deux heures dans une salle de cinéma sur les muscles de Captain America, c’est qu’elles n’ont pas ce qu’il faut à la maison, et en plus elles exaspèrent les « vrais » fans qui sont venus parce qu’ils aiment le comics.

3. La fangirl, ce n’est pas une « vraie » fan

Et c’est là, sans doute, que les problèmes de la fangirl rejoignent ceux de la « fake geek girl ». On considère qu’une fangirl est incapable d’estimer un produit culturel à sa juste valeur, tout ça parce qu’elle a le malheur d’exprimer son appréciation pour le physique de certains personnages.

Donc si j’aime Le Hobbit parce que je l’ai lu quand j’étais petite et que j’aime aussi la voix de ténor de Thorin Oakenshield et les tresses blondes de Fili, je ne peux pas vraiment aimer Le Hobbit. Si je vais voir Thor pour contempler Tom Hiddleston en costume de cuir et sans avoir lu les comics au préalable, tant pis pour moi, je ne pourrai jamais m’intéresser à la trame narrative et aux autres personnages. En clair, mon goût pour les beaux mecs m’empêchera systématiquement d’apprécier pleinement des séries, des films ou des livres, parce que mon cerveau n’est capable que d’une seule et unique pensée monomaniaque et obsessionnelle, et demeure totalement imperméable au reste.

À quand le questionnaire à l’entrée des cinémas pour savoir qui à l’autorisation d’entrer parce que c’est un « vrai » fan ? Pour ma part, je n’ai pas l’impression que les studios Marvel ou Peter Jackson fassent la différence entre les treize euros que je paie pour une séance en 3D et ceux de mon voisin. Au contraire, ils en jouent fichtrement bien, et ils ont raison, parce que lorsque les fangirls s’emparent d’un produit culturel (parfois de façon tout à fait imprévue comme ça a été le cas pour Thor), elles mettent très facilement la main au porte-monnaie et deviennent essentielles dans la stratégie marketing des producteurs.

Ça, les autres fans ont beaucoup de mal à le supporter, surtout dans les vieux fandoms comme ceux de Tolkien ou de Sherlock Holmes (tendance « c’était mieux avant quand on était entre nous »), et la fangirl devient alors un bouc émissaire tout trouvé quand ils n’aiment pas ce qu’ils voient. Voici, à titre d’exemple, quelques commentaires publiés sur The Guardian (attention, gros spoilers sur la page!) après la diffusion du deuxième épisode de la saison 3 de Sherlock que beaucoup ont trouvé décevant :

J’avais peur que cela n’arrive, épisodes qui deviennent de longues lettres d’amour aux fans obsessionnels sur Tumblr. Quel dommage.

J’avais peur que cela n’arrive, épisodes qui deviennent de longues lettres d’amour aux fans obsessionnels sur Tumblr. Quel dommage.

De la pure branlette pour fan, Moffat et Gatiss doivent cesser de fréquenter Tumblr et Twitter et arrêter de faire plaisir aux fangirls et fanboys cinglés, et de nouveau faire de la bonne télévision.

C’était vraiment horrible ! Moffat et Gatiss doivent cesser de lire les commentaires des fangirls sur Tumblr.

C’était une série géniale (…) et je veux qu’elle revienne. (…) Les gars, on veut de nouveau les ténèbres, les frissons. Pas les frissons que veulent les filles (et les garçons) sur Tumblr, mais de vraies histoires pour adultes. Je veux bien accorder aux auteurs de fanfic S1E1 – mais Moftiss, vous auriez dû revenir à l’excellence des débuts pour l’épisode 2 pour que vos vrais fans -– ceux qui parleront encore de Sherlock dans 20 ans, quand les fangirls auront abandonné Johnlock pour suivre une nouvelle mode — continuent à vous applaudir. Comme nous voulons tellement le faire.

Voilà, les dés sont jetés. À cause de moi, il n’y aura bientôt plus d’ « histoires pour adultes » à la télé. Je ne parlerai pas de Sherlock à mes enfants dans vingt ans, tout ça parce que j’aime bien Johnlock (en fait, je n’aime pas Johnlock ni le slash en général et je suis loin d’être une exception, mais bon, pourquoi faire vrai quand on peut faire simple). Et puis je ne leur parlerai pas non plus d’Harry Potter, puisque j’ai passé une bonne partie de mes années de fac à écrire de la fanfic en attendant la sortie de chaque livre et débattre sur des forums en soutenant que Harry allait forcément finir avec Ginny et pas Hermione. Non, je n’étais investie dans l’histoire que parce que je trouvais Daniel Radcliffe super beau (surtout quand il avait onze ans et moi vingt), et c’est sans doute aussi pour cette raison que je relis régulièrement les sept tomes de la saga.

Eh oui, malheureusement pour les « vrais » fans, les fangirls sont extrêmement coriaces, et si beaucoup d’entre nous passent en effet d’un fandom à l’autre au cours des années, notre amour pour nos séries et nos livres préférés reste intact. Et notre soif de passion et de création, elle, ne nous quitte jamais, en dépit de ceux qui voudraient que nous ayons honte de ce que nous sommes et de ce que nous faisons. Mais ce n’est pas à nous d’avoir honte. Nous n’avons aucune raison de rougir de ce que nous aimons, ni de nous excuser d’ »imposer » nos fanworks à qui que ce soit et quel qu’en soit le contenu. Après tout, ce que je vois tous les jours en rentrant du travail et qui m’est de fait imposé, sans que j’aie besoin de passer par une recherche sur Google Images, c’est ça :

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Perso, je préfèrerais largement un fanart de Iron Man qui roule une pelle à Hulk.

MSI : « la fille ou le jeu ? »

MSI, une entreprise qui crée – entre autres – des cartes graphiques et des cartes mères pour les ordinateurs, a décidé de profiter du vendredi pour poser une question pertinente à ses fans sur Facebook :

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Le sexisme de cette question et de l’image est évident : les hommes sont des obsédés de sexe et/ou de jeu ; les femmes ne servent qu’à être sexy et à être victimes de blagues potaches. A croire qu’MSI n’a que des hommes hétérosexuels (et des femmes aimant les femmes, mais il serait étonnant que cette blague s’adresse à elles) parmi leurs potentiels clients ! Par ailleurs, ont-ils besoin de cette image pour mettre en valeur leur page Facebook et inviter leurs fans à réagir ? Leurs produits ne seraient pas suffisamment intéressants ?

Evidemment, les réactions des fans sont à la hauteur de nos attentes :

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Heureusement, les mentalités évoluent et quelques personnes soulignent à MSI le sexisme de leur question :

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Une informaticienne/geek dans un milieu d’hommes

Trois petites anecdotes de développeuse et joueuse de MMORPG.

Bonne fête !
Une anecdote qui me fait encore pleurer. Il y a quelques années, je cumulais un CDI plein temps d’analyste programmeur web en journée et des cours du soir en licence d’informatique le soir (car je n’avais que des formations qualifiantes et pas de diplôme viable). A ces cours, toutes les personnes avec qui j’interagissais savaient que je travaillais déjà dans le domaine et me demandaient parfois mon aide, hommes comme femmes. Pas aussi souvent qu’on aurait pu l’imaginer vu que j’étais censée être pro parmi les étudiants, mais quand même. C’est un de mes camarades (connaissant mon boulot) qui m’a cloué sur place en m’envoyant, en avril, un SMS me souhaitant une « Bonne fête des secrétaires ! ». Ce n’était pas une blague, et j’ignore toujours ce qui lui est passé par la tête. Des années plus tard, en tant que .Net Consultant (programmation web toujours), un collègue a plaisanté : « Si t’es méchante comme ça t’auras pas de fleurs pour la fête des secrétaires ! » qui me l’a vivement rappelé. Le « pourquoi ? » reste sans réponses, mais très, très amer.

Obéir à une femme ? Jamais !
A une époque, je jouais de manière très investie dans une communauté compétitive sur un jeu type MMORPG. Un jour on recrute un nouveau membre placé sous mon commandement. Tout allait bien jusqu’à ce qu’il entende ma voix et comprenne que j’étais une femme. Après ça il ne m’écoutait plus et rejetait complètement mon autorité et mon savoir. J’ai pris sur moi et pendant des semaines je lui faisais remarquer sans amertume ses moindres erreurs, et m’efforçait d’être de mon côté irréprochable. Ça a porté ses fruits : Il a fini par s’adresser à moi en tant que mec. Genre « [Mon pseudo] est quand même un gars bien ». C’était visiblement la seule façon pour lui de se mettre sous les ordres d’une femme.

Meilleure qu’un homme ? Ha ha, dans tes rêves.
Dans cette même communauté, juste après un patch, il s’est avéré que mon personnage avait été boosté et pouvait à présent rivaliser avec d’autres classes en terme de dégâts. Au premier combat où j’ai fini première du groupe de 25 aux dommages effectués, j’ai reçu dans la foulée des messages privés de trois personnes me disant que, moi, je n’y étais pour rien, que c’était le patch qui avait complètement mal calculé pour moi, qui les avait désavantagés, que normalement ça ne pouvait pas être moi, que ça devrait être eux les premiers, que le boss m’avantageait,…
Euh… Je n’ai rien demandé, je ne me suis pas vantée, à peine étonnée devant mon écran mais sans leur en parler. Pourquoi venir me démonter gratuitement ? Autant ils acceptaient quand j’étais première en « soins donnés » (même si j’étais bien derrière eux en équipement), autant quand ça concerne les dommages effectués, là non, une femme n’est pas recevable. Et tout le temps que je passais à calculer via Excel ou par simulation comment faire le plus de dommage possible n’était visiblement pas à prendre en compte.

Et tant d’autres…
Je ne compte plus le nombre de personnes étonnées voire révoltées que je joue des hommes en jeu de rôle. Ca va du « Tiens, tu joues un homme ? » aux « Non j’interdis qu’on ne joue pas un perso de son sexe à ma table ! ». Quand je voyais les autres personnages joueurs prendre plaisir, dans les jeux de rôle « maléfique », à violer les femmes qu’ils croisaient, je n’avais juste pas envie d’en être une. Et pourtant je devais souvent défendre mon bout de gras pour pouvoir, le temps d’un jeu, être un homme.

Depuis je garde mes écouteurs quasi tout le temps au travail (ce n’est pas un cas isolé, j’ai réussi à compter 20 remarques sexistes en 1h30 de resto par exemple. Allant jusqu’aux « Les femmes, on ne peut pas travailler avec ! » très sérieusement argumenté).
Les MMO je n’y joue que des hommes et ne dévoile quasiment jamais être une femme.
Les jeux de rôles j’ai arrêté.